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Madoo Ramjee: «Il faut une loi ferme contre l’absentéisme»

3 janvier 2014, 00:25

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Madoo Ramjee: «Il faut une loi ferme contre l’absentéisme»

Le «nine-year schooling», la distribution de tablettes tactiles, l’absentéisme, l’indiscipline et la violence dans les collèges… Autant de thèmes abordés à une semaine de la rentrée scolaire, avec Madoo Ramjee. Enseignant depuis 1977 et recteur depuis 2005, Madoo Ramjee livre ses impressions sur les maux du système éducatif.

 

Comment s’annonce la rentrée scolaire 2014 ?

Je dirais mouvementée… Il y a de gros problèmes à l’horizon, surtout en ce qui concerne le personnel dans les collèges. Il y a ces personnes qui font du lobbying, qui souhaitent bouger «from star to star schools». Cela va sûrement créer une frustration à la rentrée.

 

Il ne faut pas oublier qu’il y a un manque d’enseignants pour certaines matières dont Design & Technology et Computer Studies. Les Supply Teachers sont recrutés pour assurer ces cours mais plusieurs n’ont pas assez d’expérience.

 

Le «nine-year schooling», vous y croyez, vous ?

Je ne souhaite pas être négatif au départ même mais depuis les années 80, Kher Jagatsingh, qui était ministre de l’Éducation, avait proposé un projet, sous l’égide de la Banque mondiale, où les examens de la Form III auraient plus d’importance. C’était un peu comme le nine-year schooling.

 

Ensuite, Kadress Pillay a voulu à son tour faire des réformes. Plusieurs réunions avaient été organisées, mais au fi nal, tout a été annulé. Armugum Parsuramen, Steve Obeegadoo, tous avaient un plan d’éducation. Les ministres changent mais les techniciens, eux, restent les mêmes. Le ministre de l’Éducation a peut-être de bonnes idées mais c’est aux techniciens de dire si le projet est réalisable ou pas. De toute façon, on n’a aucun détail. Le nine-year schooling est flou, on se pose beaucoup de questions.

 

Est-ce que les infrastructures sont à la hauteur ? Qui va enseigner ? Quand on parle de régionalisation, on veut dire quoi ? Le ministère a juste fait comprendre qu’un High-Powered Committee se penche sur la question. Aucun stakeholder n’a été invité à participer aux débats.

 

Beaucoup estiment que la compétition est malsaine au sein du système éducatif et qu’elle devrait disparaître…

La concurrence est essentielle, sinon il n’y aura jamais de progrès. Mais il faut comprendre que les parents exercent la pression et augmentent la compétition car ils veulent les «meilleurs collèges». Tous les collèges n’ont pas le même statut, certains sont mieux équipés que d’autres. À titre d’exemple, il y a des collèges qui n’ont toujours pas de gymnase.

 

En termes de ressources humaines aussi, certains collèges sont mieux lotis que d’autres. Par exemple, certains enseignants souhaitent travailler uniquement dans des star schools. Toutes ces disparités rendent la compétition malsaine.

 

Pensez-vous que le «nineyear schooling» est la solution à tous ces maux ?

Si le nine-year schooling arrive à étendre le cursus scolaire sur neuf années, en éliminer le «rat race», ce serait une bonne chose. Je suis pour un cursus complet, qui prône non seulement le côté académique mais aussi le développement personnel des élèves. Il faudrait par exemple encourager la créativité, promouvoir les langues, une éducation ouverte sur le monde.

 

 

Aux assises de l’éducation, vous avez longuement évoqué l’indiscipline et la violence dans les collèges. Quelle est la situation ?

L’attitude des élèves est plus agressive de nos jours. Dans certains cas, le personnel préfère éviter la confrontation. D’abord, les élèves ne savent plus parler aux enseignants, «mank manier». Cela, on en trouve dans tous les collèges, star ou pas. Il y a aussi beaucoup de cas de «bullying». Et bien sûr, la cigarette et l’alcool à l’intérieur des écoles. Même si parfois, on n’a pas de preuves tangibles, on sait que les élèves boivent et fument.

 

 

Que faut-il faire ?

Après les assises, je dois dire que le ministère a réagi positivement. Récemment, un workshop a été organisé pour aborder le sujet. Je pense qu’il est grand temps que le ministère considère de sous-louer les services de sécurité dans les collèges. Ce sera un moyen de dissuader les élèves de faire des bêtises.

 

La Brigade des mineurs est en manque de personnel. Il est grand temps de prendre des mesures drastiques avec l’apport de tout le monde, surtout les parents. Le Mauritius Institute of Education devrait également revoir la formation des enseignants, en incluant la manière de gérer l’attitude agressive et impolie des élèves.

 

 

Durant les assises, certains avaient évoqué le retour de la punition corporelle. Quelle est votre opinion ?

Oui, certains enseignants le désirent, pour regagner un peu d’autorité. Mais je pense que vu que les élèves sont de plus en plus agressifs, cela aura un effet boomerang. N’oublions pas que le recteur du collège Adolphe de Plevitz, à Grand-Baie, s’est fait gifler par un élève l’an dernier. Et aussi, le cas d’Ébène Girls SSS (NdlR : des élèves avaient manifesté contre la rectrice.)

 

Toutefois, je suis pour le fait que les enseignants et recteurs aient un peu plus de liberté. Par exemple, être autorisés à fouiller les cartables. Il nous faut un champ de manoeuvre plus élargi et peut-être même un support légal.

 

 

Et les tablettes promises dans tout cela ?

Quand je pense aux tablettes, c’est un peu comme «Anne ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?» Le concept est encore totalement flou. Et le ministre Bunwaree a dit pendant les assises que les tablettes sont déjà dépassées.

 

(rires)

 

Est-ce que toutes les écoles seront équipées d’une connexion Internet ? Les enseignants bénéficieront-ils d’une formation adaptée pour pouvoir enseigner avec la tablette ? Comment contrôler les sites auxquels les élèves auront accès ? Toutes ces questions restent floues.

 

 

Quelle est la solution pour éliminer l’absentéisme en Form IV, V et VI ?

Il est mentionné dans l’Education Act qu’un élève doit avoir 80 % deprésence pour pouvoir prendre partaux examens. Mais cela n’a aucunpouvoir légal. Le ministère de l’Éducationn’a pas encore légiféré. Il fautune loi ferme contre l’absentéisme.

 

Il ne faut pas ignorer le rôle des leçons particulières, c’est une école parallèle. Certaines leçons particulières commencent à 15 heures L’école se termine à 14 h 30 ; comment un élève de Port-Louis arrivera-t-il à Rose-Hill pour des leçons à 15 heures ? Le plus simple c’est de ne pas se rendre à l’école.

 

Un des moyens serait peut-être de contrôler le «bus pass» en dehors des heures de classe. Il faudrait aussi contrôler les attractions à l’extérieur de l’école, comme les grands centres commerciaux, les maisons de jeux…

 

 

Des élèves affirment qu’à partir du deuxième trimestre, il ne se passe rien à l’école…

Je ne crois pas que les enseignants «pa fer nanye». Peut-être que certains sont paresseux, mais je suis certain que les leçons ne peuvent pas remplacer l’école. Cela dit, l’école devrait innover, proposer des méthodes d’enseignement dynamiques et modernes.