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Sa belle-famille l’accuse de violence alors que son mari avait bu une dose mortelle de rhum

5 février 2011, 00:00

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Sa belle-famille l’accuse de violence alors que son mari avait bu une dose mortelle de rhum

Lynchée, accusée d’être une criminelle, forcée de ne pas être présente aux obsèques de son mari qu’on l’accusait d’avoir tué, une infirmière vient d’être lavée de tout blâme. Le rapport toxicologique de la police scientifique révèle que son époux avait 420mg d’alcool dans le sang.
 
Le 25 décembre n’aura plus le même symbolisme pour Ratna Nundoosing. A 40 ans, ses quatre filles âgées de 15, 13, 11 et 6 ans, et elle-même ont vu la mort de près lors du dernier Noël. Quand sa belle-famille a appris le décès de son époux, Sailesh Baldeo, 42 ans, le soir venu, elle a violemment investi sa maison, à Hermitage, telle une horde sauvage.

Beaux-frères, belles-sœurs, belle-mère et cousins n’ont pas hésité à la tabasser ainsi que l’aînée de ses filles. Le tout sous de grosses injures à faire rougir un charretier. Pour eux, il ne faisait pas de doute qu’elles ont battu le maçon jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Aveuglés par la colère, ils ont choisi de faire l’impasse sur le fait que Sailesh était un ivrogne invétéré. Et que l’autopsie, de même que la contre-autopsie qu’ils ont réclamés, a conclu qu’il n’a pas survécu à un œdème cérébral résultant d’un trop plein d’alcool dans son métabolisme.

Ce 25 décembre, Ratna et ses filles doivent leur salut à un antivol brinquebalant. Elles ont pu forcer la structure métallique apposée à la fenêtre d’une chambre en retrait, avant d’enjamber le mur d’un voisin.

 Elles ont bien eu raison de prendre leurs jambes à leur cou sans demander leurs restes. L’instant d’après, leur maison a été mise à sac et tous leurs effets brûlés jusqu’aux cendres.

« Zot ine trape mo grand tifi zot dire ‘vini p… nu touye zot zordi..’. Zot ti pé casse argentier ek bloc, pas évident », se rappelle Ratna. Malgré plusieurs appels à la police pour une assistance, elle a été forcée de demander à son père de venir les récupérer de l’autre côté d’Hermitage, à Belle-Rive.

« Tou linge ek livres ine brulé, l’armoire ine vine lasane. Pena aukene foot print dans lakaz. Mo choqué pena evidence. Machine à laver ine briler, crépissage ine cloquer », soupire Ratna qui n’a jamais pu remettre les pieds dans sa maison. Ni à assister aux obsèques de Sailesh.

Il lui fallait une preuve solide qu’elle n’avait rien à faire avec la mort de son époux. Surtout que depuis le décès de Sailesh, elle reçoit des appels anonymes, dont certains proviennent de l’étranger où vit une de ses belles-sœurs, accusant ses filles et elle d’être des « criminelles ».

Un mois après, la police scientifique, le Forensic Science Laboratory (FSL), vient rétablir son honneur et celle de ses filles. Les examens toxicologiques effectués à partir des prélèvements à l’autopsie de Sailesh, révèlent qu’il avait l’équivalent d’une bouteille de rhum dans le sang.

En clair, c’était une dose fatale qu’il avait ingurgitée. Il avait 420mg d’alcool dans 100cl de sang alors que normalement, quatre à cinq « pegs » d’alcool avoisinant les 200mg suffisent pour mettre un homme K.O.

Le mercredi 26 janvier, il est 22h passées quand lexpress.mu apprend à Ratna la nouvelle. Calée dans un fauteuil dans le salon de son père, où elle a trouvé refuge, à Saint-Antoine, Camp-Fouquereaux, elle ne comment réagir…

En blanc, bien qu’elle ait divorcé de Sailesh quatre mois avant son décès, elle se rappelle comment celui-ci s’était vanté d’avoir descendu une bouteille de rhum à lui seul sous la varangue de la boutique du coin, le 24 décembre. C’était sa façon à lui d’accueillir la Noël et le lendemain matin, il a remis cela avec ses camarades de beuverie.

Bien qu’ils aient divorcé après dix-huit ans de vie commune, confie-t-elle, elle lui a laissé une chambre dans la maison qu’elle a fait construire sur les terres des Baldeo à coup de prêts auprès de la Mutual Aid. Cette nuit du 25 décembre, il n’était pas venu prendre son dîner comme à l’accoutumée.

Quand elle a pénétré dans sa chambre séparée par une cloison et dépourvue d’électricité pour récupérer un serpentin anti-moustique, elle a trouvé bizarre la façon dont il s’était affalé sur son lit. Elle a aussitôt demandé à ses filles de vérifier s’il se portait bien. C’est ainsi qu’elles ont fait la découverte macabre.

Ratna a fait dire à sa belle-famille, à travers un boutiquier et un « contracteur », que Sailesh avait rendu l’âme. Ce qui pourrait expliquer l’acharnement contre elle et ses enfants. Le courant ne passait plus entre eux, d’autant qu’en milieu rural, il était mal vu que la femme porte le pantalon…

Mais l’infirmière ne peut comprendre la réaction de sa belle-famille ainsi que les déclarations publiques à l’effet qu’elle ait usé de violence sur son mari. « Si c’est le cas, ils sont tout aussi coupables de non assistance à personne en danger », lâche Ratna.

Cela fait deux ans que son couple bat de l’aile, glisse-t-elle. Sailesh, son amour de jeunesse rencontré à la gare de Curepipe, buvait plus que de raison. Quand il lui arrivait de travailler, il dépensait son maigre salaire pour assouvir ce vice.

A bout, elle a exigé de Sailesh de suivre une cure mais il s’est enfui de l’hôpital même pas deux jours après. Son cas s’empirait. Il marchait nu dans la maison et urinait partout, comme un enfant, devant les filles. Leur éducation en pâtissait et il fallait faire un choix.

« Si ma belle-famille avait tellement à cœur son intérêt, pourquoi ne lui a-t-elle pas offert le gîte et le couvert ? », s’indigne la quadragénaire. Elle est d’autant plus en colère car plusieurs de ses agresseurs sont des fonctionnaires comme elle et qu’ils n’aient pas été suspendus malgré la plainte consignée à la police de Phoenix.

Si elle avait effectivement fait de mal à son ex-mari, dit-elle, elle n’aurait jamais fait appel au Samu et à la police dès qu’elle a découvert que Sailesh n’était plus de ce monde. Le FSL ayant rendu son rapport, Ratna espère qu’au moins ses enfants pourront profiter de la maison qu’elle a construite pour eux.

Ce 17 février, elle va devoir affronter un de ses beaux-frères en cour, il est poursuivi par la Child Development Unit (CDU) pour avoir la fâcheuse manie de taper sur ses filles quand elles empruntent le chemin commun qui mène à leur maison. Quant à Ratna, elle s’est décidée à faire une demande auprès de la National Housing Development Corporation (NHDC) pour bénéficier d’une maisonnette, voire un appartement, où elle pourra finir ses jours. En paix.