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Manière de voir : Au coeur des ténèbres

22 octobre 2010, 00:00

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Dans les pays arabes ou du Maghreb, les «djinns» sont des esprits habitant le désert. Bienfaisants ou malfaisants, ils peuvent secourir le voyageur égaré ou, au contraire, le conduire à la folie. Curieusement, les djinns demeurent un sujet rarement abordé au cinéma.

Djinns, film de Sandra et Hugues Martin, a cette double originalité : celle d’avoir choisi ces créatures comme sujet et celle d’avoir introduit ce sujet au coeur d’un cadre tout à fait inhabituel pour un film d’horreur français, à savoir la guerre d’Algérie.

Des militaires français partis à la recherche des survivants d’un «crash» (et d’une mallette estampillée «secret défense») tombent dans une embuscade tendue par des combattants rebelles et finissent par se réfugier dans un village fortifié en plein désert.

En plus d’être spectaculaire, le désert est également un environnement des plus hostiles et surtout, certains grands voyageurs vous le diront, un endroit qui n’est pas sans influence sur l’esprit. C’est en premier lieu sur l’hostilité de cet environnement que jouent les réalisateurs dès l’introduction : djinns ou pas, le désert est en lui-même un lieu vivant et il menace constamment tous les personnages.

Guerre d’Algérie

Ces derniers sont assez typiques de certains films récents traitant de la guerre d’Algérie, sous-officier raciste et sadique (Thierry Frémont) inclus. Celui de Michel/Grégoire Leprince- Ringuet, le personnage principal, contrastant avec les autres par son seul rôle de cameraman peu enclin au combat. Sandra et Hugues Martin leur ont cependant donné du relief, ce qui est rare dans ce genre de film et par le biais de ces personnages, livrent certains propos à la fois sur le conflit algérien et sur la colonisation.

Par exemple, l’entrée des soldats dans le village nous rappelle (ou nous apprend) que le comportement des militaires français en Algérie était semblable à celui des Américains en Irak ou en Afghanistan, même pire. Et la conclusion du film est un commentaire sans équivoque sur ce que représentait le territoire algérien pour le pouvoir ou l’Etat français en 1960.

Les réalisateurs de Djinns ont donc su contourner leur manque de moyens tout en donnant du corps et de l’esprit à leur film. Ils parviennent également à y insérer une ou deux séquences spectaculaires comme la tempête de sable ou l’attaque des rebelles avec une première mort subite vue en images en noir et blanc, 8mm. Tant et si bien qu’on fi nit par se dire qu’avec plus de moyens, leur film aurait peut-être été moins intéressant. Il est dommage qu’ils ne se soient pas autant investis dans l’aspect qui est la raison d’être de leur film, c’est-à-dire la partie fantastique. Ce n’est pas que les réalisateurs aient manqué d’astuce pour représenter les fameux djinns. Ils s’y sont pris un peu à la manière des frères Pang et le résultat ne manque pas de charme.

Cependant, pour cette partie du récit, on aurait préféré une vraie cohésion (autour des djinns) au lieu d’une succession de scènes, même réussies pour la plupart. On aurait aussi préféré de l’action avec du rythme et de l’angoisse, voire de l’hystérie, plutôt que des dialogues. Un peu de l’esprit de Fort Apache n’aurait certainement pas fait de mal à ce fi lm.

G. N.

G. N.