Publicité

Kenya: des dirigeants inculpés de crime contre l''humanité

24 janvier 2012, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Kenya: des dirigeants inculpés de crime contre l''humanité

La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé, lundi, les accusations contre quatre hauts responsables kényans, ouvrant la voie à un procès pour crime contre l''''humanité. Ils  sont soupçonnés d''avoir orchestré les émeutes qui avaient ensanglanté le pays aux lendemains de l''élection présidentielle de 2007.

Deux des inculpés sont des figures en vue à Nairobi. Le premier n''est autre que Uhuru Kenyatta, actuel vice-premier ministre et fils du père de l''Indépendance kenyane, Jomo Kenyatta. Le second, William Ruto, est l''ancien ministre de l''Agriculture. La cour entend aussi poursuivre un fonctionnaire, Francis Muthaura, proche du président Mwai Kibaki, et un journaliste Joshua Arap Sang. «Cela met fin à l''impunité dont ont bénéficié tous les dirigeants de ce pays, habitués aux violences politiques», souligne l''institut de recherche International Crisis Group (ICG).

Les magistrats avaient commencé à enquêter en 2010 sur les affrontements qui avaient suivi le scrutin de 2010 opposant Mwai Kibaki à Raila Odinga. Les violences, sur fond d''accusation mutuelles de fraudes et de rivalités ethniques, avaient fait plus de 1200 morts et quelque 300 000 déplacés. La cour affirme que Uhuru Kenyatta, issu de l''ethnie dominante des Kikuyus tout comme le président Kibaki, avait fait appel à des milices pour s''en prendre à une autre tribu, les Kalenjins.

 Ces derniers, alors proches de l''opposition, ont pour leader William Ruto soupçonné d''avoir mis sur pied des raids contre les Kikuyus, notamment dans la vallée du Rift, au centre du Kenya. «Il était important que la cour tape dans les deux camps pour éviter de créer des frustrations et un sentiment d''injustice dans une communauté ou l''autre et pour préserver le calme à l''avenir», souligne un diplomate.

Joie et inquiétude

De fait, la décision est loin d''être sans conséquence sur le jeu politique local. Tant Uhuru Kenyatta que William Ruto ne cachent pas leurs ambitions pour la prochaine présidentielle qui doit se tenir avant mars 2013. Dès lundi, Ruto, qui rejette toutes les accusations portées contre lui, a assuré que son inculpation ne l''empêcherait pas de se porter candidat. La veille, Uhuru Kenyatta s''était dit, lui aussi, prêt à concourir quoi qu''il arrive.

De leur côté, les Kényans observent ces manœuvres dans un mélange de joie et d''inquiétude, redoutant que le jugement ne déstabilise à nouveau le pays. Déjà, plusieurs défenseurs des droits de l''homme, connus pour leur proximité avec la CPI, ont été menacés et même agressés ces derniers mois.

Signe de ces tensions, le président Mwai Kibaki a appelé lundi «tout le monde à rester calme». Une déclaration loin d''être suffisante aux yeux de Liz Evenson, chercheuse pour l''ONG Human Rights Watch : «Pour éviter toute nouvelle violence, il faut maintenant que la justice kényane s''empare du dossier et engage des poursuites contre les autres responsables des tueries qui pour l''instant sont tranquilles ».

(Photo : Uhuru Kenyatta (à gauche), et William Ruto (à droite).

(Source : Tanguy Berthemet, Le Figaro.fr.)