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Portrait : La coriacité rouge

19 avril 2010, 00:00

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Portrait : La coriacité rouge

Goinsamy Rungen, dit Ton Baba, est presque né avec le Parti travailliste (PTr). Cet activiste de la première heure a été de toutes les luttes de ce parti. Bien que son grand âge ne lui permette plus d’être sur le terrain, il continue à faire campagne pour les rouges. A sa manière.

Physiquement, Goinsamy Rungen ne fait pas ses 83 ans. Il l’explique par le fait qu’il a toujours eu un air juvénile. «Ler mo ti travay, zot ti paye moi moins parski zot ti dir mo fi gir bien tann.»

Il est issu d’une famille très modeste. Son père travaillait comme chauffeur pour une famille de la grande bourgeoisie curepipienne et ils habitaient à plusieurs familles dans un immense hangar qui avait été divisé en pièces rendues habitables. Certains de ceux vivant là étaient affectés au jardin, d’autres aux cuisines et d’autres encore au travail de maison.

Lorsque Goinsamy Rungen termine son cycle primaire, son père n’a pas les moyens de continuer à payer sa scolarité. La patronne de son père conseille alors à ce dernier de lui faire apprendre un métier. Un jour, Goinsamy Rungen voit un menuisier livrer une belle armoire. L’adolescent est fasciné par ce meuble. Sachant qu’il ne pourra jamais se payer un tel meuble, il se dit qu’il doit apprendre à le fabriquer. C’est ainsi qu’il devient manoeuvre.

Au bout de 3 à 4 ans, il est capable de travailler seul et se met à son compte. Il est actif sur plusieurs chantiers de Curepipe. Il n’a alors que 17 ans et gagne sa vie à la sueur de son front. «Pou gaign sa Rs 4.50 là, ou ti bisin mars lor 100 sab», dit-il en riant. Pour se détendre, il apprend à jouer de la trompette au sein du Veeramundur Band. C’est là qu’il entend parler de politique et surtout du PTr. «Monn ne an 1927. PTr inn komanse en 1936. Kouma dir nounn zenfan ansam», explique-t-il en riant. Il apprend que ce parti milite notamment pour le renforcement des capacités des petites gens et pour l’instauration du suffrage universel. Des idées qu’il épouse totalement. Il est tellement séduit qu’il décide de devenir activiste et de convaincre d’autres à la cause des Rouges.

C’est chose faite en 1948. Goinsamy Rungen prend alors son bâton de pèlerin et fait du travail de terrain. «Monn vinn enn zouvrier dan politik», dit-il non sans fi erté. Et lorsque le suffrage universel est instauré, il est parmi ceux qui vont de maison en maison pour expliquer aux gens comment voter pour le scrutin de 1959. «Ti bisin explik dimounn kouma met lakroi.» Depuis, il n’a de cesse de convaincre les gens à la cause du PTr. Et c’est toujours sur une base bénévole.

Il dit n’avoir jamais eu de problèmes avec les activistes des camps adverses. «Mo ti konn amenn lavi. Zame monn rod lamerdeman ar personn. Mo bann adverser ti mo kamouad. Ler eleksyon fi ni, nou tou manze, boir ansam.»

Cet homme qui n’a pas peur de crier sur tous les toits qu’il est Travailliste, et surtout Ramgoolamiste, n’a jamais retourné sa veste. «PTr ena enn sel parol. Linn amenn sufraz universel kouma li ti dir. Linn amenn l’Indépendance. Linn donn ledikasyon gratis. Guete kouma inn fer progre. Pa kapav kit enn parti koumsa.»

Ses forces ont permis à ce décoré de la République (il a eu le Member of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean en 1998) d’être actif sur le terrain jusqu’en 2005. Mais à 83 ans, c’est une autre paire de manches. «Mo moins actif akoz mo laz. Mo bizin pran mo lasante en konsiderasyon.»

Cela ne l’empêche pas de suivre l’actualité politique à la télévision. Et puis, de faire campagne à son niveau. «Ki li dan bis, dans vindou, dan mariaz, dan l’enterrement, mo gete ki sannla autour moi e mo komens dir zot ki lakoz PTr, nounn gaign sufraz universel, l’Indépendance, ledikasyon ek lasante gratis. Ek sous Navin Ramgoolam, nounn gaign transpor gratis. Vie dimounn kapav voyaze. Pa kone si lezot pou fer pareil.»

Goinsamy Rungen est actuellement excité comme une puce car l’échéance électorale approche. «Mo ena enn kamouad ki impe pli aze ki moi e toultan kan nou koze, nou dir pa kone si nou pou truv lot eleksyon. Letan pe pase e nou ankor lamem.»
S’il y a une chose dont il est sûr, c’est que si Dieu lui prête vie jusqu’au 5 mai, il sera le premier à aller mettre sa croix à l’ouverture du centre de vote. Vous avez dit die hard ?

Marie-Annick SAVRIPÈNE