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Réunion : Le marché du requin, c’est peau de chagrin

1 août 2012, 00:00

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Réunion : Le marché du requin, c’est peau de chagrin

La mauvaise réputation du requin lui colle à la peau. À tel point que sa commercialisation reste marginale. La pêche autorisée du requin ne représente qu’une infime partie de la pêche locale.


Étendu sur la glace des poissonniers, sous cellophane en grandes surfaces ou dans les assiettes, ça ressemble fort à de l’espadon. Mais allez comprendre, Le requin pêché légalement, au large de nos côtes, n’arrive pas à se hisser à la hauteur des grands pélagiques de la zone (thons, marlins, espadons…). Sa pêche et sa consommation restent marginales.

Trois espèces de la famille des carcharinidae sont autorisées à la pêche par dérogation. Selon l’arrêté du 24 décembre 2009, seuls les requins à peau bleu, les pointes blanches du large et le mako sont autorisés sur les étales. La société Réunipêche réalise 70 % des prises locales de squale à partir de ses palangriers. Ses statistiques à la débarque pour l’année 2011 font état de 24 tonnes de requin pêchées dans la zone autorisée []]Réunion-Madagascar, ndlr]. “Ce n’est rien, ça représente 1,6 % de nos entrées, souligne Hubert Chenede, directeur général de Réunipêche.

Environ 6 tonnes sont consommées localement et près de 16 tonnes partent à l’export []]une partie de la pêche est détruite]. Les quantités sont en berne car les marchés se ferment sous la pression des lobbies environnementaux ou sous la pression médiatique, voire cinématographique.”

“Le mako, c’est bon comme de l’espadon”


La DMSOI (1) confirme que les tonnages de requins débarqués en septembre 2011 à La Réunion sont assez faibles : 15 tonnes pour ce qui est de requins pêchés en ZEE Réunion (2) et 50 tonnes pour ce qui est des captures réalisées dans l’océan Indien et commercialisées à la Réunion… Même constat chez les petits pêcheurs. Un spécialiste n’a vu rentrer qu’un seul requin au port de Saint-Gilles l’année dernière. “La plupart du temps, on coupe la ligne”, indique-t-il.

Plusieurs raisons expliqueraient ces chiffres. Outre la mauvaise réputation du requin en général (les 465 espèces de requins regroupées en 35 familles recensées au monde ne sont pas toutes à mettre dans le même filet), celle du mangeur d’homme, du poisson-poubelle, ou du vecteur de la ciguatera, la raison économique serait la plus forte. Très prisé pour ses ailerons, en Asie principalement, le cours du marché du reste de l’animal serait en réaction étonnamment bas. D’après les professionnels péi, le prix du steak de requin n’est pas très attractif : seulement 2 € le kilo. Acheté entier, vidé, étêté, il se vendrait entre 1,80 et 2,60 € du kilo et serait commercialisé par les usines sous forme de longes vendues à 5,10 € le kg. Le consommateur final, lui, en serait de sa poche pour environ 10 euros le kilo en grande surface (un prix encore intéressant comparé à celui des autres pélagiques). “Le requin est considéré comme un produit bas de gamme car sa pêche manque de régularité, l’aspect visuel et la prestation ne sont pas toujours au rendez-vous”, résume M.Chenede, déçu que le produit n’émerge pas davantage.

Pourtant, “le mako, c’est tendre et bon comme de l’espadon”, s’enthousiasme un poissonnier du DCP pêche. En filet, en steak, en tranche, le requin, selon lui, est principalement acheté (à 80 %) par les touristes. Mais le plus souvent, au bout de la longue ligne, on trouverait des peaux bleues, nettement moins savoureuses.

1 DMSOI : Direction maritime sud océan Indien 2 ZEE : zone économique exclusive


Yoann Guilloux
(Source : Le Journal de l’île de la Réunion)