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Hommage à Marie-Ange Milazar: une petite foule dénonce la violence à l’égard des femmes

28 novembre 2009, 12:00

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Hommage à Marie-Ange Milazar: une petite foule dénonce la violence à l’égard des femmes

Non à la violence, plus particulièrement à l’égard des femmes ! C’est le message transmis, ce vendredi 27 novembre, lors de la veillée organisée par le Collectif citoyen au Jardin de la Compagnie après le meurtre de Marie Ange Milazar, non loin du jardin.

Il est 18h00 ce 27 novembre 2009, une centaine de personnes s’est rassemblée dans le Jardin de la Compagnie, à Port-Louis, pour rendre hommage à Marie-Ange Milazar et aux victimes de violence. Au micro Marie Michèle Etienne, ancienne animatrice de radio, active dans le social. C’est elle qui  avait lancé sur Facebook l’appel pour que la violence à l’égard des femmes. Comme beaucoup d’autre Mauriciens, elle avait été indignée en apprenant comment la prostituée Marie-Ange Milazar  avait été torturée avant d’être assassinée sous un pont non loin du Jardin de la Compagnie.

Au fil des minutes, la foule grossira quelque peu. Dans le kiosque transformé en plateforme pour la circonstance, des travailleurs sociaux et des victimes de violence se succèdent au micro pour des témoignages parfois émouvants, sous la coordination de Pooba Essoo, membre du Collectif Citoyen.

Dans l’assistance on remarque des personnalités politiques, dont Rashid Beebeejaun, le Premier ministre par intérim et le député Nando Bodha, secrétaire général dui Mouvement socialiste militant. Présence également de nombreux membres d’organisations non-gouvernementales (ONG), oeuvrant dans le social.

Les bougies allumées entre les mains des participants à la veillée donne une solennité au rassemblement. Les discours parfois dénonciateurs ont le mérite de mettre en exergue les conditions de vie difficiles de certains Mauriciens. Les orateurs espèrent attirer l’attention des autorités et éveiller les consciences. 

 «Ce qui ressort fortement du meurtre de Marie-Ange Milazar et des agressions de ce genre, c’est la grande nécessité de réhabilitation à la sortie de prison. Savoir ce qui a pu pousser ces jeunes à commettre un crime aussi violent. Le travail de réhabilitation n’est pas en train d’atteindre ces jeunes. Il faudrait profiter du temps d’incarcération pour les faire réfléchir sur le comportement violent», affirme Pauline Bonieux, présidente de Ki Nou Ete.

Il faut essayer de donner une chance aux agresseurs. Mais une victime est aussi le symbole d’une classe vulnérable qui sera toujours la cible des agresseurs. Comme les prostituées. Parce qu’elles opèrent dans l’illégalité et parce qu’elles sont aussi objets d’une convoitise machiste, elles sont livrées quotidiennement aux risques d’un métier que la société puritaine mauricienne n’ose pas regarder dans les yeux. «Je pense qu’il est urgent de créer une association qui s’occuperait de ces femmes là, leur donner un soutien financier et un abri de nuit. Les alcooliques, par exemple, bénéficient d’une pension de l’Etat et il existe trois abris de nuit pour les hommes. Mais pas un abri pour les femmes, hormis la Case A, qui peut les accueillir dans la journée. Souvent, ces femmes dorment dans le Jardin de la Compagnie quand elles n’ont pas de clients.

Donc pas d’argent pour se payer une chambre pour la nuit», confie, à cet effet, Roselda Céleste, travailleuse sociale indépendante auprès des prostituées

La femme mauricienne se cherche toujours une place au sein d’une société patriarcale. Comment pourrait-elle se protéger lorsque le féminisme des grandes militantes sont autant de théorisations qui n’ont pas de prise sur la réalité? «Depuis un mois déjà, notre collectif prépare un projet. Nous produisons un album sur la femme, qui sera intitulé ‘Valer Fam’, dont la totalité des recettes à la vente iront à la Case A. L’album sera dans les bacs à la mi-décembre. Mais quand nous avons appris le meurtre de Marie-Ange Milazar, nous nous sommes bien-sûr sentis interpellés, en tant que citoyens. Cet acte de violence nous révolte! Nous déplorons le silence radio de l’Etat, des associations féminines, pire, de la ministre de la Femme, elle-même à ce sujet. Il faut une prise de conscience», lance, en ce sens, Stéphane, membre du Kolektif Revey Twa .

Une prise de conscience que tout le monde souhaite. Mais la conscience sociale collective a ses tabous. Pourquoi parler des prostituées et de leur vulnérabilité. Il est tellement plus facilement de se fermer les yeux et de faire semblant que le phénomène n’existe pas. Qui s’en soucie? «J’espère une prise de conscience, suivie d’actions concrètes. On ne peut penser à résoudre le problème de la violence et de la prostitution, si l’on ne l’attaque pas dans sa globalité. Qui dit globalité, dit aussi la dépendance à l’héroïne. La mobilisation d’aujourd’hui est une bonne initiative mais j’espère que c’est la première étape pour un mouvement citoyen et un véritable engagement politique.

Sur ces questions de violence, il ne faut pas que les autorités se contentent de réponses faciles. La répression ou le durcissement des lois n’est sont pas une solution. Peut-être qu’il faudrait s’inspirer du modèle suédois par rapport à la prostitution», fait remarquer, dans cet ordre d’idées, Nicolas Ritter, directeur de Prévention Information Lutte contre le Sida (PILS).

Il y a également d’autres considérations à prendre en compte. La prostitution est une activité économique dans certains pays. A Maurice, c’est l’une de ces filières de l’économie souterraine sur laquelle les autorités se voilent la face. «Les travailleuses du sexe ont besoin d’un encadrement économique pour s’en sortir. C’est une des plus grandes difficultés auxquelles elles font face. En termes de toxicomanie, le programme de substitution par la méthadone, entrepris par l’Etat est une bonne initiative. Néanmoins, la méthadone ne peut leur remplir l’estomac également. Ces prostituées doivent se nourrir, nourrir leurs familles et assurer un abri. Nous faillirons dans la réhabilitation si ces besoins de base ne sont pas satisfaits.

Je pense aussi que c’est bien d’avoir organisé un tel évènement. Toutefois, je crains que demain, une fois de plus, nous, les travailleurs sociaux, nous nous retrouverons seuls  avec ces personnes là. Il ne faut pas nous tourner le dos juste après. Il faut que chacun joue son rôle de citoyen… Changer son regard est un moyen de nous aider», rappelle Imran Dhannoo, porte-parole du centre Idrice Goomany.

Le défi consiste justement à ne pas se limiter à un événement qui n’a de que valeurs journalistiques. La référence première va vers la responsabilité que toute une société se doit d’assumer. «Le rassemblement d’aujourd’hui est très important. Normalement, c’est la ministre de la Femmes et les associations féminines qui auraient dû penser à l’organiser.

 C’est le moment d’agir. Qu’est-ce qui sera fait à la suite de ce rassemblement? La solution, à mon avis, est la réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs du sexe. Les autorités devraient créer une structure d’encadrement dans ce sens. Il faut donner une deuxième chance à ses personnes», insiste, à ce chapitre, Percy Yip Tong, président du Collectif Urgence Toxida (CUT).

Autant d’idées et de propositions. Le Parlement a terminé ses travaux pour que ce rassemblement ait pu avoir lieu. Cela signifie-t-il pour que les plus hautes instances de ce pays aient déjà rempli leurs responsabilités?

On peut en douter… lorsqu’on voit seulement 300 personnes se donner la peine de rendre un dernier hommage à Marie-Ange Milazar…

Voir la vidéo réalisée au Jardin de la Compagnie