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Réunion : Une charte pour préserver le parc national

5 février 2012, 00:00

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Réunion : Une charte pour préserver le parc national

Une première version de ce qui pourrait bien être la charte du parc national de La Réunion a été émise. Une règle fondamentale de près de 140 pages appelée à être encore modifiée. Elle fera l’objet d’une enquête publique cette année. L’impératif de préservation du patrimoine et la kyrielle d’obligations, pour la plupart déjà en cours, qui en découlent vont bouleverser certaines mauvaises habitudes. Tour d’horizon des pratiques interdites dans nos cirques, pitons et remparts.

Les petits cailloux

Le prélèvement de roches, lui, est autorisé pour l’artisanat local. Idem pour les touristes qui voudraient ramener un souvenir de Trois Roches par exemple : c’est autorisé, dès lors que les cailloux ramassés sont déjà séparés de la roche d’origine et si le poids de la cueillette ne dépasse pas un kilo par personne et par an. Toutefois, la cueillette est interdite dans certains sites tels que les tunnels de lave, les coulées paehoehoe, les sites géologiques faisant l’objet d’une valorisation pédagogique…

La guerre au feu

On ne joue pas avec les allumettes dans le Parc. Plus question de revivre le tragique épisode du Maïdo. Donc, en bivouac, l’usage du réchaud portatif est autorisé uniquement en dehors des périodes de sécheresse et de risques incendie définies par arrêté préfectoral. En revanche, pour les besoins des activités pastorales, agricoles ou forestières régulières ainsi qu’aux fins d’éradication et de contrôle des espèces invasives, le directeur autorise l’usage du feu. D’une façon plus générale, le débat autour de la charte appelée à se poursuivre sera l’occasion de poser la question du risque incendie dans le cœur et des moyens de lutte et de surveillance devant être mis en place.

Dehors chiens et chats !

Le Royal Bourbon n’est pas le bienvenu dans le parc. Ni ses autres cousins canidés du reste. Le principe d’interdiction d’introduire des chiens dans le parc ne tolère aucune dérogation en ce qui concerne le secteur de Mare-Longue. Ailleurs, des exceptions sont toujours possibles. Les habitants des bas pourront venir prendre l’air dans les Hauts avec leur toutou s’il est tenu en laisse, ou s’il s’agit de pratiquer la chasse - en règle. Les résidents du coeur habité et les gestionnaires de gîtes peuvent avoir un canidé à proximité de leur habitation. Pas question d’avoir des chiens errant dans le parc et leur “nourrissage” est donc formellement interdit. Il en va de même pour les chats, grand prédateur de la faune endémique.

Total contrôle sur le droit d’image

C’est un des points de la charte qui inquiète. Les professionnels de l’image et du son ont l’interdiction de principe d’exercer leur métier dans le Parc en toute liberté, sauf autorisation du directeur. Cet accord peut en principe être délivré pour la réalisation de films, de reportages, de documents didactiques ou pédagogiques, tout comme pour la participation aux missions du Parc ou pour assurer la promotion de produits référencés, du terroir, pour la retransmission d’activités autorisés (comme le Grand Raid). Là aussi, la décision sera prise sous garanties cumulatives : respect du milieu et des valeurs du Parc, absence d’évocation de pratiques contraires à la réglementation en vigueur, avertissement du public de la prise d’images ou de son, ainsi que le paiement d’une redevance éventuelle dont le montant sera fixé parle conseil d’administration. Pas question de laisser faire des réalisateurs comme celui qui, pour le compte de Citroën, dans les années 1980, crut bon devoir construire une route bitumée à proximité du Grand Bénare et du Piton de Bert. Vingt-cinq ans plus tard, les sites concernés en conservent toujours des traces. Au Parc, on assure que ce contrôle portera moins sur le contenu que sur les conditions du tournage à proprement dit « dans un but de préservation. Il n’y aura également pas de copie à laisser au Parc », assure le service communication. Concernant la redevance : « La photo amateur restera gratuite, mais quand pour les besoins d’un tournage il faudrait mobiliser plusieurs agents, il n’y pas de raison que cela ne profite qu’au producteur, le débat reste ouvert », poursuit la directrice.

Les hélicoptères en sourdine

Les randonneurs sont souvent surpris lorsqu’ils arpentent les sentiers mafatais. Eux qui croyaient échapper aux bruits de la civilisation motorisée n’en croient pas leurs oreilles. La ronde incessante des hélicoptères vient perturber leur escapade nature. Des rondes utiles et nécessaires pour les habitants du cœur de parc. Néanmoins, et pour éviter les abus, la charte entend “préserver la quiétude du cœur du parc”. Du coup, le “survol motorisé est interdit à une hauteur inférieure à 300 m du sol []soit 984 pieds, Ndlr], sauf au franchissement des cols”. Ceci implique qu’il est interdit de déposer “des personnes à des fins touristiques, de loisirs, à but d’organisation pour le déroulement de manifestations publiques ou sportives” tout comme “les déposes privées”. Tout ceci ne s’applique pas aux services publics, ni en cas d’urgence (secours, incendie). Une dérogation du directeur du Parc sera toujours possible pour les résidents du coeur habité et pour les sociétés de transport à condition d’utiliser les couloirs de circulation aérienne, uniquement entre 7 heures et 17 heures, en utilisant exclusivement des hélisurfaces ou hélistations agréées. Idem pour la musique. Interdit de mettre Bob Marley à fond pour se faire entendre dans tout le cirque. Des exceptions sont prévues, pour les kabars par exemple.

Pas de débordements avec le canyoning

Il n’est pas question de revenir sur la pratique de ce loisir, sa pratique ne reste possible que pour des sites autorisés. Des dérogations peuvent toujours être obtenues. Le directeur du Parc appréciera toujours en fonction des impacts sur le milieu naturel et après avis du conseil scientifique.

Vous ne pouvez pas camper n’importe où

C’est toujours un grand plaisir que de pouvoir planter sa tente dans un endroit paisible et boisé. Un plaisir qui sera désormais contraint. S’il s’agit de camper à proximité immédiate des gîtes de montagne, à l’initiative du gestionnaire du gîte et sous réserve de l’accord de l’ONF, alors oui, ce sera envisageable. Dans un camping agréé (ou doté de sanitaires en rapport avec sa capacité d’hébergement), voire à proximité, aussi. Mais pas plus de 15 jours ! Le bivouac est toléré en dépannage. Pour être admis, il doit être “localisé sur un itinéraire de randonnée, à plus de 30 minutes de marche d’un accès routier, pour une seule nuit et sous abri ” (tente légère ne permettant pas le stationnement debout précise la charte). Et si un randonneur se perd en zone écologique sensible, il devra passer la nuit à la belle étoile.

Une écorce dans les tisanes
Mauvaise nouvelle pour les résidents permanents domiciliés en cœur de Parc : ils ne pourront profiter de dame nature à leur guise. Le prélèvement d’espèces végétales non protégées est autorisé à condition de respecter les arrêtés du directeur, véritable seigneur sur ces terres. Ainsi, avant d’aller cueillir telle ou telle plante, il faudra consulter la liste des espèces indigènes concernées, les zones et les périodes de prélèvement, les modes et les quantités. L’écorçage, lui, reste absolument interdit. Le directeur tiendra également compte des types d’activités (tisanerie, restauration écologique, artisanat) pour autoriser tel ou tel prélèvement.

Pas touche aux sites

Tous les travaux sont en principe soumis à autorisation. Mais il faudra aller encore plus loin et recueillir en plus de celui du directeur, l’avis du conseil scientifique pour utiliser de nouveaux outils, produits ou méthodes de travail ou de lutte contre les espèces invasives. Idem pour modifier la capacité d’accueil d’un site (kiosque ou parking) ou ouvrir de nouveaux itinéraires, équipements ou infrastructures.

Toujours le paradis de la rando

La charte n’entrave nullement ce loisir, en théorie. Tout le coeur reste ouvert ou presque. Du moins tant qu’il se déroule sur sentier balisé… Ou presque. « Interdire le hors piste pour les randonneurs est impossible, ce n’est pas en interdisant qu’on règle le problème mais en aménageant des points de vue, des belvédères », réagit la directrice, Marylène Hoareau. Des restrictions concernent “les zones écologiquement sensibles, les sites en cours de restauration” signalés et “les sites fermés pour cause de risque”. Interdit d’y marcher, sauf dérogation pour les services publics, secours, et entretien des sites et aussi : lorsqu’il s’agit de “la découverte touristique encadrée par des professionnels sur certains sites remarquables ou lors des phases éruptives” du volcan ou pour des missions scientifiques. La directrice du Parc se dit favorable à la signature d’une convention avec les accompagnateurs en montagne « pour ouvrir des sites sensibles pour cause de botanique fragile, observer des nids d’oiseaux, des sites géologiques à des groupes restreints à l’image des tunnels de lave… Nous devons avoir une discussion ». La question de l’accompagnement sur les sites éruptifs « selon les risques et la configuration » en fera partie…

La liberté de réunion encadrée

Le coeur du parc est fragile et tout attroupement est susceptible de lui porter atteinte. C’est pourquoi, la charte soumet à autorisation tout rassemblement supérieur à 50 personnes. Concrètement, organiser un Grand Raid, un kabar, une messe, doit préalablement être autorisé. La motivation de la décision reposera sur plusieurs critères tels que les itinéraires proposés et leur balisage, la gestion des déchets, l’usage du feu, le bruit, de la gestion de la circulation, de l’approvisionnement en eau et de la gestion des sanitaires. Et comme d’habitude, ces manifestations devront toujours composer avec les périodes de reproduction du tuit-tuit, pétrel de barau et pétrel noir.


Dossier : Yoann Guillou, Philippe Madubost et Laurène Mazier
(Source : Le Journal de l’île de la Réunion)