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Raj Appadu - Président du Front commun des commerçants de l’île Maurice : «Je suis prêt pour la prison»

19 octobre 2013, 11:19

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Raj Appadu - Président du Front commun des commerçants de l’île Maurice : «Je suis prêt pour la prison»

Vaincre le mal par le mal, voilà la décision des membres du Front commun des commerçants de l’île Maurice, devant la prolifération des marchands ambulants. Ils ont choisi la désobéissance civile. Environ 2 000 commerçants de Port-Louis ont décidé de suivre le mouvement et, cette semaine, ceux de Rose-Hill leur emboîtent le pas. Ils ne paieront ni la taxe municipale ni la taxe immobilière en janvier. Ils ont, en outre, posé un ultimatum à la mairie : si d’ici mi-novembre, la ville n’est pas «nettoyée» des marchands ambulants, ils vendront leurs articles sur le trottoir eux aussi et inciteront les citadins à ne payer aucune taxe municipale. Le président du front, Raj Appadu, nous en dit plus.

 
 
◗ Quel est le «mood» des commerçants à l’approche des fêtes de fin d’année ?
Ils se sentent mal, un peu plus chaque jour qui passe. Certains magasins n’effectuent même pas le «baptême», c’est-à-dire, parfois ils ne vendent rien. Les ventes ont baissé par 70 % en moyenne.
 
◗ Combien de commerçants ont fermé boutique ces six derniers mois à Port-Louis ?
(Sans hésitation) Une centaine ! Cela inclut tous les secteurs, vêtements, prêt-à-porter, accessoires…
 
◗ Résumez-nous le problème des marchands ambulants à Port-Louis.
Ils sont partout. Cela a commencé quand le MMM a pris la municipalité. Le premier maire à l’époque a encouragé les marchands ambulants. Avant, pendant les périodes de fin d’année, certains marchands venaient vendre des jouets dans la capitale. Sauf que l’administration leur a fait de la place à la rue «Ti Pamplemousses». Les gens étaient encouragés à venir travailler dans la rue à Port-Louis. Quand ils ont voulu enlever les marchands de la foire cité Martial, ils sont tous allés dans d’autres rues, comme Farquhar et John Kennedy, ainsi que les deux gares. Et là tous les jours, l’on voit de nouveaux marchands.
 
◗ Les commerçants de Rose-Hill ont décidé de suivre vos pas… Qu’en pensez-vous ?
Ils ont absolument raison ! Et je vous le dis, les commerçants de Curepipe et Quatre-Bornes suivront également. À Vacoas, la situation est plus ou moins sous contrôle ; il n’y a pas beaucoup de marchands ambulants.
 
◗ Les marchands ambulants opèrent à présent aussi dans les villages. Comment expliquezvous cette prolifération ?
C’est ironique mais le métier de marchand ambulant attire ! Je connais des gens qui refusent de travailler à l’usine ou comme vendeur dans les magasins, ils ne veulent pas s’engager. Ils souhaitent travailler librement, sans frais. Certains «sous-louent» même les trottoirs ! Le fait qu’ils aient la protection de politiciens de tous bords n’arrange pas les choses, ils sont encouragés.
 
◗ Est-ce devenu un problème politique ?
Malheureusement oui, les politiciens ont rendu ce problème communal. Ils croient toujours que les marchands de rue sont une grande partie de leur électorat. Les politiciens des circonscriptions 2 et 3 à Port-Louis ne veulent pas aborder le problème, ils se cachent derrière un rideau communal. Le problème des marchands ambulants ne se posera plus le jour où le communalisme cessera d’exister. C’est la seule raison pourquoi ni la municipalité ni la police n’effectuent leur travail correctement.
 
◗ Êtes-vous prêt pour la prison (NdlR : par rapport à la désobéissance civile) ?
Oui, je suis prêt pour la prison. Écoutez, la municipalité elle-même ne respecte pas la loi (exclamation) ! Un verdict de la Cour suprême n’est pas respecté ! Pareil pour la police, et c’est un breach of contract, une décision politique qui bloque tout. Regardez autour de vous, Port- Louis est un dépotoir ! Nous n’avons d’autre option que d’aller dans l’illégalité également. (Ferme) Nous ne paierons pas, nous vendrons nos articles sur le trottoir nous aussi et convaincrons les citadins de ne rien payer en janvier.
 
◗ L’ultimatum de la mi-novembre tient toujours ?
Oui, ça tient toujours bon.
 
◗ Pensez-vous que le relogement selon la formule du maire sera efficace ?
Bien sûr que non ! Le maire a pris huit mois pour vérifier une liste préétablie (rires). Je me demande combien de temps il lui faudra pour le relogement. S’il n’arrive pas à gérer, qu’il démissionne ! Il estime qu’il y a 1 700 marchands ambulants, moi j’en ai compté 6 000 ! La mairie a-t-elle un plan pour empêcher les marchands de travailler aux rues Farquhar, John Kennedy et dans les deux gares ? Je ne crois pas, non.
 
◗ Que proposez-vous donc ?
La meilleure solution serait de créer une police municipale. C’est le moment propice, vu que le budget arrive. La police et la mairie se passent la balle, cela ne peut pas continuer. La police municipale devra avoir un Scheme of Service différent. Elle devra vérifi er le permis des marchands ambulants et saisir toutes marchandises au cas où les colporteurs seraient illégaux. Son seul rôle serait de nettoyer la ville.
 
◗ Il paraît que les marchands ambulants sont dangereux…
Oui, c’est sûr, souvent ils défient même la police. Parmi eux, l’on compte des ex-détenus dans le centre de Port-Louis. C’est pourquoi, pour que la police agisse, elle doit être bien équipée. À plusieurs reprises, j’ai témoigné de scènes où des vieux et des enfants ont été battus par des marchands de rue.
 
◗ Pourquoi ?
Parce que ces derniers ont eu le malheur de marcher sur les articles posés sur le trottoir ou parce qu’ils ont fait tomber quelque chose…
 
◗ Vous méprisez les marchands ambulants ?
Non…je n’ai jamais dit ça. Auparavant, quand j’étais enfant, les marchands venaient livrer du lait, des gâteaux poutou ou encore du pain à domicile. Eux, c’étaient les vrais marchands ambulants. Ma lutte n’est pas contre les ti dimounn qui essaient de gagner leur vie, mais ils doivent travailler dans la légalité et le respect. Aujourd’hui, à Port-Louis, l’on ne peut plus parler de marchands ambulants, ce sont des businessmen ! Ce n’est sûrement pas nous, les commerçants, qui en subiront les frais.
 
◗ Le profil des marchands ambulants a-t-il évolué donc ?
Définitivement. Ils sont culottés, et à présent, ce sont de gros importateurs. Plusieurs ont leur van, dans lequel ils transportent tables, chaises et étagères. Ils placent tout cela sur le trottoir et créent un magasin ou une quincaillerie. Beaucoup sont de gros importateurs d’Asie qui se cachent parmi les marchands ambulants. Ils ont des maisons valant des millions.
 
◗ Il semblerait que les marchands du marché central souffrent également…
Oui, c’est vrai. Car ce n’est pas possible que tous les jours, à partir de 14 heures, des gens sortis de nulle part se positionnent sur les trottoirs à côté du marché pour y couper et vendre des légumes. Je ne comprends pas comment le ministre de la Santé, Lormus Bundhoo, et le département sanitaire continuent à tolérer cela, j’ai pourtant attiré leur attention… Mais rien n’a été fait.
 
◗ Croyez-vous qu’un jour Port-Louis sera débarrassée des marchands ambulants ?
Je garde espoir en tout cas.
 
«La meilleure solution serait de créer une police municipale.»