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Nouvelle loi sur le tabac: adaptation douloureuse pour les consommateurs

19 avril 2009, 12:00

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Nouvelle loi sur le tabac: adaptation douloureuse pour les consommateurs

Le Public Health Act sur le tabac est entré en vigueur depuis le 1er mars. Plus d’un mois après, a-t-il amorcé un changement comportemental chez les consommateurs?

La seule pensée de payer une amende de Rs 10 000 et passer douze mois en prison pour avoir fumé dans un endroit public est cauchemardesque pour tout fumeur. Alors, ils le font plus ou moins discrètement.

Et parfois, ils se font prendre! Soit cinquante jours depuis l’imposition de la nouvelle loi et déjà 57 contrevenants ont été sanctionnés par la police.

L''avis de fumeurs

«Si nous mettons de côté le fait que la cigarette est nocive pour la santé, que je reconnais certainement, je pense toutefois qu’avant de passer ce genre de loi, il faut que les décideurs en étudient les implications. Je trouve ridicule de ne pas pouvoir fumer dans un véhicule où tous les passagers sont fumeurs! Le véhicule de quelqu’un, c’est sa propriété privée! Bientôt, on viendra arrêter les fumeurs pour avoir fumé chez eux!», confie Sophie, 28 ans.

 «Depuis la rentrée en vigueur de cette loi, je fume moins. C’est parce que les fumeurs sont devenus paranoïaques à force d’avoir à guetter les policiers. Ce que nous ressentons quand nous fumons dans un endroit public, ce n’est pas uniquement le fait que nous faisons quelque chose d’illégale. C’est pire. Nous avons l’impression d’être carrément en train de commettre un crime contre l’humanité!», poursuit la jeune femme.

Et d’ajouter, «De plus, cette amende de Rs 10 000 est franchement exagérée. Je me rappelle qu’il y a quelques années, la loi ‘pa zette saleté’ a été promulguée et l’amende était de Rs 500. Moi, j’aimerais bien connaître le nombre de contrevenants qui ont été punis à ce jour… C’est une politique de deux poids, deux mesures… Au début de la promulgation d’une loi, c’est toujours tout nouveau, tout beau».

Mike, fumeur et âgé de 30 ans, n’est pas si négatif au sujet de la nouvelle loi régissant la consommation de tabac. «Au départ, j’ai mal accueilli la nouvelle loi. Mais, par la suite, j’ai trouvé qu’elle n’est pas une si mauvaise idée. Je sors souvent au restaurant. Maintenant, je me rends compte que l’air y est meilleur… Je consomme définitivement moins de cigarettes. Auparavant, quand je sortais avec mes amis, nous fumions plusieurs paquets chacun en quelques heures. Aujourd’hui, c’est bien moins, parce que nous nous sentons ridicules de faire le va-et-vient entre l’intérieur et l’extérieur pour aller fumer», convient-il.

«La seule règle que je n’ai pas accepté, c’est la défense de fumer dans sa voiture, alors que je suis en compagnie de fumeur comme moi», confesse Mike.

Les citoyens et la loi

Analysant le phénomène, le sociologue Ibrahim Koodooruth est d’avis «qu’il n’y a eu aucun changement au niveau comportemental». «En effet, la loi a été votée. Or, l’implémentation n’a pas été effectuée. Les cigarettes se vendent encore au détail dans les boutiques. La plupart des commerçants ne vérifient pas si l’acheteur de tabac est majeur…», souligne-t-il.
«Pour ceux qui ne fument pas, c’est une bonne loi. Pour ceux qui fument, elle n’est pas pratique. Pour ceux qui veulent arrêter de fumer, y a-t-il un soutien ou un encadrement? Les gens savent que fumer est mauvais pour la santé. La sensibilisation ne suffit pas. Il faut une thérapie, un accompagnement», dit-il.

Le sociologue confie également que les Mauriciens ont la manie de trouver des moyens de contourner toute loi. Car cela fait partie de leur culture. «Je crois que nous réussirons à faire respecter les lois quand elles n’ouvriront plus des portes à ceux qui peuvent les contourner. Il y a un manque de courage politique. Les politiciens ont peur de la réaction de l’électorat si on le sanctionne. Dans le cas d’un commerçant qui vend des cigarettes aux mineurs, il faudrait carrément suspendre sa licence d’opération», professe Ibrahim Koodooruth.

Jocelyn Chan Low, historien, soutient que «la consommation de tabac en général a baissé». Ce qui manque, à son avis, c’est une réelle acceptation sociale des lois, «l’enforcement». «Il faut que les gens soient conscients que ces lois amèneront des résultats positifs à la longue, qu’ils coopèrent.  Combien de lois ne sont pas respectées ? Après un certain temps, il y a un relâchement. Il existe un problème de civisme à Maurice. Les Mauriciens doivent apprendre le respect de l’autre dès l’école», dit-il. Selon Jocelyn Chan Low, une campagne de sensibilisation est nécessaire pour expliquer les nouvelles lois à la population.

Pour Homa Mungapen, coordinatrice au Conseil des Religions, les Mauriciens qui sont touchés par ces lois doivent s’y adapter. Selon elle, «la vraie liberté de l’être humain, c’est de se soumettre aux lois». «Toute mesure, toute loi requiert des efforts et sacrifices, demande un changement de comportement. Jusqu’à ce qu’on arrive à s’habituer, on n’est pas très à l’aise. Mais en fin de compte, c’est pour le bien-être de tout le monde», conclut-elle.