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A quel point un site doit-il protéger l’anonymat du blogueur ?

6 septembre 2011, 00:00

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A quel point un site doit-il  protéger l’anonymat du blogueur ?

C’est une descente de la police qui a réveillé un débat sur l’anonymat du blogeur s’exprimant sur Internet. L’administrateur d’un site d’information doit-il demander à tout bloggeur de lui révéler son identité ? Dans quelle mesure à tout prix préserver l’anonymat du blogueur ?

 Dans quel cas doit-il révéler cette identité ? Doit-il connaître lui-même l’identité de tous les internautes ? Ces questions secouent la rédaction de lexpress.mu depuis une visite dans ses locaux, la semaine passée, d’officiers de la Cybercrime Unit et de l’IT Unit.

Munis d’un ordre du juge Matadeen (voir hors-texte), des officiers de police ont réclamé l’accès au serveur informatique du site afin de retracer la provenance d’un commentaire d’un internaute paru le 25 août dernier. Il s’agit d’une critique contre l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) sur l’affaire Peermamode. Pour des raisons techniques, «La Sentinelle», propriétaire du site, a indiqué dans une déposition ne pas pouvoir accéder à cette demande. Une décision sera prise aujourd’hui.

En fait, lorsque l’internaute envoie un commentaire sur un article, le modérateur de l’express.mu le reçoit en tant qu’un courrier électronique, envoyé via une interface sur le site. Cette interface utilise un serveur de messagerie de l’express.mu (administré en Inde) pour envoyer le message. Donc, retracer l’internaute devient encore plus difficile.

Vient également la question de modération. «Tant que l’internaute évolue en respectant les lois, son anonymat est respecté.

Toutefois, si des propos diffamatoires ou qui portent un quelconque préjudice à la vie privée des gens sont employés, il doit y avoir un modérateur qui contrôle ces derniers», explique Trilock Dwarka, président de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA).

Le modérateur s’appuie sur un protocole indiquant ce qui est publiable et ce qui ne l’est pas. Par exemple, seront censurés tout commentaire lié à la vie privée d’autrui et pouvant porter préjudice à l’intégrité de ce dernier. Le modérateur tente autant que possible de respecter la liberté d’expression de l’internaute lors de la modération. A lexpress.mu, cette fonction est assurée par deux journalistes de carrière, sous la supervision du rédacteur en chef.

Ashok Radhakissoon, ex-président de l’ICTA et de l’Independent Broadcasting Authority, est, lui, d’avis que «le modérateur et l’internaute ayant posté le commentaire sont tout aussi responsables. Notre Constitution donne à chaque citoyen la liberté de s’exprimer, mais celle-ci à une limite. Si un propos a été publié sur  un blog et qu’une personne se sent lésée, elle a droit de réagir. Cela peut se résumer à écrire une réponse, mais si le préjudice ou la diffamation est prouvée, la personne peut même saisir la justice pour faire valoir son droit», affirme l’avocat. Il indique que des cas de cyberstalking, à l’étranger, ont même mené au suicide d’une victime et à l’emprisonnent du stalker (harceleur).

Dans ce cas, l’administrateur du site Internet devrait-il exiger l’identité des blogueurs, qu’il garderait confidentielle, pour être utilisée en cas de préjudice causé ? «La liberté d’expression est fondamentale, mais ce serait bien une solution», répond l’actuel président de l’ICTA. Ashok Radhakissoon n’est, lui, pas de cet avis. «Internet est un des médias les plus utilisés pour la communication. Cela a permis à de nombreuses personnes à communiquer leurs pensées et à dire leurs opinions plus librement.  Même si cela pourrait être une solution, cela tuerait la facilité d’accès à l’Internet. Il ne faut pas oublier que c’est cette même facilité d’accès et l’anonymat qui ont provoqué cette révolution au  niveau de la grande toile», rappelle-t-il.

La solution ? Selon lui, elle n’est pas de bannir l’anonymat mais de faire une utilisation responsable de l’Internet. Il est d’avis qu’il s’agit surtout d’une question d’éducation, et non de lois. «L’on a bien trouvé des solutions pour modérer l’impact de la pédophilie et de la pornographie sur les enfants», fait-il valoir. Donc, si « un réel débat est lancé entre parties concernées», en commençant par les autorités pour aller jusqu’aux internautes, une « solution adéquate» pourra être trouvée… 

Ce que dit la loi

L’ordre, émis en Chambre par le juge, Keshoe Parsad Matadeen, s’appuie sur l’article 3 du Computer Misuse and Cybercrime Act 2003. L’article 12, Disclosure of preserved data, stipule que «toute autorité investigatrice peut, pour les besoins d’une enquête criminelle ou la poursuite d’une infraction, faire une demande à un juge en Chambre pour un ordre de divulgation».

Dans quels cas les autorités peuvent-elles demander un tel ordre ? Cette loi ne le précise pas. En revanche, l’Information and Communication Technologies Act 2001 définit les délits liés à toute transmission de messages par des moyens d’informations et de communications. L’article 46 de cette loi indique, lui, que tout message « []]…] (i) grossièrement offensive ou de caractère indécent, menaçant ou obscène ou (ii) dans  le but de causer des ennuis, des inconvénients ou une anxiété inutile à une personne (iii) de nature pouvant mettre en danger ou compromettre la défense de l’Etat, la sécurité ou l’ordre public []]…] » est passible d’une amende ne dépassant pas un Rs 1 million et un maximum de cinq années d’emprisonnement. 

Cependant, retracer ces informations n’est pas aussi évident. «Ce sont des procédures très compliquées. On pourra retrouver l’adresse IP. Nous avons des équipements pour, mais il faut une longue investigation avant de retrouver l’internaute», indique Trilock Dwarka, président de l’«Information and Communication Technologies Authority».