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Scandale Zip It : À qui profite le crime ?

7 décembre 2013, 09:02

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Scandale Zip It : À qui profite le crime ?

Six jockeys mauriciens sont soupçonnés de tricherie lors de la première épreuve du Week-end international. La police a été saisie de l’affaire et le nom d’un repris de justice est cité comme étant le commanditaire de cette affaire qui secoue le Mauritius Turf Club…

 

Ce qui était censé être un week-end de gala pour les courses de chevaux à Maurice, le samedi 30 novembre et le dimanche 1er décembre, s’est transformé en un énorme scandale. Une des 16 épreuves au programme du Week-end international, celle réservée exclusivement aux jockeys mauriciens, est fortement soupçonnée d’être une course truquée. Zip It, le vainqueur, aurait rapporté des millions de roupies. À qui ? C’est à la Police des jeux, saisie du dossier cette semaine, de remonter la filière…

 

L’affaire Zip It fait de l’ombre à la consécration, pourtant historique, de Rye Joorawon, le tout premier cavalier mauricien à avoir terminé sur la plus haute marche du podium à l’occasion d’un événement international au Champ de Mars. Et ce, depuis la première édition en 1984. Mais quelques-uns de ses autres collègues ont choisi de lui voler la «vedette». Et pas nécessairement pour de bonnes raisons.

 

Le déroulement et l’issue de la première course du samedi 30 novembre, remportée par le cheval Zip It, refroidissent considérablement l’ardeur des dirigeants hippiques devant le retentissant succès des Internationaux. Cette épreuve, réservée exclusivement aux jockeys mauriciens, a débouché, cette semaine, sur la suspension de pas moins de six jockeys, dont cinq ont été sanctionnés pour n’avoir pas accordé toutes les chances à leurs montures, en l’occurrence Roland Boutanive (Drug Squad, 18 journées de suspension),Mayaven Chinapiel (The Sneaker, 12 journées), Swapneel Rama (Port Albert, 14 journées), Rehaze Hoolash (Infi nite Destiny, 14 journées) et Nishal Teeha (Manta Ridge, 12 journées).

 

Dinesh Sooful, lui, a été puni sous unecharge moins grave, celle de n’avoirpas monté le cheval Surprising Dream à la satisfaction des commissaires. Pour cela, il a été suspendu pour deux journées et a écopé d’une amende de Rs 25 000. Ils ont tous retenu les services de Me Rama Valayden.

 

Même s’il n’a pas été établi, lors des enquêtes conduites au Mauritius Turf Club (MTC) cette semaine, que la course remportée par Zip It est une épreuve «truquée», il y a suffisamment d’éléments troublants autour de cette course qui ont encouragé le MTC, à travers son Chief Stipe Ian Paterson, à faire une déposition à la police mercredi, soit au lendemain des sanctions prises contre les jockeys mauriciens. Durant trois heures mercredi, Ian Paterson a expliqué à la police comment les montes ont été attribuées aux jockeys ayant participé à cette course, le déroulement de celle-ci, les fluctuations notées au niveau de la cote, surtout celle de Zip It qui a véritablement flambé la veille (passant de Rs 750 à Rs 400), et la lecture qu’ont faite les commissaires de la prestation de chacun des six cavaliers sanctionnés.

 

«C’était difficile d’établir, au cours des enquêtes, que les jockeys ont triché pour favoriser Zip It, car on n’avait aucune preuve que tel a été le cas. La police doit maintenant mener son enquête dans le sillage des informations qu’on lui a fournies », nous déclare un commissaire quia siégé au board mardi.

 

Le cas Zip It est un véritable pavé dans la mare pour l’industrie hippique, qui n’a jamais joui d’une bonne image dans l’opinion publique. Déjà, en 1997, le rapport d’un Steering Committee présidé par Harris Balgobin avait mentionné que «there is a lack of confidence in the public mind in the genuineness of racing in Mauritius» et que «the inevitable conclusion is that there exists, on the one hand, an efficient and dedicated organization and, on the other hand, an elusive criminal fraternity that flourishes by each season».

 

Depuis, malgré de multiples tentatives des différents boards qui se sont succédé à la direction du MTC de soigner l’image des courses, la perception serait restée la même. Celle selon laquelle les chevaux ne courent pas pour le public, mais pour ceux qui tirent les ficelles, ceux qui jonglent avec des millions de roupies derrière la scène, loin des yeux des commissaires.

 

Le cas Zip It semble en être la parfaite illustration. Affiché à une cote de Rs 700, ce cheval trouvait preneur même à Rs 400 le jour de la course. Pourtant, ses chances n’étaient pas grandes sur papier car, non seulement avait-il hérité d’un mauvais couloir dans les stalles, mais il n’était pas, non plus, le plus rapide au départ. Ce qui était un gros handicap car c’est un coursier qui a réalisé ses meilleures courses lorsqu’il avait l’opportunité de s’exprimer librement à l’avant. Celui ou ceux qui ont placé de grosses mises sur Zip It ont eu ce «don» d’anticiper les tactiques des uns et des autres car après 400 mètres de course, Zip It, de manière étrange pour ne pas dire grotesque, s’est retrouvé… seul en tête !

 

Selon les estimations d’un habitué du betting, les bookmakers ont dû vendre quelque 8 000 fonds de Zip It car, pour que la cote d’un cheval passe de Rs 750 à Rs 400, cela nécessite des mises astronomiques. Ce qui donne une idée de la somme d’argent impliquée dans l’affaire Zip It. Un nom circule librement sur la place depuis cette fameuse course comme étant celui du commanditaire. C’est celui d’un homme qui a souvent eu maille à partir avec la justice du pays…

 

Le présumé commanditaire de la tricherie lors de l’épreuve réservée aux jockeys mauriciens sort de sa réserve. En partie. Du fait qu’aucune déposition n’a été faite contre lui, ce Mauricien, détenteur de la nationalité française et qui a déjà été condamné par le passé pour possession de Subutex, explique qu’on ne peut pas «tout lui mettre» sur le dos.

 

Il déclare qu’il ignore que son nom circule dans le milieu comme étant derrière ce coup tordu. Il «sait» toutefois qu’aucun des jockeys suspendus par le Mauritius Turf Club n’a été arrêté par la police. Après avoir nié avoir misé aux courses ce jour-là, il reviendra sur sa version, sans toutefois dire combien il a joué. Il dit également qu’il connaît quelques-uns des six jockeys soupçonnés d’avoir bridé leurs coursiers afin que Zip It remporte la course haut la main.

 

L’affaire Zip It est considérée, dans le milieu hippique, comme un «test grandeur nature» pour la Police des jeux. «Les commissaires de courses tout comme les dirigeants du MTC ont fait leur boulot. C’est à la police de faire le sien et de prouver les dessous de cette sombre affaire», martèle Jean-Michel Giraud, un des commissaires administratifs du MTC.

 

C’est donc une véritable course de fond, dont l’issue reste très incertaine, à laquelle participe désormais la police, puisque jamais l’auteur «d’un crime hippique» au Champ de Mars n’a payé pour son acte. «Jamais un jockey ne dénoncera son manipulateur. S’il a été payé pour tricher, il va prendre sa suspension ou faire appel de la sentence. Il protégera toujours celui qui l’a soudoyé, car c’est un milieu où les gangs mafieux sont légion», fait remarquerun observateur à la rue Shakespeare.