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Funérailles dans la colère et la douleur pour deux familles

28 mars 2008, 00:00

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Funérailles dans la colère et la douleur pour deux familles

«Kan fini mor, lerla? » Cette remarque est lancée au Premier ministre à son arrivée chez Jaymanee Rughoo. La scène a lieu hier et c?est un proche de cette quinquagénaire, lui aussi du même âge, qui lâche le commentaire. Jaymanee Rughoo, habitante de Mon-Goût, a été emportée par la rivière Citron, en crue après les fortes averses de mercredi. Comme elle, Laura Paul, une écolière de 13 ans, a été emportée par les eaux le même jour.

C?est vers 12 h 30 que le Premier ministre est arrivé à Mon-Goût, chez Jaymanee Rughoo. Après quelques secondes passées à l?intérieur de la maison, pour rendre hommage à la défunte, il parlera quelques instants au frère de la victime, Jaganaden Coopen, et lui assurera qu?il recevra de l?aide du gouvernement.

Jaganaden Coopen nous a confié, hier, que c?est lui qui prendra en charge le fils unique de la défunte, âgé de 24 ans et souffrant d?un handicap mental. Ne pouvant travailler, il a besoin qu?on prenne soin de lui à plein-temps. Jaganaden Coopen s?est donc installé chez sa s?ur avec son épouse et ses enfants depuis hier soir. Il y restera pendant tout le mois d?avril. Et à la fin de ce délai, un conseil de famille décidera qui sera le prochain à prendre en charge le jeune homme.

<B>«Li ti enn bon zanfan»</B>

Autour de la petite maison en tôle de Jaymanee Rughoo, les proches, amis et voisins de la défunte sont venus lui rendre un dernier hommage. On parle des évènements de la veille. Mais c?est le ministre de l?Education, Dharam Gokhool, qui est au centre des conversations. Certains se disent choqués d?un commentaire fait par le ministre sur les ondes d?une radio privée, dans la matinée. Il parlait alors de la mort de la petite Laura Paul.

Cette dernière a aussi été enterrée hier. C?est à 10 heures que son corps a quitté la maison de sa mère et de son beau-père, à Mon-Goût, où elle a passé les derniers mois de sa vie. Le cortège funèbre se dirige alors vers la maison du père de Laura, Sylvestre Paul. Celui-ci habite à Grand-Port, avec les deux frères de Laura (celle-ci a emménagé chez sa mère en janvier).

A Grand-Port, chez la famille paternelle de Laura, la peine est tout aussi grande. C?est là que la petite a grandi, jusqu?à la séparation de ses parents. Sa grand-mère, Simone, qui avait partagé le même toit que Laura jusqu?à janvier dernier, nous a, hier, parlé de cette perte immense pour elle. «Li ti enn bon zanfan», confie-t-elle, incapable de retenir ses larmes.

Les parents de Laura, Sylvestre et Nella, étaient, hier, inconsolables. Autour d?eux, en l?église de Notre-Dame du Grand Pouvoir, à Grand-Port, des proches venus les soutenir. Le Premier ministre s?est également rendu chez eux en début d?après-midi, hier. Trois ministres, notamment Arvin Boolell, Rajesh Jeetah et Vasant Bunwaree avaient aussi fait le déplacement chez la famille. Les deux premiers nommés sont restés afin d?assister à la cérémonie funèbre de la petite Laura Paul.

Hors de l?église, une des amies d?enfance de Laura est assise, visiblement émue. Trop touchée par cette perte et par les divers témoignages entendus, elle n?a pu assister à la fin de la cérémonie. Arrivant à peine à retenir ses larmes, elle trouve tout juste les mots pour nous dire que Laura et elle étaient de très bonnes amies. Dans la cour, d?autres proches de la petite sont dans le même état.

A Mon-Goût, on parle toujours de la petite Laura Paul. Certains, présents aux funérailles de Jaymanee Rughoo, parlaient aussi de la petite qu?ils avaient vue emportée par les eaux en crue de la rivière Citron. «Monn trouv li trap brans, me li pann kapav tini», nous a déclaré un des habitants de la localité. Ce quadragénaire, très touché, ne trouvait pas les mots pour exprimer son désarroi face à l?horreur de la scène dont il a été témoin.

COLERE A MON-GOUT

<B>Des manifestants : «Si Premie minis pa vini nou pe met dife»</B>

■ «Dir premie minis vini.» Les propos lancés avec véhémence par cette habitante de Mon-Goût hier étaient caractéristiques de la colère qui animait tous ceux venus manifester dans les rues. En raison des événements de ces derniers jours, on a frôlé le dérapage dans ce village situé à côté de Pamplemousses, hier. Les habitants affirment que les autorités n?ont pas fait ce qu?elles devaient faire et qu?ils ont dû, à la force de leurs bras, sauver les leurs. Dans la matinée, une centaine d?habitants étaient descendus dans la rue principale pour montrer leur agacement. La vingtaine de policiers dépêchés sur les lieux n?a pu faire grand-chose pour calmer les esprits. A l?arrivée d?une pelleteuse, certains habitants devaient même décider de bloquer le chemin, forçant le camion transportant l?énorme machine à faire marche arrière, alors que la police tentait de calmer les esprits. Le nombre d?habitants, croissant à la minute, a connu son apogée à l?arrivée surprise du Premier ministre, vers 12 h 30. Ils étaient alors 200, regroupés sur la route principale. Le Premier ministre, empruntant une autre route que celle investie par les manifestants, se rend alors chez Jaymanee Rughoo, où il fait une visite éclair. Lorsqu?il s?en va, une cinquantaine d?habitants courent vers sa voiture. «Dir li revini, nou pou bril tout.» Ces mots, criés par un habitant de Mon-Goût, sont repris en ch?ur par une bonne partie des autres personnes présentes. Certains prennent alors des branches, entassées sur le bas-côté de la route, pour tenter de barrer la route aux voitures. Les insultes fusent à l?encontre du Premier ministre. Tous veulent qu?il revienne écouter leurs doléances. Suite à l?intervention du «Deputy Commissioner of Police», Jean Bruneau, certains des meneurs se calmeront. Mais quelques instants plus tard, un ultimatum est lancé au Premier ministre. «Si li pa la dan dezerd tan, nou pe met dife.» Il est alors 13 heures. Mais le calme reviendra une bonne fois pour toutes vers 13 h 30, trois habitants de la localité désignés en qualité de négociateurs étant partis dans une voiture de la police.