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Espagne : José Luis Zapatero en retraite anticipée

31 juillet 2011, 00:00

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Espagne : José Luis Zapatero en retraite anticipée

Miné par la crise, le Premier ministre espagnol a annoncé vendredi la tenue d’élections dès le 20 novembre. Une tentative désespérée de contrer la droite.

Il a fini par écouter les voix qui, à gauche comme à droite, l’exhortaient depuis plusieurs semaines à quitter le pouvoir «le plus tôt possible». A l’issue du Conseil des ministres de vendredi, José Luis Rodríguez Zapatero a annoncé la tenue d’élections anticipées le 20 novembre, au lieu du scrutin prévu en mars 2012. Même s’il affirme qu’il laissera à son successeur un pays en voie de «consolidation économique», le président du gouvernement n’a pu éluder la raison de son départ prématuré : la crise. Il a reconnu la nécessité de réinjecter de la confiance en économie comme en politique, de «projeter de la certitude», selon ses mots.

Ces trois dernières années, les Espagnols avaient mal accepté qu’il leur tienne des discours minimisant les effets de la crise avant d’imposer à l’impromptu des plans d’austérité drastiques. Pour une écrasante majorité de la population, le chef du gouvernement appartenait déjà au passé. L’injonction était donnée il y a deux semaines par le journal de gauche El País , dans un éditorial inattendu : «Si Zapatero veut rendre un dernier service à son pays, il doit abandonner le pouvoir le plus tôt possible.»

Le Premier ministre avait toujours affirmé avec obstination qu’il irait jusqu’au bout de la législature. Il signe donc un départ précipité. Même à gauche, plus personne ne voulait de délai, pas même Alfredo Pérez Rubalcaba, investi candidat socialiste le 9 juillet. L’ancien ministre de l’Intérieur, dont les chances de l’emporter sont minimes, craint que la dégringolade de Zapatero dans les sondages ne s’éternise et ne finisse par lui nuire. Le chef du gouvernement l’a consulté avant d’annoncer sa décision d’anticiper les élections.

En novembre, l’exécutif pourra présenter quelques améliorations sur le plan économique, comme une baisse substantielle du chômage, qui était déjà en léger recul au second trimestre. La stratégie socialiste est donc de tirer parti de ces éclaircies et de ne pas attendre la présentation d’un bilan économique annuel forcément négatif.

En outre, la gauche entamera la rentrée moins démoralisée qu’elle ne l’était ces derniers mois. Lors des municipales du 22 mai, la droite a raflé 2 millions de voix de plus que le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui a perdu ses fiefs de Séville et Barcelone. Mais l’avance de 14 points sur Alfredo Pérez Rubalcaba que comptait en juin le candidat conservateur Mariano Rajoy, vainqueur assuré des élections, s’est réduite de moitié cette semaine, si l’on en croit l’Institut officiel de sondages qui accorde désormais 36% d’intentions de vote au PSOE contre 43% au Parti populaire (PP, droite).
Bien qu’il soit le favori pour prendre les rênes du pays dans la tourmente, l’image que les Espagnols ont de Mariano Rajoy n’est guère reluisante : ils voteront pour lui par dépit et par rejet de la gauche, mais paradoxalement, les enquêtes montrent qu’ils ont davantage d’estime pour son rival socialiste, considéré comme plus efficace, expérimenté et ouvert au dialogue. Gêné par sa présence pendant huit ans au sein d’un gouvernement conspué par les Espagnols, Rubalcaba travaille néanmoins son image de politicien expérimenté et solide, en contraste par rapport au profil rafraîchissant mais parfois futile de son ancien chef.

En 2004, le jeune et fringant Zapatero apparaissait comme le sauveur d’une Espagne frappée en mars par le terrorisme islamiste et lasse d’un José María Aznar qui avait embarqué le pays dans la guerre en Irak contre l’avis de la population. Succédant à la rigidité autoritaire d’Aznar, le socialiste est apparu comme un innovateur dynamique. Distribuant les excédents budgétaires, il s’est rapidement affirmé par la création de «nouveaux droits», comme le mariage homosexuel, la discrimination positive des femmes, la promotion de l’Espagne plurinationale et des minorités linguistiques, ou encore la reconnaissance des victimes du franquisme.

Ces mesures ont d’abord été bien accueillies par la population. Et puis cela a commencé à ressembler à des cadeaux populistes sans vision à long terme, comme le «chèque-bébé» de 2 500 euros accordé aux familles à chaque naissance. En mars 2008, les Espagnols encore sous le charme réélisent Zapatero. Aujourd’hui, l’enchantement s’est volatilisé.
«En temps de crise, les gens s’en fichent de savoir si celui qui est à la barre est sympathique et a un beau sourire», affirme Fernando Garea, journaliste à El País. Le politologue Fernando Vallespín résume lapidaire : «C’est un Premier ministre pour le printemps, pas pour l’automne.»