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Seegobin: «Nous avons eu droit au favoritisme dans le plus pur style travailliste»

27 décembre 2009, 00:00

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Seegobin: «Nous avons eu droit au favoritisme dans le plus pur style travailliste»

L’un des dirigeants de Lalit, Ram Seegobin, nous propose son analyse de la scène politique. Il ne ménage pas ses mots.

Quelle est votre lecture politique de l’année 2009?

Ce qui est frappant, c’est que malgré le fait que Maurice, comme tous les pays du monde, a traversé une crise résultant du système capitaliste ultralibéral, le gouvernement a maintenu une popularité étonnante. Cette popularité n’a pas grand-chose à faire avec la politique de ce gouvernement mais plus avec la faiblesse et la division de l’opposition. Il y a aussi le fait qu’au niveau de l’opposition parlementaire, ni le MMM ni le MSM n’a été en mesure de proposer une véritable alternative.

Ce qu’on a vu aussi, c’est une série de contradictions internes à l’Alliance sociale (AS) qui a fait surface. D’un côté, il y a une aile autour du ministre des Finances qui prône une politique économique ultralibérale pure et, de l’autre, une aile dans le PTr surtout qui prône une politique qui vise supposément une démocratisation de l’économie. En fait, cette supposément démocratisation vise à créer des nouvelles couches de petites et moyennes bourgeoisies.

On a aussi vu la démagogie de l’AS exposée au grand jour. Premièrement, avec cette politique économique de  l’ultralibéralisme dont les fondements reposent sur la déréglementation et le libre fonctionnement du marché. Ensuite, la démocratisation de l’économie qui est basée sur l’intervention de l’Etat dans le développement économique et  dans la formation des classes sociales.Un deuxième volet de la démagogie gouvernementale est cette forme de conflit que le
gouvernement attise avec l’industrie sucrière. Le gouvernement fait le maximum pour permettre à cette industrie de faire face à la baisse de 36% des prix. Il va même jusqu’à aider l’industrie sucrière à détruire plus de 20 000 emplois et financer ces licenciement avec l’argent reçu de l’Union européenne comme mesure d’accompagnement. Mais, en même temps, le gouvernement entre en conflit avec cette même industrie. Souvent le timing de ce genre de conflit est très transparent. Maintenant, on est témoin d’un nouveau conflit avec les Independant Power Producer (IPP) en même temps que le début de la campagne électorale.

Il y a aussi la démagogie autour de l’environnement. Le Premier ministre a fait un grand discours à Copenhague. Ici, il a supposément mis en place une politique de Maurice Ile Durable. Mais quand nous regardons la gestion du dossier de l’énergie par le gouvernement, nous ne pouvons que conclure que MID et écologie n’est que pure démagogie.

Troisièmement, quand nous écoutons le ministre des Finances parler de la création d’emplois,  il y a une fausseté qu’il faut exposer. Tous les laboureurs et artisans qui sont partis soit à travers le Voluntary retirement Scheme, soit à travers le programme de centralisation ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du chômage. Maintenant, la création d’emplois s’est surtout faite au sein des PME. Toutes les recherches ont démontré qu’après quatre ans 80% des PME mettent la clé sous le paillasson. L’emploi créé est extrêmement précaire.

Le gouvernement de l’AS arrive au terme de son mandat. Que doit-on retenir de ses quatre ans et demi?

Je pense que ce gouvernement a surtout exposé son manque de vision stratégique. Durant les cinq dernières années, Maurice est passé par quatre différentes crises. Il a y eu ce qu’on a appelé la crise systémique à partir de 2005 qui, avec la fin des marchés protégés, a affecté l’industrie sucrière et le secteur du textile, les plus gros employeurs de notre économie. Ensuite, il y a eu la crise énergétique avec un record pour le prix pétrole à presque $ 150 le baril. Plus ou moins après, nous avons connu la crise alimentaire qui s’est traduite à Maurice par une hausse considérable des prix des produits de base. Et finalement, ces deux dernières années, il y a eu la crise financière accompagnée d’une récession mondiale. Ce gouvernement se flatte d’avoir pris les mesures nécessaires pour atténuer les effets de cette crise sur l’économie locale. Mais en même
temps, il me semble qu’il n’a pas tiré les leçons nécessaires et qu’il n’a pas su lancer une réflexion sur une réorientation économique que ces crises successives  auraient dû avoir provoqué.

Ce manque de vision stratégique se reflète dans les différents budgets de Sithanen qui ressemblent plus à des exercices comptables qu’à autre chose. Ce sont les mêmes intentions floues qui reviennent dans chaque budget et en fait il y a très peu de dépenses prévues sous l’item de capital expenditure. C’est précisément sous cet item qu’on aurait pu introduire une réorientation du développement économique.

D’autre part, la politique du gouvernement de l’AS est foncièrement anti-travailleur. Les deux lois qui ont été votées, de manière globale, n’ont pour objectif principal que la réduction du coût de production pour les entreprises capitalistes. Une des manières de le faire est de délibérément précariser l’emploi et le transformer de plus en plus en contrat à durée déterminée. Mais aussi en même temps, en affaiblissant le mouvement syndical en changeant le rapport de force entre le patronat et les syndicats. Cette politique anti-travailleur a aussi été reflétée dans l’imposition du National Pay Council
qui décide de la compensation annuelle. En même temps dans le dernier budget, Sithanen est venu annoncer une nouvelle compensation pour janvier. Il faut voir la manipulation électoraliste.


On peut aussi dire que, comme c’est tout le temps le cas avec un gouvernement travailliste, le niveau de la mauvaise administration et de la corruption est beaucoup plus flagrant qu’avec les autres gouvernements. Nous avons également eu droit au favoritisme dans le plus pur style travailliste. Par exemple quand face à la récession, le gouvernement établit un Additional Stimulus Package, il n’y a pas eu beaucoup d’entreprises qui en ont bénéficié. Mais parmi il y a un député du PTr et un conseiller du Premier ministre.

Autre aspect qui vaut la peine d’être mentionné est le rôle d’un composant de l’AS, en l’occurrence le PMXD maintenant devenu le PMSD. Le ministre Xavier-Luc Duval, ministre du Tourisme, a connu un développement très tentaculaire avec la Tourism Authority qui a agi comme si tout, à Maurice, et toutes les activités économiques, sociales et culturelles,tout n’est que produits touristiques. Et cela a débouché à certaines actions qui ont frisé le fascisme. Je prends pour exemple l’action sur les affiches avec une équipe de nervis politiques traditionnels qui a sillonné le pays en apposant des croix en noir sur les affiches. Tourism Authority s’est auto-conférée le pouvoir de contrôler les restaurants et les boîtes de nuit et même les concerts. Et finalement, le ministère du Tourisme a organisé toutes les activités entourant le Festival International kreol alors
qu’il y a déjà un ministère de la Culture. En passant, il y a aussi eu la fusion entre le PMXD, le MR et le PMSD et nous pouvons désormais nous attendre à ce que l’appétit de ce nouveau PMSD augmente et, très probablement, il exigera enn pli gro bout.

Selon vous, de quelle manière l’AS abordera-t-elle cette fin de mandat?

La question qui se pose est de savoir si l’AS entrera dans la véritable campagne électorale ou alors s’il y aura-t-il un nouvel alignement?

Justement, 2010 sera résolument l’année des élections. Quelles sont, selon vous, les évolutions et autres permutations à prévoir sur l’échiquier politique?

Un des facteurs qui a affaibli l’opposition, c’est que nous avons eu deux partis qui ont
tout le temps entretenu la possibilité ou bien l’espoir de se joindre au PTr. Nous
n’avons jamais exclu la possibilité d’une nouvelle configuration où le MSM se joindrait à l’AS ou encore la renaissance de l’ancienne alliance bleu-blanc-rouge.

Nous ne pouvons pas non plus exclure la possibilité d’un éclatement de l’AS qui mènerait vers une alliance PTr-MMM.

Il y a deux éléments qui rendent tout possible. Premièrement, c’est l’insistance de Ramgoolam pour une majorité de trois-quart qui est, à ce jour, difficilement envisageable sans le MMM. Le deuxième élément, c’est la précipitation de Paul Bérenger de finaliser une liste de soixante candidats alors que les élections n’ont pas encore été annoncées. Bérenger essaye d’établir que le MMM ira aux prochaines législatives seul. Or, la plupart des observateurs et acteurs politiques considèrent cela comme suicidaire. Est-ce que cela ne devrait pas éveiller nos soupçons quant au fait que Bérenger agit d’une manière alors qu’il vise au final quelque chose de différent? Moi, je pense que ce deuxième élément suggère, en quelque sorte, qu’une alliance antre le PTr et le MMM n’est du tout à  exclure.

Une lutte à trois reste une possibilité. Sauf que ce ne sera pas véritablement une lutte à trois. Le MSM ne fait pas le poids pour que nous puissions parler de lutte à trois. Le MSM a certes des possibilités d’influencer les résultats dans une lutte à trois, mais elles sont marginales et localisées.

Le MMM parle de renaissance et de retour des anciens

Le MMM a suivi une trajectoire linéaire. C''''est-à-dire qu’il est devenu de plus en plus un parti traditionnel où ses structures, héritées du passé, existent toujours pour la forme. Dans son orientation idéologique s’il y a une constance, c’est bien sa dérive vers la droite. Il n’y a en réalité aucune renaissance. D’ailleurs, ils ont déjà nommé une cinquantaine de candidats et je ne vois aucun signe qu’on peut qualifier de revival. Ni de retour des anciens ni de nouvelle génération qui serait capable de remettre le MMM sur les bases du passé.

Quelles sont vos attentes pour 2010?

Ce que nous aimerons voir, c’est finalement un plus grand nombre de classe des travailleurs, du mouvement syndical et parmi les intellectuels, qui commencent à réfléchir sur la portée des crises par lesquelles nous sommes passées et la nouvelle
crise écologique à laquelle nous allons devoir faire face. Tirer les leçons qu’il faut et commencer à se regrouper autour des vraies alternatives. Les gens ne réalisent pas que ni le PTr, ni le MMM, ni le MSM et ni le PMSD, n’a la capacité de venir avec une alternative pour provoquer un véritable changement qui est essentiel. Je ne sais pas quand on le réalisera.