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Raj Dayal : « Un seul homme sait faire, c’est Raj Dayal »

22 février 2014, 03:47

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Raj Dayal : « Un seul homme sait faire, c’est Raj Dayal »

Vingt ans qu’il collectionne les déclarations tonitruantes. Raj Dayal, le bouillant militaire devenu politicien haut perché, s’aime beaucoup. Ou alors c’est qu’il joue. Interview à la troisième personne, comme ces Excellences Jules César et Jean-Claude Van Damme.

 

● Quand je vous ai contacté,vous avez commencé par me dire que l’Etat avait investi des centaines de millions sur vous. Investir sur Raj Dayal, c’est rentable ?

Très rentable ! Avec moi, la mafia ne bronchait pas. J’ai tellement donné à ce pays... Comme pilote commandant de bord sur hélicoptère, j’ai sauvé plus de 131 vies humaines à travers différentes missions. Toutes ces personnes avaient une même espérance : elles comptaient sur le professionnalisme et le patriotisme d’un homme pour les sauver d’une mort assurée.

 

● L’actuel commissaire de police (CP) est en poste depuis six ans, le double de vous. Quelles qualités a-t-il de plus ?

Vous mesurez l’efficacité d’un homme à sa longévité ? Dans ce cas, je connais des paillassons très efficaces. M. Rampersad a travaillé sous mes ordres. Il a d’abord été mon chief clerk à la SMF, puis mon staff officer. Il n’y a pas de comparaison possible entre lui et moi, on ne peut pas comparer l’incomparable. Il n’est pas commandant de bord, il n’a pas mes qualifications en gestion des catastrophes naturelles et autres. J’ai été formé au FBI et à la BBC, moi, j’ai une réputation mondiale. Si le secrétaire général de l’ONU a choisi Raj Dayal pour une opération de maintien de l’ordre au Sahara occidental, c’est qu’il y a une raison.

 

● Il doit être sacrément jaloux, M. Rampersad…

Je ne suis pas dans sa tête. (Sur un ton militaire)En tout cas, si j’avais été aux commandes au moment des flash floods au Caudan, une chose pareille ne serait jamais arrivée. J’ai écrit des contingency plans, il suffisait de lesappliquer pour sauver desvies ! M. Rampersad n’est pas l’homme de la situation,il aurait dû démissionner,avec d’autres, après cette catastrophe.Un CP doit inspirerconfiance, être visibledans les situations difficiles, il doit savoir galvaniser ses hommes, maîtriser les techniques et adopter les bonnes stratégies. Actuellement, à l’île Maurice, un seul homme sait faire, c’est Raj Dayal.

 

● C’est sûr ça ?

(Fou de rage) Qui est le pilote commandant de bord !?

 

● Qui est un peu mégalo sur les bords ?

(Dédaigneux) Un journaliste comme vous, un jour, a fait des allégations ! Gordon- Gentil m’avait traité de tous les noms [Il fait référenceà un article du journalLe Mag, « Portrait d’un généralmanqué », publié en 1993,ndlr]. Après son arrestation, il m’a poursuivi en justice et il a été débouté. Le pire, c’est qu’il n’a même pas jugé opportun de me présenter des excuses publiques ! (Il ne décolèrepas) Je ne suis pas mégalomane, c’est connu ça, les gens savent.

 

● Ils savent quoi ?

Grâce à mes initiatives et à mon leadership, la criminalité a reculé de 3500 cas en 3 ans [Les statistiques officiellesde la police indiquent que la criminalitéa augmenté de 49,5%sous l’ère Raj Dayal : 19 805crimes et délits recensés sur lapériode 1995-1997, contre 13244 en 1991-1993, ndlr]. Avec Raj Dayal, le pays serait plus sûr, ça ne fait aucun doute. Rault a dit sur moi après l’opération Sunrise ?

 

● Sans doute beaucoup de bien…

(Il monte dans les décibels) Il a écrit dans son rapportque les trafiquants de droguene sont pas les maîtresdes Dieux ! (sic) Nous avonsencore des gens dans la forcepolicière qui peuvent les mater! Cette opération, je l’aimontée en vingt minutes, uneréussite totale. Dites-vousbien que j’ai battu tous lesrecords de la force policière.Un jour, j’ai fait déraciner l’équivalent de cinq camions de gandia, du jamais vu à l’île Maurice. (L’index pointé) Les gens savent qu’avec moi on ne tergiverse pas !

 

 

● Ce culte de la personnalité, c’est inné ou vous le travaillez ?

Ecoutez, on n’est jamais mieux servi que par soimême. Des journalistes mal intentionnés ne parlent jamais des réussites de Raj Dayal. Parlez-moi de choses palpables, parlez-moi de la mutinerie de 1979 à la prison de Beau-Bassin ! Maurice n’a connu qu’une seule mutinerie dans son histoire (sic) et Raj Dayal l’a matée sans un mort, c’est unique au monde !

 

● Unique au monde ?

Oui, unique au monde ! Qu’est-ce que vous trouvez de mégalomane chez moi, franchement ?

 

● Votre discours, peut-être…

Non, chez moi, dans ma maison. Est-ce que je ne vous ai pas bien accueilli ? Je vous ai ouvert le portail, je vous ai escorté dans ce fauteuil avec mon bâton pour que le chien ne vous morde pas. Si je ne vous donne pas les faits saillants, comment allez-vous connaître mon palmarès ? Il y a des vérités à dire. Si je me taisais, ma conscience me le reprocherait.

 

● Si demain vous retrouviez vos galons de commissaire, quelles seraient vos trois premières mesures ?

Premièrement, je remets à plat la gestion des ressources humaines. Après mon départ [il a été suspendu en 1997 etrévoqué en 2000, ndlr], on a appelé des cadres des ministères pour faire ce travail, ce sont des civils, ça ne marche pas. Deuxièmement, le garage de la police doit redevenir opérationnel. Troisièmement, je restaure l’image de la police grâce au Human Factor Engineering, c’est un concept de management. Je vous en parle parce que je suis un Fellow of the BritishInstitute of Management, c’est le plus grand institut de gestion de Grande-Bretagne. Aucun CP à part moi n’a été formé là-bas.

 

● En quoi n’êtes-vous pas expert, finalement ?

(Bouillant) Vous ne devriez pas me poser cette question ! Avant de venir me voir, vous auriez dû étudier mon CV qui est officiel et mondialement connu.

 

● Les élections de 2015, c’est officiel, vous y allez ?

Je suis partant, oui.

 

● Des propositions de ticket ?

Non, j’attends.

 

● Trois candidatures, trois défaites, ça fait réfléchir…

La première fois, en 2000, je n’ai pas perdu.

 

● Si, je vous le confirme.

Non, j’ai perdu de 138 voix [de 577 voix, indiquela Commission électorale,ndlr]. Si j’avais demandé un recount j’aurais gagné, mais je n’ai pas voulu passer pour un mauvais perdant.

 

● Vous rêvez toujours au poste de ministre de l’Intérieur en vous rasant le matin ?

Ce n’est pas un rêve, c’est la réalité. J’ai pris la décision de devenir ministre de l’Intérieur. Je vais postuler pour ça.

 

● Vous « postulez » aussi pour le retour de la peine de mort. Pourquoi ?

Si quelque chose gangrène la société mauricienne, on doit procéder par amputation. On coupe et on jette à l’incinérateur. Je dirigeais la police quand la peine capitale a été supprimée, en 1995. Après ça, la drogue est entrée partout, l’île Maurice est devenue une plaque tournante.

 

● Avant, il n’y avait pas de drogue ?

Avec la peine capitale, la drogue n’entrait pas, les trafiquants allaient ailleurs [Pourtant,en 1994, la police a comptabilisé1882 drug offences, soit5 cas par jour en moyenne, ndlr].

 

● Vous avez des chiffres pour soutenir vos propos ?

Non, vous les aurez avec Interpol. De toute façon, la peine capitale a un effet très dissuasif sur la criminalité, c’est connu.

 

● C’est un mythe, vous vous trompez…

(Pas content du tout) J’étais le CP, enfin !

 

● CP ou pas, les études menées aux quatre coins du monde démontrent qu’il n’y a aucun lien entre la criminalité d’une société et le fait qu’elle recoure à la peine capitale…

Non, non et non ! La peur de la sanction fait réfléchir certains criminels.

 

● Anerood Jugnauth a donc fait une erreur en décidant de l’abolir ?

En tant que commissaire de police (sic), je ne suis pas autorisé à commenter la décision d’un Premier ministre.

 

● Comme d’autres, vous avez fait de l’insécurité votre fonds de commerce politique. Parce que c’est ce que vous savez faire de mieux ?

(Mielleux) Les gens sont effrayés. Nous avons des psychanalyses là-dessus (onle coupe, il s’agace). Laissezmoi vous expliquer ! Ce n’est pas en une phrase que l’on explique une chose professionnelle aussi profonde ! Au mois de janvier, il y a eu 8 homicides. Nous avons plus de 225 trafiquants de drogue, bonhomme ! Tous leurs biens n’ont pas été saisis. Si tant d’argent sale circule dans le pays, comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de violence ? Les Mauriciens ont raison d’avoir peur. Je suis président d’un temple à Grand-Bassin. Plusieurs fois, on s’est fait cambrioler alors qu’il y a un poste de police à côté. Comment voulez-vous être serein quand vous apprenez qu’un corps en putréfaction a été retrouvé dans un champ de canne ? Moi, à la veille de ma nomination, la mafia a tiré sur les Line Barrackspour m’intimider, mais on n’intimide pas Raj Dayal.

 

● De quoi vit celui que l’on n’intimide pas ?

C’est privé, je ne répondrai pas.

 

● Des cachotteries ?

(Il s’emporte) Ce ne sont pas des cachotteries, ce sont mes affaires personnelles.

 

● Des affaires légales ?

(Fou de rage) N’insinuez pas avec moi ! Je peux vous poursuivre en diffamation !

 

● Vous dites ne pas toucher de retraite de la police…

C’est vrai, j’ai contribué durant 29 ans mais l’Etat ne me donne rien.

 

● Alors de quoi vivez-vous ?

Je ne veux pas répondre, point à la ligne. Je subviens à mes besoins à la sueur de mon front, de façon honnête et légale.

 

● Votre révocation vous a rapporté combien ?

Rien à ce jour.

 

● Vous réclamez un milliard de dommages et intérêts à l’Etat. Suffisant vous pensez ?

(Il prend la mouche) Non, ce n’est pas suffisant ! J’ai demandé un milliard symbolique (sic). Est-ce que vous pouvez dédommager la mort de mon père qui a fait un arrêt cardiaque suite à ma destitution ? Ma mère a eu une crise cardiaque aussi. Pendant 14 ans, je suis parti en cour. Un milliard, c’est rien, j’aurais dû en demander cent !

 

● L’homme qui valait cent milliards a-t-il déjà connu l’échec ?

Jamais. Uniquement des succès à 100 %, dans toutes mes opérations. (Il réfléchit) Je ne devrais pas vous en parler mais je vais le faire : vous avez déjà vu un attentat à la bombe à Maurice ? Vous savez qui a mis en place la réglementation sur les explosifs ?

 

● Merci, M. Dayal, d’avoir fait fuir les méchants poseurs de bombes…

Non, ne me remerciez pas… Grâce à moi, il faut le dire, les explosifs sont soumis à un contrôle très strict. S’il y a des attentats à la bombe, par exemple en Afghanistan, c’est parce qu’ils n’ont pas réglementé, eux (sic).

 

● A moins que ce soit la guerre…

(Il s’emporte de nouveau) Ecoutez, vous ne pouvezpas comparer Maurice à l’Afghanistan ! Je vous dis que je suis l’un des rares commandants à avoir connu une réussite totale dans toutes ses opérations, totale ! J’ai eu les plus grandes distinctions. Saviez-vous que j’ai offert mes services à l’Amérique ? Après le débordement, j’étais prêt à les faire profiter de mon expertise.

 

● Quel débordement ?

Là où il y a le… Ah ! J’ai oublié.... Là où ils dansent 24h sur 24… à côté du Mississippi.

 

●La Louisiane, l’ouragan Katrina ?

Voilà ! J’avais offert mes services.

 

● Ils n’en ont pas voulu ?

Si, ils les ont retenus.

 

● Vous êtes parti là-bas ?

Non, finalement ils m’ont dit qu’ils préféraient gérer le truc à leur niveau.