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Les fabricants de surf réunionnais à l’agonie

8 août 2012, 00:00

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Les fabricants de surf réunionnais à l’agonie

La crise requin a déjà eu raison de l’un des ateliers de shape les plus connus de l’île, Choka Surfboards à Trois-Bassins. Et les deux derniers principaux fabricants de surf dans l’île sont moribonds. L’activité est au point mort et l’avenir de la création de planches péi en péril.


"Je ne pouvais plus continuer. Quand on shape, l’esprit s’évade. Avant, je pensais au comportement qu’allait avoir la planche que je fabriquais, aux sessions et au plaisir qu’elle offrirait à son propriétaire. Après l’attaque de Mathieu Schiller à Boucan, ce n’était plus que des images d’attaques de squales qui me venaient à l’esprit". Voilà bientôt dix mois qu’Olivier Teyraube, alias Choka, a cessé son activité de shape à Trois-Bassins. Les attaques successives survenues dans l’Ouest ont eu raison et de son business et de sa passion.

Une activité touchée en plein cœur


"Depuis, j’ai arrêté de surfer. Comme beaucoup, je n’ai plus de plaisir à aller à l’eau. Mathieu était un ami. Boucan était mon jardin. J’ai appris à surfer et à aimer la mer là-bas. Il y a quelque chose qui s’est cassé en moi avec tout ça". Le rêve s’est brisé pour Olivier Teyraube qui songe aujourd’hui à quitter son île pour pouvoir continuer de pratiquer sa passion.
Chez les deux autres principaux shapeurs de l’île, la situation n’est pas beaucoup plus brillante. Jame, shapeur saint-pierrois d’Iluka Surfboards, déclarait hier : "Depuis le 23 juillet et l’attaque d’Alexandre Rassiga à Trois-Bassins, toutes les commandes de planches qui m’avaient été passées ont été annulées et je n’ai eu aucune réparation. De toute façon, c’est simple, il n’y a plus personne sur les spots. Moi-même, je n’y mettrais pas un pied". Et le shapeur saint-pierrois de revenir sur l’enlisement progressif et profond de l’activité de fabrication de planches de surf dans l’île. "L’an dernier, déjà, j’ai perdu environ 30 % de mon chiffre d’affaires alors que j’avais fait des investissements importants et que je m’étais endetté. J’ai dû procéder à un licenciement économique et j’ai perdu quasiment toute ma clientèle de débutants".
En 2011, faute de nouveaux pratiquants et suite à l’effondrement de l’activité liée aux écoles de surf, Iluka se recentre sur le haut niveau. "J’ai beaucoup de jeunes espoirs dans ma clientèle, des surfeurs de talent en devenir. Mais, avec les dernières attaques en date, leurs parents songent à quitter l’île pour que leurs marmailles puissent continuer à pratiquer ailleurs. De façon générale, beaucoup des surfeurs que je connais songent à s’en aller".
Si les écoles de surf se sont vu proposer des aides, aucune perche n’a été tendue aux shapeurs. "Nous sommes quantité négligeable", analyse Pierre, de l’enseigne Mickey Rat à Saint-Leu. "Je me suis endetté sur sept ans pour ouvrir l’an dernier mon nouveau shop et atelier. Aujourd’hui, j’ai le RSI qui m’est tombé dessus. Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Mais, de toute façon, ça va être très compliqué. Il faudra peut-être se reconvertir", confie le shapeur saint-pierrois, qui brade actuellement la marchandise de l’ensemble de son magasin à - 50 %.
La situation n’est guère plus reluisante pour le mythique shapeur australien basé à Saint-Leu depuis les années 90. L’enseigne Mickey Rat fêtera cette année ses 25 ans dans de bien tristes circonstances. Avec les attaques des dernières semaines, Mickey et ses deux employés ont été touchés en plein cœur. "On venait de réparer la planche d’Alexandre et on connaît Fabien (attaqué dimanche dernier sur la gauche saint-leusienne) depuis des années. C’est un local du spot. Ce qui arrive à notre business n’est vraiment rien comparé à ces drames humains", analyse Pierre, gérant du shop Mickey Rat avant de conclure : "Mais c’est vrai que si l’un de nous a déjà mis la clé sous la porte, les autres et nous-mêmes n’allons peut-être pas tarder à suivre".
De dix planches déposées en moyenne par jour auparavant pour être réparées, Mickey Rat est passé à deux ces derniers jours et le chiffre d’affaires quotidien avoisine désormais les 20 euros. "C’est loin d’être assez pour payer trois personnes et rembourser tous les investissements que nous avons faits en ouvrant un nouvel atelier à la Pointe des Châteaux et en agrandissant le magasin du centre-ville", concède Pierre. L’artisan surfeur se garde pourtant bien de tout avis péremptoire sur la problématique requin. Il confie toutefois que son boss australien et ses amis restés au pays n’y comprennent rien : "Là-bas, quand un type se fait attaquer, dans l’heure qui suit, les autorités organisent une sortie en mer pour tenter de pêcher le requin responsable. Ici, les plages sont restées fermées huit mois l’an dernier. Eux, tout respectueux de l’environnement qu’ils soient, ils n’arrivent pas à saisir ça. Nous, on ne veut pas qu’il y ait un carnage de requins, on veut juste qu’on fasse tous ensemble ce qu’il faut pour que l’équilibre qu’il y avait avant ici entre les requins et les usagers de la mer soit retrouvé"
(Source : Le Journal de l’île de La Réunion)

Le Journal de lle de La Runion