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Grèce: le gouvernement ferme brutalement la télévision publique

12 juin 2013, 17:29

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Grèce: le gouvernement ferme brutalement la télévision publique
Le gouvernement grec a annoncé et immédiatement mis en application le mardi 11 juin la fermeture des chaînes de la télévision publique ERT, engageant par surprise une épreuve de force inédite avec les syndicats sous la pression de ses bailleurs de fonds internationaux.
 
Vers 23h00 heure locale, les chaînes d'ERT ont cessé d'émettre et les écrans sont devenus noirs, la police ayant neutralisé selon une source syndicale le principal émetteur situé près d'Athènes.
 
Cette fermeture a suscité une rupture dans la solidarité au sein de la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre conservateur Antonis Samaras: deux des trois partis de la coalition ont désapprouvé la fermeture et ont annoncé qu'ils ne voteraient pas cette mesure lorsque le décret serait présenté au Parlement pour validation.
 
La décision a été annoncée dans l'après-midi par le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou. « La diffusion d'ERT s'arrêtera après la fin des programmes ce soir », a déclaré à la presse le porte-parole.
 
ERT constitue « un cas exceptionnel d'absence de transparence et de dépenses incroyables. Et tout ceci prend fin maintenant », a asséné le porte-parole.
 
Il a assuré que ce service public, où les grèves se multipliaient ces derniers mois pour s'opposer aux plans de restructuration, rouvrirait sous une autre forme, avec un nombre réduit de salariés.
 
Tous les salariés actuels d'ERT, au nombre de 2.656, recevront une compensation et seront autorisés à postuler à nouveau à un emploi dans la nouvelle structure, a-t-il dit.
 
Cette mesure radicale et sans précédent a été annoncée sans préavis au moment où les chefs de file de la troïka des créanciers de la Grèce (UE-BCE-FMI) sont à Athènes.
 
ERT appartient aux multiples organismes d'Etat qui devaient être restructurés ou fusionnés en vertu du protocole d'accord signé entre la Grèce et ses bailleurs de fonds.
 
Les réactions syndicales et politiques ont été très vives.
 
« ERT appartient au peuple grec (...) c'est le seul média indépendant et la seule voix publique, qui doit rester dans le domaine public (...) nous condamnons cette décision soudaine », a déclaré dans un communiqué le syndicat GSEE.
 
« C'est un choc total », a commenté auprès de l'AFP un journaliste de la rédaction, Pantelis Gonos. « Le gouvernement, sans consultations ni discussions, a choqué tout le monde en annonçant la suspension à minuit de la télévision », a-t-il dit.
 
Un « coup d'Etat »
 
Peu après l'annonce du gouvernement, des milliers de personnes ont afflué vers le bâtiment principal d'ERT dans la banlieue nord d'Athènes pour apporter leur soutien à la télévision publique. Près de 500 personnes se sont aussi rassemblées devant le bâtiment d'ERT à Thessalonique, dans le nord de la Grèce.
 
Le syndicat de journalistes Poesy a appelé à une grève immédiate de soutien dans les médias privés. "Le gouvernement est déterminé à sacrifier la télévision publique et la radio" pour satisfaire ses créanciers, a déploré le syndicat.
 
Les chaînes d'ERT ont effectivement cessé d'émettre peu après 23h00 (20h00 GMT) et les écrans sont devenus noirs. Selon un responsable syndical, la police avait neutralisé le principal émetteur, situé sur une montagne près d'Athènes.
 
« C'est illégal. Le gouvernement a arrêté l'émetteur principal », a déclaré à l'AFP le président du principal syndicat des salariés de la télévision, Panayotis Kalfayanis. « Cela ressemble plus à un gouvernement de Ceausescu qu'à une démocratie », a-t-il lancé, dans une référence au dictateur roumain Nicolae Ceausescu.
 
Le ministère des Finances a publié au même moment un communiqué annonçant qu'ERT en tant qu'entité n'existait plus.
 
Les deux partenaires de la Nouvelle Démocratie (ND), la formation du Premier ministre conservateur Samaras, au sein de la coalition ont fermement exprimé leur opposition à la fermeture d'ERT.
 
« Nous sommes absolument en désaccord avec les décisions et la gestion du gouvernement dans cette affaire », a déclaré le Pasok (socialiste).
 
« Nous réitérons notre ferme opposition à la fermeture d'ERT », a également dit la Gauche démocratique (Dimar).
 
« C'est un coup d'Etat », a pour sa part déclaré aux journalistes Alexis Tsipras, leader du principal parti d'opposition Syriza (gauche radicale), venu en toute hâte au siège d'ERT.
 
Pasok et Dimar ont annoncé qu'ils ne voteraient pas pour le décret gouvernemental lorsqu'il serait présenté au Parlement pour être validé après son entrée en application.
 
Cette rupture de la solidarité gouvernementale pourrait provoquer une crise politique au sein de la fragile coalition en place depuis un an sous la direction du Premier ministre conservateur Samaras, à un moment où la Grèce est surveillée de près par ses créanciers internationaux.
 
L'Union européenne de radio-télévision (UER), dans un communiqué publié à Genève, a appelé M. Samaras à annuler la décision revenir de fermer ERT.
 
Le président de l'UER, Jean-Paul Philippot, et sa directrice générale, Ingrid Deltenre, ont appelé dans une lettre le Premier ministre à « user de tous ses pouvoirs pour annuler immédiatement cette décision », indique le communiqué.
 
Selon les syndicats, en fermant ERT, le gouvernement remplit d'un coup l'objectif assigné par les créanciers de la Grèce de supprimer 2.000 emplois publics d'ici à la fin juin.
 
C'est une « solution facile pour répondre aux exigences de la troïka », estime le syndicat Poesy. La Confédération des fonctionnaires du service public Adedy a qualifié le décret de "coup d'Etat".
 
Les hauts responsables de la troïka ont repris lundi à Athènes l'audit des comptes grecs et le contrôle des réformes, parmi lesquelles figurent la réduction du nombre des fonctionnaires et la fusion ou la suppression des organismes publics.
 
Lundi soir, les responsables de la troïka ont eu un entretien avec le ministre de la Réforme administrative Antonis Manitakis sur la restructuration du secteur public.