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Enfants abusés : Le Jardin de la Paix pour panser ses blessures et se reconstruire

9 juin 2013, 00:00

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Enfants abusés : Le Jardin de la Paix pour panser ses blessures et se reconstruire

Le pays a enfin son premier centre thérapeutique destiné à aider les enfants abusés physiquement et sexuellement à se reconstruire. L’initiative vient du privé, soit du Centre d’éducation et de développement pour les enfants mauriciens (CEDEM).

 

 

Vue de l’extérieur, cette villa cossue et bien sécurisée de Calodyne ne se distingue en rien des autres demeures du voisinage. Outre la beauté de ses intérieurs aux couleurs sable chaud, ocre, rouille et au mobilier japonais de bois clair, son principal attrait est son grand jardin doté d’un coin rangoli, d’un kiosque hexagonal fermé et d’une pergola avec tonnelle. Cette demeure a un nom : le Jardin de la Paix. Une initiative de Rita Venkatasamy, directrice du CEDEM.

 

Son objectif est d’offrir en priorité aux enfants abusés physiquement, sexuellement et émotionnellement un cadre exceptionnel incitant à la relaxation et à la paix d’esprit, avec plusieurs «lieux de parole» afin qu’ils arrivent à extérioriser et à panser leurs blessures, puis à se reconstruire.

Rita Venkatasamy expliquant le fonctionnement du bol chantant.

 

Ce projet de Jardin de la Paix était en gestation depuis six ans. La directrice du CEDEM et son équipe y songeaient, depuis la rencontre de Rita Venkatasamy avec une jeune femme de 32 ans qu’elle appelle Pretty. Venue au CEDEM pour son enfant à besoins spéciaux, Pretty la prend à part. «Elle m’avait entendue à la radio et voulait se confier à moi. Je n’oublierai jamais ce qu’elle m’a confié : à 14 ans alors qu’elle fréquentait un jeune de son quartier et qu’elle commençait à tomber amoureuse, il s’est arrangé pour se retrouver seul avec elle et l’a violée. Pendant 18 ans, elle a porté ce lourd secret et n’a pu en parler à personne, pas même à son mari. Elle a certes essayé de se libérer. Elle m’a confié être ‘ale vini dan bann biro pou sey koze me apre 30 minit, dimounn dir ou ou bisin ale ek revini dan enn mwa. Pena narien pou nou dan sa pei la’. Elle a ajouté que ‘kan ou kase, ou senti ou sal’. Elle m’a demandé de ‘fer enn zafer zoli pou bann zenfan kinn viole ek gaign bate, kot zot pou kapav manze ek boir bon zafer et fer zot leker kontan’

 

Touchée par cette confession, la directrice du CEDEM se promet d’ouvrir un centre de réhabilitation pour enfants abusés. A force d’en parler autour d’elle, Rita Venkatasamy trouve un écho favorable auprès d’un particulier qui met bénévolement à sa disposition un terrain de 42 perches à Calodyne. Tout comme elle trouve une alliée qui accepte de financer la construction et l’aménagement de cette villa qu’elle voulait grandiose.

 

L’alliée en question n’a pas regardé à la dépense – le coût de la construction de cette villa cossue et bien sécurisée ainsi que de l’aménagement a été de Rs 12 millions. La directrice du CEDEM voulait d’un cadre exceptionnel et pourvu de lieux de paroles (coin rangoli, kiosque hexagonal, pergola à tonnelle) pour appliquer un programme thérapeutique étoffé.

Un kiosque, une pergola à tonnelle, à un coin «rangoli» : des «lieux de parole» où l’enfant pourra panser ses blessures.

 

Pour ce programme, elle a trouvé en le Trident Trust au Caudan un autre bailleur de fonds. Parmi les thérapies qui seront proposées aux enfants figurent les bols chantants, bols traditionnels chinois réalisés à partir d’un alliage de cinq à sept métaux et sur les bords duquel on passe un bâton en bois. Les sons vibratoires émis aident à réduire le stress et entraînent une sensation de paix.

 

Une autre thérapie appliquée sera la lecture des contes dans le kiosque. «L’histoire contée sera un outil pédagogique par excellence pour aider l’enfant à se dévoiler et à se réhabiliter.» Autre technique : la méditation à imageries guidées, répandue aux États-Unis et permettant à l’enfant à se reconnecter. «Un enfant abusé a par exemple peur d’être seul. Cette méditation lui permet de voyager par l’esprit et de se libérer de ses peurs. Nous resterons dans le contexte culturel mauricien pour que les choses soient plus claires pour lui.»

 

Les autres thérapies seront le théâtre, l’aérobic, les massages, la danse, le chant et l’expression corporelle. L’eau, omniprésente dans ce beau cadre – sous forme de cascade aménagée à l’entrée, de fontaine dans le jardin ou encore de fontaine Feng shui dans le salon – renforcera la sensation de paix et de bien-être. Comme la mer n’est pas loin, la natation et les promenades seront aussi au programme.

 

Et quid du counselling ? Rita Venkatasamy l’entrevoit différemment. «Nous ferons appel à une psychologue mais elle travaillera surtout avec l’équipe thérapeutique. Les cas les plus extrêmes lui seront aussi réservés». Les enfants, qui seront au nombre de 25 chaque samedi, viendront des différents centres de réhabilitation publics et privés de l’île. Le CEDEM leur fournira le transport jusqu’à Calodyne et les ramènera à leurs centres respectifs à 16 heures.

 

Rita Venkatasamy veut aussi offrir à ces enfants des repas de qualité. Ainsi, chaque samedi, le Jardin de la Paix leur offrira un petit-déjeuner, un déjeuner et un goûter. La directrice du CEDEM pense qu’il faudra au minimum quatre sessions aux enfants abusés mais que tout dépendra bien entendu de leurs besoins et de leur résilience. «Nos journées seront intenses. Les enfants seront libres de choisir leurs activités mais ne seront jamais livrés à eux-mêmes.»

 

Mobilier aux tons clairs, couleurs chaudes : l’objectif est d’offrir aux enfants un lieu accueillant et réconfortant.

 

En semaine, le centre compte pourvoir aux besoins des mamans des jeunes bénéficiaires – lorsque ces derniers sont scolarisés – de même qu’à ceux des encadreurs «qui sont au bout du rouleau». Le Jardin de la Paix sera inauguré samedi prochain par Monique Oh-San Bellepeau, vice-présidente de la République, devant un parterre d’invités.

 

Voilà un centre qui vient sans conteste combler une lacune en matière de réhabilitation d’enfants abusés à Maurice.