Publicité

Etats-Unis : à la veille du premier débat, les républicains sont inquiets

2 octobre 2012, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Etats-Unis : à la veille du premier débat, les républicains sont inquiets

A cinq semaines des élections, les républicains auraient quelques raisons d’être inquiets. Depuis un mois, Barack Obama a creusé l’écart dans les Etats-clés et Mitt Romney ne parvient pas à remonter.

Mais la base, heureusement, ne croit pas aux sondages. « Je suis prêt, explose Ken Wiens, avant toute présentation. Prêt pour le changement. »

Ken Wiens est venu assister au rassemblement de Mitt Romney, lundi 1er octobre à Denver, mais la sécurité ne l’a pas laissé entrer. « A cause de mon couteau », dit-il en montrant l’étui sous sa veste. Peu importe. Il s’est installé derrière les barrières et de là, on aperçoit la foule dans le hangar et les quatre lettres géantes disposées sur la scène : J.O.B.S. (emplois).

Mitt Romney n’en finit pas de réparer la bévue de la convention de Tampa, quand il n’avait pas dit un mot, dans son discours, des militaires qui défendent la patrie. Deux jours avant son premier débat contre Barack Obama, mercredi à l’université de Denver, il a choisi le musée de l’air et de l’espace pour rôder ses arguments. Un vieux B-52 est stationné devant l’entrée.

Ken Wiens est « fu-rieux ». Il a monté sa petite entreprise d’horticulture en 2009, « l’année où Obama est arrivé ». Depuis, tout va mal. La Bank of America, cette institution à laquelle « Obama a donné des millions », a essayé de saisir sa maison. Sa voiture lui a été a enlevée un soir à 22 heures et vendue aux enchères. Et l’année 2012 a été la « pire de sa vie ». Dans l’attente du résultat des élections, les consommateurs ne sont pas d’humeur à dépenser pour leur jardin. C’est simple, proclame Ken Wiens : « Ou Obama s’en va ou c’est moi. » Destination : « le Canada ».

Arrivé sur scène, Mitt Romney rend hommage aux puissances locales : l’Air Force Academy, qui forme les cadets de l’aviation à Colorado Springs Focus on the Family, la fondation des chrétiens fondamentalistes, et John Elway, le héros de l’équipe de football américain, qui vient de lui apporter son soutien. Puis il décline le plan en cinq points qui va permettre de « créer 12 millions d’emplois » : libérer le secteur de l’énergie, réduire la dette publique, en remontrer à la Chine sur le commerce, dissoudre les 47 programmes de formation professionnelle dépendant de 8 agences gouvernementales et démanteler les monopoles syndicaux.

La foule est enthousiaste, surtout quand elle entend parler d’exploitation tous azimuts du sous-sol et de la relégation « à l’arrière » des syndicats d’enseignants. Ils sont au moins 5 000 serrés parmi les avions de chasse. « Il n’a pas de charisme, dit Gil Jackson, un octogénaire qui est venu avec une pancarte appelant à "réparer" l’Amérique. Mais je suis optimiste. Sa victoire va être décisive. Les sondages ? Tout le monde sait qu’ils sont biaisés. »

Les républicains ont trouvé une explication pour la baisse de performance de leur champion : les enquêtes sont basées sur la référence de 2008, une année où la mobilisation était exceptionnelle. « Obama est le sortant. S’il est aussi bon qu’il le prétend, il devrait être beaucoup plus haut dans les sondages », poursuit le retraité.

L’optimisme des militants tranche avec l’état d’esprit des notables républicains. Le parti a fait comprendre à Mitt Romney que le débat de mercredi – qu’il prépare depuis des semaines – risquait d’être celui de la dernière chance. « Ce qu’il fait ne marche manifestement pas, a dit le stratège républicain Ed Rollins au journal The Hill. Il n’y a pas de grand message de type "espoir et changement". D’engagement à faire X, Y et Z. » Les républicains, qui s’étaient gaussés du slogan de M. Obama "Forward" ("En avant"), en sont à trouver qu’il pénètre mieux les esprits que celui de M. Romney ("Believe in America" : "Croire en l’Amérique").

Au lieu d’une proposition phare, la campagne se disperse. En quarante-huit heures, M. Romney a attaqué M. Obama sur la Chine, sur les coupes dans le budget de la défense, sur Israël et sur le charbon sous-exploité. A la veille d’un débat qui doit porter sur la politique intérieure et économique, il s’obstine à se focaliser sur la politique étrangère. Lundi, il a publié une tribune dans le Wall Street Journal dénonçant les errements de l’administration Obama après l’attaque de Benghazi, en Libye. Il essaie d’exploiter le fait que le président a évité d’employer le terme de "terrorisme", probablement pour ne pas avoir l’air d’afficher une certaine vulnérabilité en pleine campagne électorale. Mais les républicains ont beau faire : le "scandale" ne mord pas au-delà des cercles néoconservateurs.

Pourquoi Mitt Romney est-il distancé ? « Bonne question », se borne à répondre Ryan Call, le président du Parti républicain du Colorado, qui, à 37 ans, est l’un des plus jeunes responsables du mouvement. Pour lui, le parti se coupe pour des années de la faculté d’emporter la majorité s’il ne renoue pas avec les Latinos (21 % de la population dans le Colorado et 12 % probablement de l’électorat). Et s’il ne désigne pas des candidats susceptibles « d’attirer un électorat allant au-delà de la frange idéologique étroite » qui fait la base du parti.

Selon la dernière enquête Gallup, 63 % des Américains pensent que Barack Obama va être réélu contre 31 % qui pensent que Mitt Romney va l’emporter. Dans certains swing states, les Etats indécis, 52 % des électeurs sont favorables au président contre 42 % à son rival, indique une enquête ABC/Washington Post. Mais au niveau national, l’écart est faible entre les deux candidats : 49 % voteraient pour Barack Obama si l’élection avait lieu aujourd’hui 47 % pour Mitt Romney.

Le temps peut jouer contre M. Obama et les excès de zèle. Depuis qu’ils ont appris que l’administration avait demandé aux grandes entreprises du secteur de la défense, menacées par les coupes dans le budget militaire prévues début janvier 2013, de ne pas envoyer de préavis de licenciement avant le 6 novembre, les républicains ne décolèrent pas.