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Réunion : Le projet de loi contre la vie chère examiné par le Conseil des ministres

5 septembre 2012, 00:00

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Réunion : Le projet de loi contre la vie chère examiné par le Conseil des ministres

 Le conseil des ministres examine ce mercredi 5 septembre le projet de loi Lurel contre la vie chère. Le texte, qui vise une régulation en amont des prix et s’attaque aux positions dominantes outre-mer, ne satisfait ni les collectivités locales, ni les partenaires sociaux. Mais Victorin Lurel veut aller vite. Et que ça passe.

Près de quatre mois après la nomination de Victorin Lurel au ministère de l’Outre-mer, le gouvernement presse le pas sur le projet de loi contre la vie chère. Depuis la visite du locataire de la rue Oudinot, mi-juillet à la Réunion, des négociations express et confidentielles se sont tenues entre le gouvernement et les collectivités locales.

Aujourd’hui, Victorin Lurel veut aller vite. Son projet de loi, qui devait être examiné en conseil des ministres le 19 septembre, le sera finalement aujourd’hui. Le but de cette accélération étant que son texte passe en l’état. Sa stratégie consiste à enfermer le lobbying déployé par ses adversaires dans un calendrier serré. Alors que Victorin Lurel s’attaque de front aux pratiques anti-concurrentielles et à ce qu’il reste d’économies de comptoir dans les Dom, autant dire que certains ont à y perdre.

Le texte élaboré par le ministre des Outre-mer comporte onze points visant à abolir les monopoles et autres positions dominantes dans les Dom, particulièrement dans le secteur de la grande distribution. Il vise à rééquilibrer le jeu de la concurrence sur l’ensemble des territoires ultra-marins en sanctionnant tous les abus. Il propose d’abord une petite révolution pour les marchés ultra-marins qui consisterait en l’interdiction des droits d’importation exclusifs s’ils ne sont pas “justifiés par des motifs économiques objectifs" Une telle mesure sonnerait la fin des distributeurs officiels qui fixent à leur gré le prix des produits qu’ils représentent, aussi bien dans l’automobile, l’alimentaire, que l’alcool ou le tabac.

Dans le même esprit, le projet de loi entend imposer aux "monopoles ou oligopoles privés" de définir des tarifs "non discriminatoires" pour les biens jugés "indispensables", afin de permettre l’accès au marché à la concurrence. Le but étant de permettre au plus grand nombre de revendeurs d’accéder à tous les produits.
levée de boucliers

Dans le cas contraire, l’Autorité de la concurrence pourra être saisie. Celle-ci sera également dotée d’un "pouvoir d’injonction structurelle en matière de grande distribution". Le texte permettant aux collectivités locales "d’adresser au ministre de l’Economie une demande" pour saisir l’Autorité si elles constatent des "pratiques anticoncurrentielles".

Autre mesure restrictive à l’égard de la grande distribution, Victorin Lurel propose d’abaisser à 5 millions d’euros le seuil de contrôle des concentrations dans le commerce de détail (contre 7,5 millions d’euros actuellement). Cette disposition permettrait de passer au crible toutes les opérations de cession, partenariat ou fusion concernant les magasins d’une surface supérieure à 600m2.

Sans surprise, la diffusion par Victorin Lurel du contenu de son projet de loi a entraîné depuis la semaine dernière une levée de boucliers. Le conseil régional, tout d’abord, a, sans donner d’avis sur le fond, rejeté en bloc le texte, estimant que la procédure d’urgence à laquelle avait recours le gouvernement ne permettait pas "la concertation nécessaire avec les acteurs locaux". Un choix qui aurait conduit, selon la Région, à proposer un texte "incomplet, imparfait et donc insatisfaisant". La commission permanente de la collectivité a donc demandé au gouvernement de suspendre l’examen du projet de loi en ce qui concerne le volet relatif à la régulation économique, dans l’attente du forum économique et social qui permettra à l’ensemble des partenaires de s’exprimer et de formuler leurs propositions.

Les conseillers généraux, quant à eux, ont acté une position commune consistant à valider le principe de la loi Lurel, tout en exigeant que des "éclaircissements", des "précisions", voire des "amendements" soient apportés au texte. Les élus du groupe PCR-Alliance ont cependant regretté que "la problématique des revenus dans notre île, la diversification de nos sources d’approvisionnement, et les prix des produits de première nécessité ne soient pas pris en compte globalement."

Du côté du patronat, le Medef Réunion se montre très hostile au projet Lurel. Son président, Yann de Prince, dit avoir "expliqué au cabinet du ministre que les entreprises de la Réunion avaient été heurtées par la méthode qui consiste à promulguer une loi avant la concertation". Et Yann de Prince d’ajouter : "Personne ne peut contester le fait que le gouvernement veuille mettre un terme à des anomalies si elles existent, mais attention à ne pas tomber dans la stigmatisation des Dom." Pour le président du Medef Réunion, une loi sur les prix "ne va pas résorber le chômage, ni créer de l’activité."
"pas une réponse adaptée au problème"

Même son de cloche à la Fedom (Fédération des entreprises d’outre-mer), qui estime que le projet Lurel ne "constitue pas une réponse adaptée au problème du niveau des prix dans les départements d’outre-mer". Pour la fédération, le projet "stigmatise" la grande distribution en l’accusant d’être la principale responsable de la vie chère. La Fedom estime que "la possibilité donnée à l’autorité de la concurrence de procéder par injonction pour obliger une entreprise à céder une filiale à un concurrent en cas de position dominante, pas nécessairement abusive, est une mesure qui, outre sa base juridique incertaine, créerait une situation d’insécurité défavorable aux investissements et au développement des entreprises concernées".

Seuls les syndicats de salariés sont plus modérés. Ivan Hoarau, secrétaire général de la CTR, considère que le projet Lurel "n’est pas inintéressant dans la mesure où il pointe la nécessité de remonter la chaîne de formation des prix, déclare-t-il.
Il y a une volonté d’y voir un peu plus clair." Mais pour le représentant syndical, Victorin Lurel affiche trop de confiance en la concurrence. "Certes, il en faut. Mais sur un territoire insulaire restreint, on ne peut pas compter que sur la concurrence", affirme Ivan Hoarau.

Enfin, le projet n’entraînera d’effets selon lui qu’à moyen et long termes et ne répond donc pas à "l’urgence sociale".
Selon Maurice Cerisola, président de la Réunion économique actuellement à Paris, des modifications de dernière minute, potentiellement significatives, auraient été apportées au texte. "Le gouvernement veut en garder la primeur pour le conseil des ministres, affirme Maurice Cerisola. Nous ignorons donc s’il a été tenu compte de nos remarques ou si au contraire le texte a été durci." Maurice Cerisola avait exprimé sa crainte, notamment, que le projet Lurel dissuade l’investissement dans les Dom
Séverine Dargent

(Source : Le Journal de l’île de la Réunion)