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En attendant Godot

8 mars 2010, 00:00

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En attendant Godot

Au téléphone, la voix agréable vous a assuré qu’il serait fait selon vos désirs. C’est que vous avez demandé un rendez-vous dans des délais très courts. Vous avez aussi fortement insisté, pour ne pas dire que vous avez légèrement imposé votre emploi du temps. Avec toutes les formules d’usage…bien sûr. Car être pressé ne veut pas dire être impoli, n’est-ce pas ?

Une fois sur place, la réceptionniste appelle la personne avec qui vous avez rendez-vous. Réponse : c patientez cinq minutes. Installez-vous en attendant ». Vous vous enfoncez dans le canapé prévu à cette intention. Une fois que vous avez noté les nuances dans la couleur des murs, dévisagé des employés faisant le va-et-vient – ils vous le rendent bien, mais sans signe de tête en prime –, vous sortez votre sésame.

Ce petit livre qui reste toujours au fond de votre sac. Ce dieu des petits riens comme dirait Arundhati Roy, ce meilleur ami des salles d’attente. Et vous plongez tête la première, pile où se tient le marque-page. Tic tac tic tac. Cinq minutes, dix minutes. Vous voilà complètement pris par la conversation intime avec votre meilleur ami. C’est qu’il a toujours de bonnes histoires à raconter. Des histoires qui justement ont l’art de faire passer le temps. Des histoires qui vous font sourire, glousser. Des histoires un peu tristes aussi, qui s’appuient sur le tiboubou que vous avez fait semblant d’oublier. Bref, vous finissez par oublier l’heure.

Au détour d’une page, vous vous levez précipitamment. Vous foncez sur la réceptionniste. Celleci, avec des yeux tout ronds, vous fait, « quoi, elle n’est pas venue vous voir ? Mais elle est descendue pour me parler. Je crois qu’elle vous a oublié ».

Re-coup de fi l, excuses de la réceptionniste en lieu et place de la personne avec qui vous avez rendez-vous.

Quand enfin celle-ci arrive, c’est avec le téléphone portable vissé sur l’oreille. Et à peine le temps pour vous recevoir. Mais assez pour que cette phrase de la pièce surréaliste de Beckett vous revienne, « Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent ».