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Fabiani Balison et Alain Nayna :

17 novembre 2012, 12:57

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Fabiani Balison et Alain Nayna :
« Personne ne sait qui est vraiment derrière CT power ! »

Dans un document qui risque de changer la donne dans l’affaire CT power, l’Action Civique d’Albion Plage (ACAP) dénonce les liens entre le gouvernement et le promoteur et  révèle que l’investisseur initial a vendu ses actions à un promoteur mystérieux en 2008. Nous avons rencontré deux membres de l’ACAP, Fabiani Balisson et Alain Nayna en compagnie de leur avocat Me Roshi Badhain.

A peine quelques jours après que vous ayez entré une plainte en cour contre CT power, l’on apprend que le projet serait « compromis ». Pensez-vous que vos révélations ont touché une fibre sensible ?

Oui, l’affaire est sensible parce que nous avons découvert les liaisons entre les différentes parties. Cela change la donne complètement. Nous établissons que le CT Group en Malaisie a quatre filiales et que le groupe est principalement engagé dans l’imprimerie. Ils n’ont aucune expérience dans la production d’énergie à base de charbon.
Or, une filiale du CT group a contribué d’une façon très importante à une élection à Maurice. Cela met les événements en perspective.

Car CT power devient donc un bailleur de fonds du gouvernement ?

En 2005 les posters de l’Alliance sociale pour les 20 circonscriptions ont été imprimés par CT power. Il y a aussi des CD qui expliquent pourquoi il fallait voter pour l’alliance sociale et qui ont été produits par CT group. Plus d’un million de copies de ce CD ont été circulées à Maurice.

Et quelques mois après avoir financé les élections, CT Power reçoit son letter of Intent du Board of Investment (BOI) ?

Oui, la compagnie est incorporée à Maurice en mars 2006 et reçoit son letter of intent pour son projet quatre semaines après. Seulement quatre semaines, alors que cette entreprise est engagée dans l’imprimerie et que la production d’énergie n’est pas son line of business !

Et un letter of intent doit prendre cela en considération ?

Absolument. Si le BOI donne un letter on intent, c’est la moindre des choses que le BOI va faire son due diligence pour savoir qui est le promoteur et quelle est son expérience dans le domaine concerné !

Surtout quand il s’agit d’un unsolicited bid ?

Exactement et l’ancien ministre des finances Rama Sithanen a confirmé au Parlement qu’il n’y avait pas d’exercice d’appel d’offres et que le projet était simplement une proposition du CT groupe pour venir faire une centrale à charbon à Maurice. Il ajoute que se basant sur le strength of the proposal, le gouvernement a décide d’aller de l’avant ! Mais de quoi parle-t-on ? Il s’agit d’une imprimerie sans aucune expérience dans la production d’énergie ! Mais pour le gouvernement, la proposition était suffisamment solide, qu’ils décident non seulement de ne pas faire un appel d’offres mais aussi de lui donner son letter of intent en quatre semaines !

Et très rapidement, le CEB donne un contrat à CT Power ?

Oui, mais les choses se corsent quand ils font leur demande pour leur permis Environment Impact Assessment (EIA). Et là, les techniciens font leur travail et refusent d’octroyer le permis.

Mais n’est-ce pas étonnant puisque la décision politique avait déjà été prise de permettre le projet ?

Oui, mais cela, c’est l’éternel conflit entre les techniciens-fonctionnaires et les politiciens. Mais les politiciens reprendront le dessus dans cette affaire après le premier contrecoup.

Mais en 2008, le promoteur initial vend ses actions. Qu’est-ce que cela démontre ?

D’abord il faut préciser que le promoteur initial, Subramaniam n’a jamais pu démontrer comment il va faire son projet. Il n’a d’ailleurs pas d’argent. Son site web affirme que son chiffre d’affaires s’élève à USD 3 ! D’où serait venu l’argent pour venir faire la centrale ? Il n’a pas d’expertise parce que c’est un imprimeur.

Tout était planifié à l’avance, c’est ce que vous dites ?

Oui et nous pouvons l’affirmer car nous avons remonté la séquence des événements chronologiquement. Le ministère du logement envoie une lettre le 23 octobre au CEB pour dire qu’il autorise que le terrain à pointe aux caves soit loué au CEB pour qu’ensuite ce même terrain soit sous loué à CT power. Le 7 novembre 2008, Subramaniam vend toutes ses actions. C’était important de changer d’actionnaires avant que CT power n’obtienne le terrain en son nom et il fallait faire vite. Car, une fois qu’une entreprise étrangère a une propriété en son nom, elle doit passer par le PMO pour transférer les actions, surtout si le nouvel actionnaire n’est pas un résident mauricien. Donc, le transfert se fait avant mais la nouvelle entité s’appelle CT Power (Holdings). Nous pensons que le nom de la nouvelle  entité est similaire exprès pour semer la confusion. 

Et la nouvelle entité est incorporée dans un territoire fédéral en Malaisie ?

Oui, le vrai propriétaire est aujourd’hui CT Power au Labuan, en Malaisie. C’est tout ce qu’on sait. Le power purchase agreement (PPA) avec le CEB est signé en décembre 2008, selon Rashid Beebeejaun. Il ne précise pas la date. Or, le 29 décembre 2008, il y a une injection de capitale dans cette nouvelle entité à travers une émission de 124 558 actions pour la somme de  Rs 124 558 000.

Mais d’où vient cet argent ?

Quand nous sommes remonté dans le bilan financier de la compagnie, pour savoir d’où venait cet argent- ces informations sont disponibles au Registrar of Companies-, nous avons découvert que le 30 juin 2008, CT power (Mauritius) avait une somme de Rs 124, 558,000 que la compagnie avait « gardée » dans un compte qui s’appelle « monies held for shareholders ». Donc, l’argent était déjà là !

Que veut dire cela ?

Qu’ils ont attendu que les démarches aient abouties, c’est à dire que le PPA ait été signé avec le CEB, pour injecter de l’argent dans la nouvelle entité. Mais l’argent lui-même était déjà là, comme un dépôt pour garantir le projet. Et quand toutes les démarches ont abouties, il fallait legitimize cet argent et donc ils paient des dividendes à des actionnaires inconnus.

Et vous savez qui sont ces personnes ?

Mais justement, personne ne sait qui est vraiment derrière CT Power! Et là vraiment il y a de quoi se poser des questions. Car quand l’appel de la décision du EIA committee est devant le tribunal de l’environnement, le magistrat a noté que le ministère de l’environnement n’est pas venu réfuter les arguments de CT power. Et décide après de ne pas faire appel du jugement. Pire, le magistrat s’est étonné que ce soit le CEB qui achète du charbon pour CT power ! Pendant 20 ans ! Et le plus choquant c’est que personne ne vient dire devant le tribunal qui les vrais actionnaires sont ! Alors que selon la loi, cette information est primordiale pour que l’on donne un permis de EIA !

Quelle est votre vraie motivation quand vous contestez le projet de CT power ?

Nous habitons la circonscription numéro 20. Rajesh Bhagwan est toujours élu en tête de lice dans cette circonscription c’est extrêmement rare que des travaillistes y soient élus. Et c’est là-bas même qu’ils viennent faire des dépotoirs, qu’ils installent l’incinérateur de la Chaumière, qu’ils traitent l’eau usée et qu’ils vont construire une centrale à charbon.  La centrale sera tellement grande- 110 mètres de hauteur- qu’elle sera visible dans la moitié de l’île le phare d’Albion fait 30 mètres, à titre d’exemple. En passant, on ne pourra plus voir le phare d’Albion de la rade si CT power s’implante.
Les déchets vont être jetés dans la mer ? Ils vont tuer tous les poissons. De la plage d’Albion, on voit actuellement les baleines et leur jet d’eau, il y a des dauphins. Mais avec la centrale, les dauphins et les baleines ne viendront plus.

Votre combat a toujours été axé sur la protection d’Albion et le bien etre de ses habitants. Subitement, vous venez avec une bombe et vous entrez une affaire en cour. Comment expliquer ce changement de stratégie ?

Notre représentant légal, Roshi Badhain nous a conseillé d’aller au fond des choses et d’essayer de comprendre la motivation des promoteurs et de l’état- car ce projet défie toute logique.  L’approche est donc complètement différente même si dans le fond nous disons la même chose que la constitution nous donne des droits et que l’état doit respecter ces droits.

 

Deepa BHOOKHUN