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Jacques Maunick de M. Télescope à RFI

23 septembre 2005, 00:00

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A la fin des années 1970, les téléspectateurs, condamnés à perpétuité à la MBC, portent aux nues Jacques Maunick et Sylvio Hécube. Ils apportent une bouffée d?oxygène revigorante à de tristes soirées télévisuelles, grâce à leur émission mensuelle ?Téléscope?. Elle leur permet d?aborder crûment les problèmes les plus criards de la société mauricienne. Ils n?hésitent pas au passage à bousculer plusieurs tabous. Téléscope est alors un espace de liberté dans un univers peuplé d?interdits de toutes sortes. Les lendemains de programmation, les radios libres de l?époque (Radio-Bureau, Radio-Bazar, Radio-Trottoir, Radio-Salon) commentent à l?envi les qualités et les outrances de la Bande à Jacques.

En 1978, au sommet de sa gloire télévisuelle, Jacques Maunick plie bagages et s?en va à Paris. Il y décroche un emploi à Radio France Internationale et redevient populaire auprès des auditeurs mauriciens, grâce à son émission radiophonique consacrée aux musiques-folkloriques des îles indocéaniques : ?Contacts interîles ? océan Indien?. Alain Gordon-Gentil profite d?une de ses rares escales pour l?interviewer, en précisant que l?entretien comportera la note de franchise et d?agressivité caractérisant ?Téléscope?. Cela donne, en résumé, le dialogue suivant :-

AGG : Vous considérez-vous toujours comme un journaliste mauricien ?

J. Maunick : Voilà un reproche qu?on sert à tous coups aux expatriés. Il est facile de les critiquer. On oublie qu?ils côtoient des Mauriciens déracinés qui payent chèrement l?erreur d?avoir pris une métropole étrangère pour un eldorado. ?Je reste Mauricien à 400 %? et Contact Interîles le prouve. On n?y trouve aucune trace de parisianisme. On y retrouve intact mon mauricianisme de ?Téléscope?. On parle de mauricianisme, faut-il encore le pratiquer. ?Téléscope? se plaçait au-dessus des communalismes, des préjugés et des tares de la société mauricienne. ?Je me refuse à être un Mauricien entrant dans la carapace du communalisme?. L?île Maurice reste unique, un pays privilégié sur le plan des races et des langues.

AGG : Pourquoi l?avoir quittée ?

J.M. : Autre reproche adressé aux expatriés. ?J?ai quitté Maurice parce que je suis un homme libre?. Il est plus facile de rester que de partir. Il y avait la notoriété, confirmée par ?Téléscope?, par mon journalisme actif dans la presse écrite, la sécurité d?un emploi au Lycée Labourdonnais. Le risque, l?aventure, l?acte de liberté, se trouvent justement dans le renoncement à cette sécurité et dans le départ.

AGG : Un départ motivé ?

J.M. : ?Je voulais me frotter à du véritable professionnalisme sur le plan de la radio et de la télévision. RFI c?est la possibilité de découvrir son potentiel et d?apprendre un métier. C?est tout sauf de l?embourgeoisement.?

AGG : Aider à construire une île Maurice meilleure serait alors un embourgeoisement ?

J.M. : Pas forcément. Je suis attaché à Maurice ? ?Mon cordon ombilical est enterré au 48 de la rue Mère-Barthélemy et non dans un métro parisien. Je vis dans l?aléatoire. Demain, l?aventure RFI peut s?arrêter?.

AGG : Reviendrez-vous à Maurice ?

J.M. : Pourquoi ne me demande-t-on pas pour quelles raisons Maurice ne m?offre-t-elle pas ce que me proposent tant de pays ? Que Maurice me demande de revenir.

AGG : Ne peut-on pas travailler à et pour Maurice sans être invité à le faire ?

J.M. : Si Maurice m?offre les mêmes possibilités, je reviens sans hésiter.

AGG : ?Téléscope? faisait du sensationnalisme à outrance?

J.M. : Peut-on faire du sensationnalisme pendant deux ans et demi ? Un journaliste peut-il faire du sensationnalisme sur deux colonnes et demie ?

AGG : Cela dépend du sujet qu?on veut traiter avec sensation.

J.M. : Qu?avait ? Téléscope? de sensationnaliste ? On bousculait, certes, tabous et préjugés. Chaque émission nous valait cependant les pires difficultés. On a fait parler des proxénètes, des prostituées, des homosexuels. Combien de portes se sont fermées devant nous. Aucun légiste n?a voulu parler du droit de libre circulation sur les plages de Maurice.

AGG : Peut-on être journaliste hors de son pays si le journaliste n?est jamais plus utile que lorsqu?il améliore le sort de ses compatriotes ?

J.M. : Voilà un langage du XVIIIe siècle qui ne convient plus à un monde où la vitesse abolit les distances. Le Mauricien a tort de prendre Maurice pour le nombril de la terre.

AGG : Pas le nombril de la terre mais un lieu d?attaches et de responsabilités.

J.M. : Je travaille toujours pour les choses auxquelles je suis lié. Les Mauriciens aiment bien critiquer les autres mais n?aiment pas qu?on place un miroir devant eux.

AGG : Jacques Maunick est-il agressif ?

J.M. : Vos questions sont agressives. Mes réponses doivent l?être également. Ceux, qui me connaissent, ne me trouvent pas agressif.