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Maroc : un pays désabusé

28 novembre 2011, 00:00

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Maroc : un pays désabusé

Les islamistes modérés ont remporté les législatives. Le Maroc a voté pour la nouveauté, mais sans illusion, écrit le Pioint.fr dans son édition du dimanche 27 novembre.

Le Maroc serait-il devenu islamiste ? Ce serait aller un peu vite en besogne même si les élections législatives du 25 novembre ont donné la victoire (officiellement 107 sièges sur 395) au parti de la Justice et du développement (PJD) d''''Abdelilah Benkirane. La formation arrivée seconde, l''Istiqlal, en aurait une soixantaine, en dépit d''un mode de scrutin qui l''a, jusqu''alors, toujours favorisé.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés du résultat des législatives. Le premier : pour être meilleure que lors des législatives de 2007 où seulement 37% des Marocains étaient allés aux urnes, le taux de participation - 45% - est encore faible. Il traduit la grande défiance des Marocains pour la chose publique. Nombreux sont ceux qui doutent encore que la nouvelle constitution adoptée par référendum en juillet dernier, va être suivie d''un vrai changement politique et donner plus de pouvoir à l''exécutif.

Le deuxième : comme en Tunisie en octobre, premier pays à avoir inauguré le cycle électoral au lendemain des "printemps arabes", le royaume marocain a été sensible à l''air du temps qui donne la victoire aux islamistes modérés "à la turque".

"Que les choses bougent"

Le troisième enfin : les islamistes ne font plus peur. Plus que l''adhésion à l''idéologie islamiste, le vote des Marocains montre l''immense désaffection de la population à l''égard des partis traditionnels. Ces élections sont les troisièmes du règne de Mohammed VI commencé en 1999. Depuis lors, le gouvernement a été successivement dirigé par un socialiste (USFP), un technocrate, puis un conservateur (Istiqlal). Mais pour les Marocains les plus modestes, les gouvernements précédents ont échoué à changer leur vie quotidienne, à éradiquer la corruption ou les passe-droits. Ils ont donc décidé de donner sa chance au seul parti, le PJD, qui n''a encore jamais participé au gouvernement, mais qui avait des députés depuis 1997. L''autre nouveauté est que même dans la bourgeoisie, des Marocains ne cachaient pas leur volonté de voter PJD pour que " les choses bougent ".

Il reste une quatrième leçon à tirer de ce résultat : les appels au boycottage des urnes lancés par le " Mouvement du 20 février " (les jeunes du printemps arabe marocain) appuyés, à leur corps défendant, par un mouvement islamiste, Al Adl wa Ihsan, et des groupuscules d''extrême gauche, n''ont pas fait un tabac. A Rabat ou Casablanca, les manifestations presque quotidiennes qui appelaient à l''abstention ne rassemblaient guère plus de deux cents personnes.

Ce lundi, le roi Mohammed VI va probablement demanderà Abdelilah Benkirane, patron du PJD, de former le nouveau gouvernement. Celui-ci devrait constituer une coalition gouvernementale avec l''Istiqlal (conservateur), l''USFP (socialiste) et le PPS (ex-communistes à la Marocaine) et peut-être le Mouvement populaire (berbères). Les pourparlers ont déjà commencé.

(Photo : Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, embrasse son jeune fils après sa victoire dimanche aux élections législatives marocaines).

( Source : Le Point.fr).