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Libye : Syrte, la bataille finale?

31 août 2011, 00:00

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Libye : Syrte, la bataille finale?

Après avoir pris Tripoli, les rebelles libyens se dirigent vers Syrte, ultime bastion de Kadhafi, dont la prise sonnera probablement le glas du régime. L''''Otan devrait encore une fois jouer un rôle décisif, écrit SlateAfrique ce mercredi. Extraits.

Syrte, fief du colonel Kadhafi, reste, semble-t-il, le dernier point clé tenu par ses fidèles dans le nord de la Libye. Après la curieuse et confuse «prise» de Tripoli, Syrte est l’objectif ultime, celui vers lequel convergent les forces rebelles. La chute de cette  ville (moins de 80 000 habitants) devrait logiquement sonner le glas du régime.

Ce dernier n’en finit plus de s’effondrer. Des membres de la famille de Kadhafi se seraient réfugiés en Algérie, un fils du colonel aurait été tué. Et  vu de l’étranger, le brouillard de la guerre continue d’occulter ce qui se passe en réalité sur le terrain. Depuis le début du conflit, les rebelles ont tendance à proclamer tout et son contraire, conscients de l’impact de ce genre de nouvelles, qu’elles soient ou non vérifiées, et en particulier de l’effet d’annonce.

Dans ce flou peut-être soigneusement entretenu, une information commence peu à peu à filtrer: l’influence décisive de l’intervention occidentale. Autrement dit: sans elle, pas de victoire. Si certains se contentent, à mots toujours couverts, d’évoquer la présence de «cadres» responsables de la formation des troupes rebelles, d’autres sont aujourd’hui plus directs.

Comme le très autorisé Stratfor.com, site d’experts américains du renseignement, qui souligne dans un de ses derniers articles que «la doctrine militaire occidentale fournit une explication plus convaincante de l’effondrement apparemment rapide de la mainmise loyaliste sur Tripoli qu’une soudaine amélioration des capacités des rebelles».

Les médias et les états-majors reconnaissent bien volontiers que les frappes aériennes de l’Otan ont joué un rôle considérable dans la neutralisation des forces de Kadhafi. En revanche, depuis le début du conflit, les rumeurs les plus diverses circulent quant à la présence au sol de troupes françaises, britanniques et américaines —entre autres. Quelques spécialistes ont très tôt souligné qu’il ne pouvait y avoir de bombardements précis sur des objectifs comme des blindés et des positions d’artillerie sans l’appui d’éclaireurs sur le terrain, chargés «d’illuminer» les cibles.

Dans son édition du 21 mars, le Daily Mail soutenait que des commandos SAS britanniques étaient déjà en action sur le territoire libyen. Et de citer à l’appui un «haut responsable» de la défense, qui déclarait en substance: «Qu’est-ce que nous écartons? L’éventualité d’une invasion. Qu’est-ce que nous n’écartons pas? Tout le reste. Il faut des hommes sur le terrain pour illuminer des cibles au laser et effectuer des missions de reconnaissance, pour collecter des renseignements sur la situation et mettre à jour la liste des cibles. De plus, si l’un de nos avions est abattu, il faut envoyer des gens pour récupérer l’équipage.»

Plus récemment, c’était encore la presse britannique qui se trouvait sur la brèche. Ainsi, The Guardian, dès le 25 août dernier, titrait sans détours: «Des soldats britanniques et français aident les rebelles à préparer l’attaque sur Syrte.» Et d’enfoncer le clou:  «Les forces spéciales britanniques et françaises sont sur le terrain []…] Les soldats ont joué un rôle de premier plan non seulement pour guider les bombardiers afin qu’ils ouvrent la voie aux combattants de l’opposition, mais aussi dans la préparation de l’offensive qui a fini par briser le siège de Misrata. []…] Des sources proches de la Défense nous ont confirmé que des forces spéciales britanniques sont sur le terrain en Libye depuis plusieurs semaines, aux côtés de forces spéciales du Qatar, de France, et de certains pays d’Europe de l’Est».

Rien de tout cela n’est évoqué par le ministère français de la Défense, plus avare d’informations que les journaux britanniques. Toutefois, dans son point de situation n°40, il révèle que du 18 au 25 août, soit précisément au moment de la conquête de Tripoli, l’aviation et l’aéronavale françaises avaient procédé à 96 frappes au sol. Parmi les cibles visées, «plus d’une vingtaine de véhicules militaires et armements (chars, véhicules armés, pièces d’artillerie et lance-roquettes multiples) principalement dans les régions de Brega, et Tripoli une dizaine d’infrastructures militaires (bâtiments, postes militaires) principalement dans les régions de Brega et Tripoli». Ces frappes françaises représenteraient environ un tiers des actions de l’Otan.

On le voit, les opérations sont loin d’être terminées. A la veille de ce qui s’annonce comme la bataille de Syrte —peut-être la bataille finale de la guerre en Libye— il est sûr que ces activités vont se multiplier, dans le but de laminer définitivement les derniers vestiges des forces armées de Kadhafi. Mais Syrte n’est pas encore tombée. C’est de là que partent toujours des Scuds qui s’abattent plus ou moins au jugé sur les positions rebelles. Des lanceurs que les avions de l’Otan vont probablement s’employer à éliminer, ainsi que tout autre équipement dont disposeraient encore les kadhafistes. Les rebelles n’auront alors plus qu’à entrer en vainqueurs dans le fief du colonel.

Nous n’en sommes pas encore là, ce qui n’en empêche pas certains de tirer de l’intervention en Libye des conclusions quelque peu hasardeuses. Le Washington Post n’hésite pas à voir dans le soutien aux rebelles du CNT un modèle qui serait désormais applicable ailleurs: «Face au succès des rebelles libyens, qui ont réussi à renverser leur dictateur, d’aucuns, dans les rangs de l’opposition syrienne, appellent à une rébellion armée et à l’intervention de l’Otan».

Il est vrai qu’entre Syrte et Syrie, il n’y a qu’une lettre de différence. Mais de là à franchir le pas…

Source : Roman Rijka, SlateAfrique.