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Robin Mardemootoo, fondateur de SPEAK Human Rights : «Le gouvernement sri lankais a agi comme une organisation terroriste»

16 novembre 2013, 15:33

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Robin Mardemootoo, fondateur de SPEAK Human Rights : «Le gouvernement sri lankais a agi comme une organisation terroriste»

Robin Mardemootoo est le fondateur de l’organisation mauricienne qui a traîné le gouvernement sri lankais devant les instances judiciaires américaines et le «Human Rights Council» des Nations unies pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violation du droit international.

 
Comment accueillezvous la décision du Premier ministre de ne pas participer au sommet du Commonwealth au Sri Lanka ?
Un gouvernement n’a pas toujours les mêmes objectifs que la société civile et souvent, des intérêts et considérations géopolitiques prennent le dessus, à tort ou à raison, sur les intérêts de la société civile. En tant que fondateur de SPEAK, je peux vous dire que nous n’arrêterons pas nos efforts tant que les membres du gouvernement sri lankais accusés de ces crimes ne seront pas traduits devant un tribunal international. Et cela parce que nous représentons les intérêts de nos clients sri lankais victimes de ces crimes. Mais le Premier ministre, lui, il ne les représente pas. Il représente l’État mauricien. Il se peut que l’État mauricien et son gouvernement désapprouvent des actions du gouvernement sri lankais contre la population tamoule sri lankaise, mais leurs intérêts géopolitiques les obligent à demeurer discrets ou à attendre avant de prendre position, attendre, par exemple, de voir ce que font les autres pays amis. Quoi qu’il en soit, je pense que Navin Ramgoolam a bien fait et la décision de boycotter ce sommet malgré son rôle d’organisateur du prochain sommet est à son honneur. C’est une chose de faire de beaux discours sur les droits de l’homme, c’est autre chose que d’agir. Le Premier ministre m’avait agréablement surpris une première fois en assignant la Grande-Bretagne sur le dossier Chagos; il le fait une seconde fois en prenant une position officielle contre le Sri Lanka.
 
Que reproche-t-on au gouvernement sri lankais ?
Avant la colonisation du Sri Lanka, le territoire était divisé en deux parties, la partie bouddhiste et la partie hindoue, composée de Tamouls. Pendant la colonisation, la frontière entre ces deux territoires fut enlevée et les Britanniques ont gouverné le Sri Lanka comme un territoire. Quand les Britanniques sont partis, ils n’ont pas réinstauré les séparations et depuis, la population bouddhiste majoritaire a graduellement pris du terrain et a commencé à occuper des parties importantes du territoire autrefois tamoul. Cela a donné lieu à des protestations et ces protestations sont ensuite devenues violentes avant de devenir meurtrières avec l’arrivée de l’organisation des tigres tamouls pour la libéralisation du territoire tamoul (LTTE). Ce fut ensuite la guerre civile entre le gouvernement sri lankais et les tigres tamouls et cela a duré longtemps. J’arrive enfin à votre question : ce que l’on reproche au gouvernement sri lankais c’est d’utiliser des moyens illégaux pour mettre fin à son combat contre les tigres tamouls. Personne n’a le droit de violer les normes impératives du droit international, même pendant les guerres. C’est ce que l’on reproche au gouvernement sri lankais. Nous avons des preuves que le gouvernement sri lankais a voulu exterminer la population tamoule en stérilisant les femmes tamoules pour les empêcher d’enfanter. Et que l’armée sri lankaise a bombardé des zones civiles démilitarisées et ainsi tué des dizaines de milliers de Tamouls à l’aide de multi-barrel rocket launchers; ils ont bombardé des hôpitaux, couvents, orphelinats. Nous avons également des preuves que l’armée sri lankaise a systématiquement exécuté des milliers de Tamouls emprisonnés dans des camps. Et que ceux qui se sont rendus sous drapeau blanc, ont été abattus. Les personnes qui ont pris ces décisions sont toujours au sein du gouvernement actuel et on demande qu’elles soient arrêtées et jugées pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et diverses violations des normes impératives du droit international.
 
Comment est-ce que SPEAK prend action contre le gouvernement sri lankais ?
Nous avons intenté un procès contre le général de l’armée sri lankaise qui se trouvait à New York devant les tribunaux américains. Cela a été l’occasion de faire voir au grand public les crimes commis par certains membres du gouvernement sri lankais. À partir de là, le dépar tement d’État du gouvernement fédéral américain a sollicité notre concours dans l’enquête que les États-Unis menaient. Nous avons également collaboré avec les experts nommés par le secrétaire général des Nations unies qui rédigeait un rapport sur comment rendre le Sri Lanka «accountable» pour les crimes commis par ses membres. Nous avons introduit nos informateurs, nos témoins, communiqué nos preuves aux autorités américaines et cela les a grandement aidées. Nous avons soutenu l’ONG française Action contre la faim (ACF) devant le Human Rights Council quand elle s’est plainte du meurtre de 18 de ses employés volontaires tamouls en 2006 par les militaires de l’armée, alors que les volontaires distribuaient de la nourriture à la population. Nous avons enregistré des témoignages de la part de témoins sri lankais contre l’armée sri lankaise et ces témoignages ont contribué à mieux comprendre les agissements de l’armée. Les jours de ces gens sont comptés. Nous les traquerons là où ils se déplaceront et dès qu’ils quitteront le Sri Lanka, on fera de sorte qu’ils soient arrêtés et traduits en justice. Ils le savent et ils se cachent dans leur pays. Je suis satisfait car on a tout fait, avec nos moyens limités, pour leur faire comprendre qu’ils devront payer pour leurs actions.
 
Et les tigres tamouls alors ?
Que l’on soit clair : SPEAK n’accepte pas les attentats ou le fait que des centaines d’innocents ont été tues par la LTTE. Mais que voulez-vous qu’on fasse ? L’organisation a été dissoute et n’existe plus. Les leaders sont morts; il n’y a rien que l’on puisse faire contre les anciens de la LTTE.
 
Quels sont les crimes commis par le Sri Lanka en matière de droit international ?
Le Sri Lanka a violé la Convention against Torture and other Cruel, Inhuman and Degrading Treatment de 1984; la Convention on the Elimination of all forms of racial discrimination; l’International Covenant on Civil and Political Rights de 1966; la Charte des Nations unies; le droit international coutumier ainsi que ce que l’on appelle le jus cogens, c’est-à-dire les normes impératives du droit international. Le gouvernement sri lankais s’est comporté comme une organisation terroriste; or cela est inacceptable en droit international. C’est dommage car le peuple sri lankais est un grand peuple. Mahendra Rajapaksa est, et demeure, l’accusé numéro un. Il insulte l’intelligence de tous les chefs d’État avec ses discours mensongers sur ce qu’on lui reproche. Mais il ne s’en sortira pas car les preuves sont flagrantes et ses jours sont désormais comptés.
 
Comment expliquez-vous qu’une organisation mauricienne mène ce combat contre le Sri Lanka ?
Il n’y a rien qui empêche les Mauriciens de montrer la voie aux autres. On mène le même combat contre la Tanzanie pour ce que ce pays fait contre les Massaï et contre la Grande-Bretagne pour ce qu’elle fait contre les Chagossiens. Notre démarche est apolitique; on opère strictement sous l’égide du droit international et conformément aux moyens mis en place par ce droit international. Nous travaillons en étroite collaboration avec d’éminents juristes anglais, américains, sud-africains, indiens, français, norvégiens, africains et mauriciens. Nous ne sommes pas des activistes; nous sommes des avoués et des avocats qui agissent devant les tribunaux et qui mettent en oeuvre tout ce que le droit international offre afin de protéger les victimes dont les droits humains ont été bafoués.
 
«Mahendra Rajapaksa insulte l'intelligence de tous les chefs d'état.»