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Le procès que la Chine veut cacher

10 août 2012, 00:00

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Le procès que la Chine veut cacher

En jugeant en secret jeudi une avocate de renom accusée d’avoir tué un Anglais, Pékin s’efforce de camoufler les soupçons de corruption et les rivalités à la tête du parti. Notre confrère du Parisien.fr revient sur cette affaire dans son édition de ce vendredi.

La presse internationale interdite d’accès à la salle d’audience et une conférence de presse qui se limite à la lecture d’un communiqué… c’est dire si les autorités chinoises ont tout fait pour atténuer la portée du procès très attendu de Gu Kailai, 53 ans, une ancienne avocate d’affaires en vue prise dans un tourbillon politico-judiciaire.

Des troubles au plus haut sommet de l’Etat

Epouse d’un ancien haut dirigeant du Parti communiste chinois, lui aussi déchu, la mère de famille était jugée jeudi pour le meurtre en novembre 2011 de Neil Heywood (photo), un consultant anglais dont elle était très proche. Une affaire sur fond de soupçons de corruption qui révèle l’existence de troubles au plus haut sommet de l’Etat. Après une audience express de sept heures, Gu Kailai n’aurait pas contesté les accusations portées contre elle. Alors que le verdict sera divulgué à une date ultérieure, les analystes estiment qu’elle devrait échapper à la peine de mort.

L’histoire, rocambolesque, éclate au mois de février. Le numéro un de la police de la ville de Chongqing, dont le maire n’est autre que le mari de Gu Kailai, Bo Xilai, pousse la porte du consulat des Etats-Unis pour y faire des révélations. Il raconte notamment que son enquête lui aurait permis de déceler des traces de poison dans le corps de Neil Heywood, alors que la version officielle faisait état d’une crise cardiaque. Ses soupçons se portent sur Gu Kailai.

Il en fait part à Bo Xilai, qui va alors s’efforcer d’étouffer l’affaire, pour protéger son épouse, mais aussi, sans doute, ses intérêts. Il apparaît en effet que le consultant anglais était étroitement lié aux investissements qui ont permis à ce couple de hauts dignitaires, dont il était autrefois très proche, d’amasser des sommes très importantes.

Des fonds détournés par le couple

Devant les juges du tribunal de Hefei, Gu Kalai aurait donc reconnu avoir elle-même versé un poison mortel dans la bouche du Britannique. Un différend commercial susceptible de mettre en danger son fils — étudiant à Harvard — l’aurait incitée à commettre un tel acte. Dans les faits, Neil Heywood a peut-être été supprimé car il menaçait de révéler l’existence des fonds détournés par le couple. L’accusée, elle, n’a pas été autorisée à bénéficier de l’assistance de l’avocat de son choix.

Pour bon nombre d’observateurs — prompts à dénoncer un procès peu équitable —, le principal souci des autorités du pays aura été, tout au long de cette séquence, de limiter les effets du scandale. Ambitieux et brillant, le mari de Gu Kailai était en effet régulièrement cité pour intégrer l’appareil dirigeant du Parti, dont les membres doivent être renouvelés à l’automne. Son ascension n’avait pas manqué d’attiser les convoitises.

Aujourd’hui, l’homme politique est la principale victime collatérale de cette affaire : poursuivi pour infraction à la discipline du Parti, il est retenu dans un lieu secret et devra faire face à une procédure interne encore plus opaque que le procès de son épouse.


Source : Timothée Boutry/Le Parisien.fr

Timothe Boutry/Le Parisien.fr