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Romila Mohee : La femme des toutes premières fois

9 septembre 2013, 12:49

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Romila Mohee : La femme des toutes premières fois

La professeure Romila Mohee est la première femme à occuper le poste de pro-vice chancelier volet académique à l’université de Maurice (UoM). Et comme le fauteuil de vice-chancelier est inoccupé, elle prend de facto la place, devenant la première femme à y assurer un long intérim. De toutes les façons, elle est la femme des premières fois.

 

Bien que la réputation de Romila Mohee en tant qu’ingénieur énergétique spécialisée en environnement ait dépassé de loin les frontières de l’île – au cours de son parcours, son expertise a été sollicitée par bon nombre d’institutions étrangères et elle s’est vu notamment décerner le titre de Best Woman Scientist in Technology par l’Union africaine, a été faite Fellow of the Royal Society of Chemistry de Grande-Bretagne pour ses travaux de recherches et vient d’être recrutée par l’Île de La Réunion comme conseillère en gestion des déchets solides –, cette femme de 47 ans à la tête bien remplie, est restée d’une simplicité déconcertante. «Oui, il y a eu beaucoup de première fois dans ma vie », reconnaît-elle en gloussant comme une adolescente. Elle a été la première femme chargée de cours à la faculté d’ingénierie, la première femme chef de département, la première doyenne et la première professeure de cette faculté, la première femme pro-vice chancelier et la première femme à assurer un long intérim comme vice-chancelier.

 

Romila Mohee a toujours calqué ses pas sur les traces de feu sa mère, Saraswantee, une des premières Mauriciennes à suivre une formation d’enseignante au Teachers’ Training College en 1960 et à enseigner la cuisine et la couture. Notre interlocutrice qui adore bricoler avec son frère aîné et notamment réparer les fusibles qui sautaient à la maison, rate de très peu la bourse d’Angleterre. Mais à l’issue de ses études de sciences au Queen Elizabeth College, elle obtient la bourse française. Elle décide d’étudier l’ingénierie énergétique et passe un concours pour se faire admettre dans une des grandes écoles en France, à savoir l’Institut national des Sciences appliquées de Lyon. Elle y est admise haut la main. Elle est la seule étudiante en cours. «Quand le chargé de cours disait : Mademoiselle, allez au tableau, j’avais beau baisser la tête mais je ne pouvais y échapper», se remémore-t-elle.

 

Après ses cinq ans d’études au cours desquelles elle se spécialise en environnement, elle a la possibilité d’obtenir une bourse et de faire un doctorat chez Électricité de France. Mais comme son fiancé, Khemraz Mohee, devenu depuis son mari, a terminé ses études et a regagné le pays, elle le suit, tout en reportant à plus tard son projet de faire un doctorat.

 

Avec une telle expertise, les débouchés sont rares à Maurice en 1989 et pour s’assurer qu’elle pourra effectivement faire de la recherche et poursuivre ses études, il n’y a pas mieux que d’intégrer le système, à savoir entrer comme chargée de cours à l’UoM. Elle adore enseigner et surtout adopter une approche pratique, axée sur les résultats.

 

En 1995, elle obtient une bourse Fullbright auprès de l’université de Clemson,en Caroline du Sud aux États-Unis, etembarque son mari et leurs trois enfantsencore en bas âge avec elle. Là encore, unepossibilité de prolonger le séjour s’offre àelle mais comme son mari est le numéroun de la State Informatics Ltd, elle préfèrerentrer à Maurice. Nommée chef de département,elle fait énormément de recherchesappliquées pour trouver des solutions pourdes particuliers et travaille de concert avecle Programme des Nations unies pour ledéveloppement sur de nombreux projetsdont celui du compost. Elle travaille aussiavec 14 universités étrangères et le projetqui la marque est le développement d’unprogramme d’études pour une maîtrise engestion des déchets pour l’Afrique.

 

Son expertise est de plus en plus recherchée.Elle est sollicitée pour animer des conférencesà l’étranger. Il y a trois ans, elle estinvitée à une conférence de la Royal Society of Chemistry en Éthiopie et elle est l’unedes deux conférenciers principaux, avec leconseiller de Barack Obama.Le proverbe «Nul n’est prophète en son pays», est tout à fait vrai, pense-t-elle. «Ne me demandez pas d’élaborer sur la question. L’important est que j’ai été beaucoup sollicitée de l’étranger.»

 

De professeure, elle est nommée doyenne de la faculté en 2009 et a sous sa responsabilité six départements, un personnel de 175 âmes dont la plupart sont des hommes et 3 000 étudiants, des garçons majoritairement. «L’ingénierieest un monde dominé par les hommes.Cela ne me gêne pas. Dès le début, j’ai préconisél’esprit d’équipe et c’est ce qui fait que les chosesmarchent. Dans le Senate Room, on admiretoujours la faculté d’ingénierie pour sa cohésion.»

Jeudi dernier, elle a concouru pour le poste de pro-vice chancelier. La compétition était féroce, précise-t-elle. Il n’empêche qu’elle a été choisie. Du fait que le siège de vice-chancelier soit vide, il lui revient de facto. «Assurer l’intérim à ce poste signifie avoir un surplus de responsabilités et faire moins de recherches, si ce n’est encadrer mes élèves doctorants.» Elle qui avait été promue National Research Chair au Mauritius Research Council depuis l’an dernier, a été obligée de rendre son tablier. «Être pro-vice chancelier estun autre challenge que je voulais relever. L’élèvemauricien qui n’a pas les moyens d’aller étudier à l’étranger doit pouvoir se tourner vers l’UoMet suivre des cours aux normes internationales.C’est de cela que je veux m’assurer et qu’il puisse aussi faire de la recherche

 

Même si ses nouvelles responsabilités ne lui donnent pas les coudées franches par rapport à la recherche, elle encadrera ses 22 élèves de doctorat dont 15 sont des filles. Elle est très intéressée à trouver le moyen de dégrader par le biais du compostage les antibiotiques qui persistent dans l’environnement à travers les déchets animaux et humains.

 

L’intérim au poste de vice-chancelier risque d’être court, soit d’environ quatre mois. Ce qui signifie une marge de manoeuvre bien mince. «Je veux bâtir l’esprit d’équipe et faire progresser les étudiants comme le personnel.» Il a beaucoup été question d’ingérence politique auprès de ceux qui occupaient ce poste. «Il y a eu beaucoup de rumeurs à ce sujet. C’est maintenant que je saurai si elles sont fondées ou pas.»

 

Même si dans quelques mois, cette vice-présidente de Maurice Île Durable n’est pas titularisée au poste de vice-chancelier, elle prend son rôle de pro-vice chancelier très au sérieux et pense déjà à l’élaboration de partenariats avec d’autres universités et centres de recherches. «Une idée que je veux développer,c’est la possibilité d’étudier trois ans d’ingénierieà Maurice et de compléter les deux ans qui restenten Grande-Bretagne ou en France. Je veux aussi mettre en place des sandwich courses, à savoirBEng/MEng pour aller directement au mastère».

 

Cette mère d’une fille qui est en cinquième année de nano-ingénierie à l’INSA de Rennes, d’une autre fille qui étudie le droit en Grande-Bretagne et d’un fils qui est en Form V au collège Royal de Curepipe, n’a pas d’autre projet que de faire le microcosme qu’est l’UoM voguer sereinement sur les flots du secteur universitaire.