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Industrie sucrière : Azize Sheik Mahomed bâtisseurs de «pyramides»

4 août 2013, 11:12

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Industrie sucrière : Azize Sheik Mahomed bâtisseurs de «pyramides»
Les «pyramides» érigées çà et là dans les champs de canne à sucre ont de tout temps fait l’objet de spéculations, certains leur attribuant même un caractère ésotérique. Or, la réalité est plus prosaïque. L’octogénaire Azize Sheik Mahomed, un de leurs derniers bâtisseurs, explique leur réelle raison d’être.
 
«Si je n’avais eu ce grave problème de dos, j’aurais travaillé jusqu’à 100 ans », affirme le fringant octogénaire qui était encore actif il y a peu chez Taylor Smith. Bien qu’il attribue son état actuel au fait qu’il ait longtemps posé des tuyaux d’irrigation dans les champs, le fait d’avoir quotidiennement transporté 200 paniers de pierres sur la tête à des fins de construction de «pyramides» des années durant a sûrement dû y contribuer.
 
C’est la misère qui pousse l’enfant qu’il était à aller laver des voitures sur la place de taxis aux aurores pour obtenir Re 1 par semaine. Et cela, à des fins d’achat de cahiers d’école. Malheureusement, comme son père est saisonnier et que la maisonnée compte sept bouches à nourrir, il doit abandonner l’école et trouver un emploi.
 
La sucrerie de Mon- Trésor-Mon-Désert (MTMD) peine à extraire d’innombrables blocs de pierres qui émaillent ses champs. Comme à l’époque, il n’y a pas de concasseur à Maurice, MTMD fait appel à un sous-traitant qui est le voisin de notre interlocuteur. Celui-ci recrute entre 25 et 30 hommes par jour pour aller casser des pierres et les amonceler en «pyramides». C’est ainsi qu’Azize Sheik Mahomed fait partie du lot.
 
«Deux hommes cassaient les pierres avec un maillet et les autres enroulaient un tissu en cercle qu’ils posaient sur le sommet de leur crâne pour pouvoir supporter de gros paniers emplis de pierres. Il fallait en transporter 200 pour gagner Rs 2 par jour.» Chaque panier pesait environ 50 kilos. Les hommes s’attelaient ensuite à aligner et enterrer à moitié les pierres en base faisant environ 25 pieds carrés. Lorsqu’elles n’étaient pas uniformes, elles devaient être réduites au maillet. Une fois le contour de la base constitué, il fallait combler l’intérieur avec d’autres pierres capables de supporter un étage. Au milieu de la base comblée, des marches étaient façonnées.
 
Les hommes recommençaient alors leurs allées et venues des champs à la base, apportant d’autres pierres pour constituer le contour du premier étage, inférieur par cinq pieds de largeur de la base, répétant l’opération de comblement jusqu’à la constitution des marches et du dernier étage. La largeur de chaque étage est inférieure de cinq pieds par rapport au précédent.
 
Une fois la tâche terminée, ils redescendaient et comblaient toutes les marches avec des pierres pour que personne ne puisse y grimper. «Dans les interstices, nous mettions d’autres roches pour consolider la structure. Les champs ainsi épierrés pouvaient accueillir d’autres cannes à sucre». Ces «pyramides» se construisaient en deux semaines. Dans un champ, leur nombre variait, allant de cinq à dix.
 
Pour vérifier que les hommes engagés accomplissaient bien leur tâche, le voisin d’Azize Sheik Mahomed leur remettait un grain de maïs pour chaque panier transporté. «C’était épuisant. J’ai fait cela pendant une vingtaine d’années par obligation.» Après cela, il a exercé d’autres métiers – chauffeur, plombier, poseur de tuyaux, contre-maître – jusqu’à il y a deux mois. Et hormis son dos et un peu d’hypertension qui est sous contrôle, cet homme de 80 ans est en forme. Comme quoi, le travail, c’est vraiment la santé.