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Johanne Joseph-Hague - Avouée d’affaires : Le droit de s’impôt…ser

8 mars 2014, 15:05

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Johanne Joseph-Hague - Avouée d’affaires : Le droit de s’impôt…ser

Johanne Joseph-Hague avait tout ou presque pour être heureuse : avouée d’affaires, employée par la crème de la crème des cabinets juridiques londoniens, elle avait fait son entrée comme associée chez «JP Morgan» avant de passer «vice-President». La belle a tout envoyé bouler pour sa fille, le soleil de Maurice et un emploi chez «Juristconsult».

 
Cela ne fait que deux semaines que Johanne Joseph-Hague travaille comme Tax and Legal consultant chez Juristconsult mais elle a pourtant déjà l’air à son affaire. «Pour avoir fait ma petite enquête avant de m’établir à Maurice, je savais que Juristconsult est un des meilleurs cabinets juridiques de Maurice. C’est vraiment bien tombé», déclare, enthousiaste, cette jeune femme de 32 ans, mère d’une petite Chloé, âgée tout juste de 13 mois.
 
Il faut dire que cette Mauricienne de souche n’a jamais aimé faire comme tout le monde. «J’ai toujours eu un côté rebelle qui a fait que je n’ai jamais été part of the sheep mentality», confie-t-elle. Vers 11 ans, ce qui la convainc, outre le halo de succès qui auréole le Queen Elizabeth College, d’opter pour cette école à l’issue d’une scolarité primaire réussie à l’école Notre-Dame des Victoires, c’est le fait que ce collège d’élite possède une piscine. Et comme elle adore nager, les choses vont de soi.
 
Dès qu’elle y met les pieds, Johanne Joseph-Hague est surprise par la compétition qu’elle y rencontre à chaque trimestre. «J’ai horreur de la compétition mais quand on est sur le tapis roulant, we go with the flow.» Il n’empêche qu’elle souffre des classements trimestriels qui sont stressants et qui font que «tout le monde se compare sans cesse à tout le monde». C’est au niveau du Higher School Certificate qu’elle comprend et accepte la compétition comme un mal nécessaire. «À ce moment-là, la compétition aide et motive à faire mieux.»
 
Ses matières de Form VI sont l’anglais, le français, les mathématiques qui lui semblent «faciles». Elle prend l’économie comme matière subsidiaire. Bien que son entourage tant scolaire que familial voie à l’époque en elle une lauréate potentielle, elle ne prend rien pour acquis. «Je souhaitais certes obtenir la bourse car je ne voulais pas mettre une pression financière sur les épaules de mes parents, ni sur moi d’ailleurs.» La bourse qu’elle décroche en tant que lauréate tombe donc à pic. Ne pouvant se résigner à devenir enseignante car c’est à peu près le seul débouché qu’offraient les langues à l’époque à Maurice, elle se tourne vers le droit. «Le droit était mon next best option.»
 
Acceptée par le King’s College de Londres en Grande-Bretagne, elle opte pour une double maîtrise en droit anglais et français au King’s College et à Paris Panthéon-Sorbonne. Le cours est ainsi structuré que les deux premières années se déroulent à Londres et les deux dernières à Paris. Aussitôt les études commencées, Johanne Joseph-Hague se découvre une passion pour le droit. «J’aime les mots et le droit me permettait d’exploiter mon talent dans un cadre où je pouvais aussi contribuer à l’économie et découvrir différentes industries.»
 
Elle sait d’emblée qu’elle s’orientera vers le droit des affaires car elle ne se voit pas aller arguer en cour. «J’aime bien débattre mais plutôt dans un cadre intime. Dans le droit des affaires, on peut arguer sur une virgule, un point même pendant des heures. En cour, ce que je n’aime pas, c’est le grand déballage. J’étais à l’aise en public speaking mais pas du côté advertorial.»
 
Ses deux années de droit anglais complétées à Londres, elle part pour Paris pour les cours de droit français. Elle fait la différence entre ces deux types de juridictions. «En Grande-Bretagne, on fait beaucoup de critical thinking. En France, c’est le débat, la discussion, comment structurer un argument et instruire. S’il fallait schématiser, je dirais que l’éducation anglaise porte davantage sur le fond et l’instruction française sur la forme.» C’est en dernière année qu’elle découvre des sujets qui l’inspirent à l’instar du droit de la fiscalité. Elle décide donc de devenir avouée d’affaires (solicitor).
 
Ayant pris avantage de sa bourse d’État en quatre ans, elle doit trouver une autre bourse pour pouvoir se spécialiser. Elle décroche une offre d’emploi chez Linklaters LLP, un des meilleurs cabinets juridiques au monde , qui accepte de financer son Legal Practice Course d’un an à la BPP Law School de Londres, suivi de deux ans de Training Contract. «C’était un prolongement des études mais plus centré sur le type de cabinet juridique que je me voyais rejoindre après.» Elle se spécialise en fi scalité.
 
Elle brille à son examen final et commence son Training Contract chez Linklaters LLP. Elle y fait son entrée comme trainee solicitor et travaille de longues heures. Il arrive même parfois qu’elle et d’autres stagiaires y passent la nuit en raison de transactions effectuées avec d’autres pays et de leur volume. «J’ai eu beaucoup de chance car en deux ans, j’ai réussi à passer six mois dans chacun des départements qui m’intéressaient le plus : Project Finance, Structured Finance, Tax et l’International, soit six mois dans leur bureau de Dubai.»
 
Johanne Joseph-Hague complète son Training Contract en septembre 2007 et le prestigieux cabinet décide de la recruter comme avouée de droit fiscal. Elle passe donc trois ans dans le département de fiscalité et touche à la Corporate Finance, aux fonds d’investissements, à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour ne citer que ceux-là.
 
Le monde de la finance est certes assez fermé mais ses compétences ne passent pas inaperçues. Si bien qu’elle est sollicitée par la célèbre banque d’investissement américaine JP Morgan dont le quartier général européen se trouve à Londres. Elle accepte pour ouvrir ses horizons. «À Linklaters, je m’occupais de la fiscalité anglaise. Chez JP Morgan, c’était la fiscalité internationale. Il fallait non seulement connaître la fiscalité mais aussi tous les produits et toutes les activités de la banque.» Sa zone de responsabilité est l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Pendant deux ans et demi, elle s’épanouit dans son emploi, traitant principalement avec les banquiers. «Ma fonction principale était le risk management d’un point de vue de la fiscalité. J’étais très intéressée par l’ouverture sur tous les marchés car cela me permettait de me familiariser à la fiscalité de différents pays.»
 
Mariée en 2011 à Jonathan Hague, qui est avoué d’affaires comme elle, Johanne Joseph-Hague continue sur sa lancée et obtient la promotion de vice-President en 2012. Ce qui lui donne nettement plus d’autorité et d’autonomie dans ses responsabilités. Elle gagne bien sa vie, même si le coût de la vie en Grande-Bretagne est élevé. Bref, elle vit une situation professionnelle rêvée par beaucoup. Or, dès qu’elle est enceinte, ses priorités changent. Trois raisons la poussent à vouloir regagner Maurice : le fait que la qualité de vie pour élever un enfant y soit meilleure, que le pays soit devenu un centre fi nancier international et qu’il y fasse toujours soleil. Elle convainc son mari à tenter un essai après être venue en vacances, avoir rencontré des avocats d’affaires et été à la rencontre de Marc Hein, patron de Juristconsult et Chairman de la Financial Services Commission.
 
Le courant est immédiatement passé entre eux et il lui a proposé le poste de Tax and Legal Consultant qu’elle a accepté. «Je veux me concentrer sur le côté juridique et légal de la fiscalité, au niveau local comme au niveau international. Au niveau local, la TVA est un hot topic par exemple. Je note que la Mauritius Revenue Authority parle de gros abus. Il est important de distinguer tax evasion et tax avoidance, même si je n’aime pas le terme ‘avoidance’.
 
C’est justement quand les gens abusent du système légal que les innocents et les personnes qui veulent faire du business ‘in good faith’ sont pénalisés. Au niveau international, mon travail consisterait, entre autres, à conseiller les clients sur comment utiliser et non pas abuser des traités de non-double imposition et les éduquer sur le concept de beneficial ownership.  «Finalement, j’estime qu’une société doit être libre de structurer ses affaires de la façon dont elle le juge bon, tout en restant dans les paramètres légaux et l’esprit de la loi. Je crois que je suis au bon endroit pour faire tout cela…»
 

Elle regagne maurice car la qualité de vie pour élever un enfant est meilleure.