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Madagascar : La sortie de crise ne réjouit personne

20 septembre 2011, 00:00

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Madagascar : La sortie de crise ne réjouit personne

La signature d’un accord entre différents partis politiques à Madagascar samedi constitue une avancée sans conteste. Mais l’expérience de la longue crise malgache pousse plus à la prudence qu’à l’enthousiasme, écrit Slate.fr dans un article consacré à la Grande Ile lundi, et qui cite la presse malgache.
 
L’horizon politique semble s’éclaircir à Madagascar. Une brève éclaircie dans un océan de nuages. La signature de la feuille de route de sortie de crise le 17 septembre ouvre de nouvelles perspectives au pays sanctionné depuis plus de deux ans par la communauté internationale. A une exception près, tous les partis malgaches l’ont signé. Cette fois-ci, les camps d’Andry Rajoelina, au pouvoir depuis le 17 mars 2009, et de Marc Ravalomanana, l’ancien président déchu, n''''ont pas manqué à l''appel. Jusque-là non reconnu, le régime de la Haute Autorité de Transition (HAT) sort quelque peu de son isolement.

Pas de quoi se réjouir?

Mais la prudence et le scepticisme dominent quant au succès futur de cet accord, le troisième du genre depuis mars 2009, après les épisodes de Maputo et Addis Abeba. Un chroniqueur de L’Express de Madagascar ne cache pas ses inquiétudes quant à sa mise en œuvre: «C''est là où les précédents accords ont trébuché. Les acteurs politiques respecteront-ils, cette fois-ci, leur signature? Réussiront-ils enfin à s’entendre sur ces détails qui font s’entredéchirer les hommes politiques sous nos cieux?»

Le partage concret du pouvoir reste un des points d’achoppement: le choix d’un Premier ministre, du gouvernement, la composition des cabinets ministériels, les postes parlementaires et ceux des organismes publics. En outre, il reste à adopter et ratifier une batterie de textes de lois sensibles et déterminants pour l’avenir, notamment ceux sur les partis politiques et sur l’amnistie. «Non. Le pays n’est pas sorti de l’auberge», conclut L’Express de Madagascar.

«Et maintenant?» s’interroge Madagascar-Tribune dans son éditorial. Ce dernier affiche des critiques non voilées à l’égard de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Ses services de médiateur international aux différents sommets consacrés à la crise malgache n’ont jusque-là guère dénoué les tensions sur la Grande Île, voire les ont exacerbé. «La feuille de route est signée, mais rien ne semble plus clair que le jour d’avant».

Ravalomanana bientôt à Madagascar

L’autre point crucial concerne le retour de Marc Ravalomanana, le président déchu en exil. Lors du sommet des chefs d''Etat de la SADC, à Sandton en Afrique du sud, ce retour avait été qualifié de «sans conditions».A ses partisans, Ravalomanana avait  fait savoir qu’il comptait rentrer au plus vite. Une promesse de longue date qui, avec la signature de la feuille de route, devient de plus en plus vraisemblable.Mais si, à l’instar de sa première tentative de retour avortée, ses supporters comptent affluer en masse à l’aéroport international d’Ivato, les autorités pourraient, elles, lui réserver un accueil plus musclé. La ministre de la Justice l’a rappelé sèchement au lendemain de la signature de l''accord: «L’ancien président de la République, Marc Ravalomanana, sera arrêté à son débarquement.»

Pour La Gazette de la Grande Île, «Ravalomanana a été lâché par la SADC». Le journal s''appuie sur la note explicative de l’article 20 de l’accord stipulant le retour «sans conditions» du président en exil. Un texte intégré en annexe au document signé: «Ainsi, "sans conditions" ne suggère et n''implique pas pour les citoyens malgaches rapatriés une exonération de poursuites judiciaires ou pour des crimes allégués.» La SADC corrige le tir pour éviter l''impasse et les querelles d''interprétation d''une feuille de route complexe. La Gazette interprète ces derniers amendements comme «une alternative pour la SADC et surtout l''Afrique du Sud de "se débarrasser" d''un résident gênant pour les relations futures de la Grande Ile avec le pays de Nelson Mandela». En définitive, de retour au pays, Ravalomanana «devrait régler lui-même ses comptes».

Les procès de la crise

La crise politique malgache pourrait donc se cristalliser sur la justice malgache, trop souvent instrumentalisée par les pouvoirs en place successifs. Les contentieux sont multiples et les affaires brûlantes. Pour l''éditorialiste de Madagascar-Tribune, la HAT «pourrait à son tour se retrouver obligée de s’expliquer sur des affaires comme la disparition du riz de Tiko []]l''entreprise agro-alimentaire de Marc Ravalomanana, ndlr], les affaires de bois de rose ou les questions de droits de l’homme».

Quant à Ravalomanana, il «devra entamer des procédures judiciaires pour effacer rien moins que trois condamnations par contumace: celle de travaux forcés à perpétuité pour la tuerie du 7 février 2009, celle à quatre ans de prison et à 70 millions de dollars de dommages et intérêts à l’Etat malgache pour "conflit d’intérêts" dans l’achat fin 2008 d’un avion présidentiel, et enfin celle à cinq ans de travaux forcés assortis d’une amende d’1 million d’ariary pour les remblais d’Andohatapenaka []]une affaire d''acquisition foncière, ndlr]». Reste que Ravalomanana ne se démonte pas et a déjà annoncé sa candidature à la prochaine élection présidentielle.

(Photo : Le siège vide de Madagascar à la SADC, Johannesburg, 12 juin 2011.)

(Source : Philippe Randrianarimanana, Slate.fr)