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Perte du triple A de la France : "Le timing est très surprenant

20 novembre 2012, 00:00

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Perte du triple A de la France : "Le timing est très surprenant

La décision de Moody''''s va-t-elle avoir les mêmes effets que celle de Standard & Poor''s mi-janvier, c''est-à-dire une très faible réaction des acteurs économiques ?

Le contexte a changé depuis janvier. A cette époque, c''était la première dégradation de la note française, l''impact était plus fort, alors que la décision de Moody''s apparaît comme une confirmation de celle de S & P. Une fois que le triple A est perdu, je pense qu''il faut de nouvelles dégradations avant que les marchés ne réagissent vraiment.

A l''heure où l''on parle, les marchés n''ont presque pas réagi. La France n''a perdu que quelques points de base, c''est très minime et ce n''est pas une surprise, pour plusieurs raisons.

Tout d''abord, cette décision arrive tard pour ne pas dire trop tard, et les marchés ont largement anticipé la dégradation, attendue. Ensuite, dans le contexte actuel de la zone euro, les investisseurs ont le choix entre deux extrêmes : des taux extrêmement bas voire négatifs comme en Allemagne ou des taux très élevés comme en Italie ou en Espagne.

S''ils veulent prendre le moins de risques possible, ils peuvent se tourner vers la France, qui conjugue un faible risque à un niveau de rendement plus élevé que ceux de l''Allemagne. C''est pourquoi je pense qu''il y aura une inertie assez forte des marchés dans les jours à venir et je serais étonné qu''il y ait des mouvements de portefeuilles importants.

Quel est le sens du "timing" choisi par Moody''s ?
La décision de Moody''s intervient juste après la conférence de presse de François Hollande qui, selon moi, allait dans le bon sens du point de vue des agences de notation : volonté de réduire le déficit, modification de la fiscalité pour augmenter la compétitivité, réflexion sur la flexibilité du travail.

Le "timing" est donc très surprenant : une dégradation aurait été compréhensible il y a six mois, aujourd''hui elle intervient trop tard. Pour autant, cette décision se justifie notamment par le niveau de dette et de déficit (4,5 %) élevés associés à une faible croissance.

L''inertie des agences de notation est très forte, elles ont tendance à arriver trop tard. Enfin, cette décision, assortie d''une perspective négative, est un pari sur la durée : il faut voir si les mesures annoncées vont être suivies d''effet ou pas.
Les mesures issues du rapport Gallois et le pacte de compétitivité ont-elle permis au gouvernement Hollande de "sauver les meubles" ?

L''annonce de ces mesures ont certainement dû jouer en faveur de la France, c''est indéniable. Pour autant, je ne pense pas qu''on ait sauvé les meubles. On a fait un pas dans la bonne direction mais ce n''est pas encore suffisant.

Concernant les prévisions de budget 2013, le gouvernement prévoit que les bons du trésor de la France à dix ans ne dépassent pas 2,9 %. Je pense que c''est crédible, et ce d''autant plus qu''un bon nombre d''investisseurs se sont désengagés des pays périphériques pour se tourner vers les pays à faible risque. D''autre part, la Banque centrale européenne a ramené le taux de dépôt à zéro, ce qui a forcé les trésoriers de banques à chercher des placements alternatifs.

La France est-elle toujours, comme l''affirme le gouvernement, une "valeur sûre" auprès des investisseurs ?
J''espérais que la perte du triple A en janvier réveillerait la France, créerait un électrochoc – ce qui n''a pas été le cas. Quand l''un des conseillers de Nicolas Sarkozy disait que le triple A était un "trésor national", il avait raison. Même si la note de la France reste très bonne, elle ne fait plus partie des meilleures notations mondiales : c''est grave car ce n''est pas uniquement symbolique.

On regarde beaucoup les "spread" – la différence des taux d''emprunt entre la France et l''Allemagne. Il est très faible quand on compare avec le spread franco-italien ou franco-espagnol. Toutefois, il faut garder à l''esprit les ordres de grandeurs : sur dix ans, la France emprunte à 80 points de base de plus que l''Allemagne, c''est dix fois plus qu''avant la crise.

Par ailleurs, dès que le risque augmente, les investisseurs se réfugient vers des valeurs sûres, comme l''Allemagne, et vendent les valeurs risquées, comme l''Italie ou l''Espagne. Jusqu''à l''année dernière, les investisseurs considéraient la France comme une valeur refuge – ce qui n''est plus le cas depuis le début de l''année. Le risque est certes plus faible que dans le cas de l''Italie ou de l''Espagne, mais il est là : dire que la France est un actif sans risque, c''est faux, car le marché ne la considère pas comme telle. La situation économique de la France s''est énormément détériorée depuis quelques années.