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La Réunion : Le kréol domine, le français avance, le “françéole” émerge

23 janvier 2011, 00:00

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La Réunion : Le kréol domine, le français avance, le “françéole” émerge

Neuf Réunionnais sur dix parlent créole. L’Insee le confirme dans une passionnante enquête, qui dresse l’inventaire des habitudes de langage des Réunionnais..Et aide à savoir si oui ou non le créole est un frein à l’apprentissage du français. Décryptage.

Le créole (ou le kréol) est partout ou presque, à l’exception de la plupart des  institutions ! Quelles que soient les générations, les communautés ethniques, le parlé péi est dans toutes les bouches - ou presque - et demeure la première langue parlée des Réunionnais.

Cette réalité  a été mise en évidence par l’Insee dans sa revue “Economie de La Réunion” (n° 137), à la suite d’une enquête “information et vie quotidienne” menée en 2007, qui avait permis notamment d’évaluer le nombre d’illettrés à La Réunion.
Quelque 2 700 personnes avaient alors rencontré un enquêteur Insee, explique Christian Monteil, chargé d’études démographiques de l’Insee. Deux questions leur avaient été posées : “ Quelle langue parliez-vous à la maison à 5 ans ? Et quelle langue parlez-vous actuellement à la maison ou dans votre quotidien ?”.

Résultats de l’enquête quantitative : aujourd’hui, plus de la moitié des Réunionnais (53 %) parlent encore uniquement le créole, indique l’Insee.  38 % des Réunionnais âgés entre 15 et 64 ans parleraient tantôt le créole réunionnais, tantôt le français - selon les situations, selon l’interlocuteur. Ce qui représente 91 % de créolophones. Un chiffre fort, attestant du rayonnement du créole à La Réunion. Plus vivant que jamais dans l’île, près de 700 000 personnes sont à même de le parler. Ce qui en fait la première langue parlée dans les départements outre-mer.

Parler créole n’empêche pas d’apprendre le français

L’étude de l’Insee ne s’arrête pas là. Elle révèle des évolutions linguistiques. Ainsi, durant l’enfance, la transmission du créole perdure, quelles que soient les générations. Si 90 % des sexagénaires ont d’abord appris le créole, “le phénomène demeure prépondérant” chez les plus jeunes générations puisque “70 % des moins de 30 ans ont vécu la même situation”. Autant dire que le créole passe par la famille.

L’autre enseignement principal de cette étude tient à la comparaison entre la photographie faite à l’âge de 5 ans et celle réalisée à l’âge adulte. Une fois majeur et vacciné, le taux de créolophones pur sucre passe de 80 à 53 %. Parallèlement, le taux de bilingues progresse de 11 à 38 %. “Il y a moins de créolophones unilingues et plus de créolophones “bilingues””, résume la linguiste Mylène Eyquem-Lebon.

Pour l’Insee, ce rapport permet d’affirmer que “la langue parlée durant l’enfance n’est pas forcément celle qui sera utilisée à l’âge adulte, même si les deux sont extrêmement liées”. Ainsi, un tiers de ceux qui parlaient exclusivement le créole durant l’enfance, ont basculé dans le bilinguisme créolo-francophone. Quant aux 53 % de Réunionnais créolophones exclusifs, leur noyau dur est majoritairement composé de générations plus anciennes, issues de familles nombreuses (six enfants), modestes, peu coutumières de la lecture, et souvent localisées dans les Hauts de l’île, ajoute l’Insee.

A l’inverse, l’enquête met en balance le fait que les 8-9 % de francophones exclusifs repérés durant l’enfance, restent stables à travers les générations et sont généralement plus jeunes et issus de milieux plus aisés où la lecture était régulièrement pratiquée dans le cadre familial.

Derrière sa froideur statisticienne, l’Insee cherchait à déterminer si le parler créole était un frein à l’apprentissage du français. Conclusion : le niveau de vie social, les habitudes de lecture et le facteur générationnel expliquent davantage les difficultés d’apprentissage du français que le fait de parler créole à la case. En revanche, cette étude quantitative ne dit rien du téléscopage des deux langues et de ce qu’il en ressort : un drôle de “françéole” que redoute la plupart des lettré(e)s.