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L’Abri : Un sanctuaire pour mères célibataires

1 juillet 2013, 00:00

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L’Abri : Un sanctuaire pour mères célibataires

Une quinzaine de mères célibataires, dont les plus jeunes n’ont que 12 ans, seront bientôt accueillies à L’Abri, à Baie-du-Tombeau. Pendant plusieurs années, elles y vivront, y suivront des cours d’alphabétisation et seront initiées, entre autres, à des «Life Skills» qui leur permettront plus tard de voler de leurs propres ailes.

 

Cette grande maison a l’air abandonnée mais elle ne figure dans aucune brochure d’agence immobilière car elle est déjà louée. D’ici septembre, elle se transformera en abri pour un groupe de mères célibataires de Baie-du-Tombeau et leurs enfants.

 

Ce projet est à mettre à l’actif de Rozy Khedoo, conseillère de village depuis une vingtaine d’années et fondatrice, en l’an 2000, du Mouvement Civique de Baie-du-Tombeau. Ce mouvement, qui comprend une douzaine de notables, s’est constitué dans l’optique d’identifier les problèmes les plus pressants dans cette région périphérique de Port-Louis et d’y remédier, dans la mesure de ses moyens.

 

Lors de ses tournées dans le village, Rozy Khedoo a d’abord noté qu’il y avait un grand nombre d’enfants accros à la colle. En y regardant de plus près, elle a réalisé que ces enfants, déscolarisés dans bon nombre de cas, sniffaient de la colle parce qu’ils avaient faim et que cette substance agissait comme coupe-faim. Elle s’est donc mis en tête de trouver une maison où elle pourrait leur offrir un encadrement scolaire et leur fournir un repas chaud. C’est ainsi que l’École de la Vie a pris forme, projet dont nous avons déjà fait état dans une de nos éditions antérieures.

 

Lors de ses multiples descentes dans les rues du village en 2009, Rozy Khedoo y a aussi croisé une quinzaine de mères célibataires âgées de 12 ans à monter, déscolarisées en raison de leur situation. La plupart d’entre elles avaient été abandonnées par le père de leur enfant et parfois par leur propre famille. Rozy Khedoo a tout de suite pensé à un projet de centre résidentiel pour les accueillir. Mais les fonds manquaient.

 

En attendant de les trouver, elle les a soutenues comme elle le pouvait, en leur prodiguant des conseils et leur apportant des colis alimentaires. La travailleuse sociale a donc élaboré un projet de maison sanctuaire pour abriter une quinzaine de mères célibataires et leur enfant, où elles seront encadrées jusqu’à leur majorité. Une fois ce projet couché sur papier, Rozy Khedoo s’est mise à frapper aux portes et a trouvé une écoute attentive auprès de Les Moulins Cassés qui lui ont remis Rs 127 000.

 

DISCIPLINE

 

Cette année, elle a finalement pu compter sur La Sentinelle Ltée et Caudan Communauté, fondation du Caudan Waterfront. Celle-ci a d’ailleurs organisé ces quatre derniers jours une braderie solidaire en collaboration avec les locataires du Caudan Waterfront qui ont accepté de verser 10 % de leurs recettes au Mouvement Civique de Baie-du-Tombeau.

 

Si Rozy Khedoo a eu du mal à réunir la somme nécessaire, soit Rs 2,6 millions, c’est parce qu’elle a conçu un projet plus qu’étoffé à l’intention de ces jeunes femmes que la vie n’a pas gâtées. «L’Abri sera un centre résidentiel très strict qui accueillera une quinzaine de jeunes femmes avec leur enfant pour plusieurs années. Comme elles ont été déscolarisées,nous leur proposerons des cours d’alphabétisation, des Life Skills etd’autres cours qui leur permettrontd’avoir un jour un métier, par exemplela couture, le jardinage, l’élevage depoulets. Leurs enfants seront scolarisés.Six personnes seront employées ettravailleront par roulement, tandis que les filles devront prêter main-forte à la cuisine, car j’estime que l’apprentissage commence par la responsabilisation», explique Rozy Khedoo.

 

N’entrera pas qui veut dans cette maison. En effet, la discipline y sera très stricte. Les jeunes femmes ne recevront pas de visites au centre, pas même de leurs parents, et n’auront pas droit au téléphone portable. Les visites éventuelles se feront ailleurs, et ce, tous les trois mois. La maison sera sous surveillance CCTV. «Il leur faut cette coupure avecleur environnement d’origine pour leur permettre de se situer, de se retrouver.L’objectif est de leur donner l’encadrement voulu pour cela et c’est la raisonpour laquelle il faut de la discipline. Ellesseront invitées à signer un formulaire deconsentement avant d’intégrer l’Abri.»

 

Rozy Khedoo, qui sera aidée dans sa tâche par le Mouvement d’Aide à la Maternité de Monique Dinan, n’a pas peur d’avoir affaire à des «adolescentes incontrôlables». «Tout est dans l’approche. J’ai ma façon de faire. Quand on leur expliquera la vision qu’on a pour elles, elles y croiront et feront tout pour l’atteindre.»

 

La travailleuse sociale estime que ces jeunes filles seront accompagnées jusqu’à leur majorité et encouragées à ouvrir un compte bancaire. «Celui-ci est un premier pasvers un compte de Plan Épargne Logementet éventuellement vers une maisonde la National Housing Development Company. Nous les laisserons partir une fois qu’elles seront prêtes et même lorsqu’elles seront installées ailleurs, nous ferons un suivi pour nous assurer qu’elles arrivent à se débrouiller seules.»

 

À présent que Rozy Khedoo a trouvé la maison idéale pour abriter ce sanctuaire, elle compte utiliser l’argent de Les Moulins Cassés et le don d’une société de communication française Défense et Communicationpour la meubler. «Comme jesuis encore loin du compte, j’irai aussi chercher des fonds du côté du DecentralisedCooperation Programmede l’Union européenne et du ministèrede l’Égalité des Genres. Je contacteraiaussi mes parrains de l’École de la Vie – Terra et Innodis – et verrai s’ilsveulent bien contribuer à l’Abri. Monobjectif est de commencer à accueillir les mères célibataires dès septembre. Je suis confiante de pouvoir y arriver.»

 

Cette travailleuse sociale au grand coeur sait d’emblée qu’elle aura des demandes d’admission de mères célibataires d’autres régions périphériques de la capitale. «Je ferai mon maximum pour les accommoder. On ne peut rejeter celles qui sont dans le besoin…»