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Dharam Gokhool : «Comment le PM a-t-il pu nommer Jeetah alors que c’est un cas de conflit d’intérêts ?»

6 septembre 2013, 00:35

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Dharam Gokhool : «Comment le PM a-t-il pu nommer Jeetah alors que c’est un cas de conflit d’intérêts ?»

À l’époque où l’EIILM a reçu son accréditation de la TEC, Dharam Gokhool était ministre de l’Éducation. Il revient aujourd’hui sur la manière dont se sont déroulées les procédures. Il raconte aussi que la famille Jeetah avait invité le PM à l’inauguration de la branche locale de l’institution tertiaire, avant même que lesdites procédures soient achevées.

 

En disant que Maurice avait ses propres règles, en faisant référence au fait que l’«University Grants Commission» (UGC) en Inde ne reconnaissait pas l’université EIILM, Rajesh Jeetah avait-il raison ?
C’est le National Framework Policy (NFP) dela Tertiary Education Commission (TEC) qui détermine lesrèglements à être appliquéspour approuver les demandesd’affiliation. Ce cadre dit queMaurice était supposé inviterdes brand names à venir implanterune fi liale ici et c’est dans cecontexte que l’EIILM, qui aété créée par l’État de Sikkimen Inde comme une universitéprivée, est venue à Maurice.

 

Jeetah a-t-il raison ou pas ?
L’EIILM a fait une demande pour établir une branche à Maurice. La requête a été traitée par la TEC. Je précise que l’EIILM n’est pas dans la liste des universités qui sont contrôlées par l’UGC. C’est pour cela que jusqu’ici l’UGC n’a jamais sanctionné l’EIILM.

 

Vous êtes en train de dire que l’EIILM n’a jamais eu d’accréditation de l’UGC ?
En tout cas, l’EIILM n’est pas dans la liste des universités contrôlées par l’UGC.

 

Mais le NFP parle de «brand names» ; l’EIILM n’en est certainement pas un !
Le problème est qu’avant 2005, il n’y avait pas de policyframework, et c’est pour cela que nous avons dû élaborer un framework. Ce n’était pas un cadre parfait et avec le recul, je reconnais qu’il y a eu des manquements.

 

Toujours est-il que l’EIILM n’est pas un «brand name» alors que le «framework» fait mention de «brand names» !
Le framework dit Brand University and Deemed University.L’EILLM était uneDeemed University établie parl’État de Sikkim.

 

Vous étiez le ministre responsable de l’Éducation quand la TEC, en 2007, a donné l’autorisation à l’EIILM de s’installer à Maurice. Vous maintenez que la TEC avait raison ?
Oui, dans le sens où cela respectait le NFP. Mais je reconnais qu’il y a des manquements au NFP car on ne parle que d’enregistrement et d’accréditation. On ne parle pas de Recognition des diplômes. Or, la reconnaissance est un élément important et la TEC devrait régler ce problème dans le temps.

 

Pourquoi ne pas avoir réglé le problème dès 2007 ?
Disons qu’on a pensé que le problème n’était pas pressant car ce n’est qu’après trois ans que la question allait se poser. Malheureusement, je dois dire que la TEC n’a pas assumé ses responsabilités. Car elle aurait dû compléter son dossier en s’assurant que la question de reconnaissance soit réglée.

 

La TEC n’aurait-elle pas dû attendre en 2007 que la question de reconnaissance soit réglée avant d’accorder une accréditation à l’EIILM ?
On passait par une phase de transition. Le document était une première ébauche et le consensus était que le frameworkne devrait pas être trop rigoureux. Sinon cela n’allait pas permettre à des universités de s’implanter à Maurice. Mais j’ai quitté ce ministère en 2008 et je n’ai eu que deux ans et demi pour suivre ce dossier. La TEC aurait dû faire le nécessaire pour le suivi sur la reconnaissance.

 

Pensez-vous que la TEC a fauté en ne prenant pas cet aspect en considération ?
C’était une question de l’oeuf et de la poule. Il faut que le programme se complète pour que l’on puisse rechercher la reconnaissance des diplômes.

 

Donc vous êtes en train de dire que techniquement, Rajesh Jeetah a raison ?
Techniquement oui, il a raison. Mais là où il faute c’est quand il évite la question de reconnaissance. Et en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, c’est à lui de gérer ce problème.

 

En 2007, quand l’EIILM a fait sa demande, vous qui étiez ministre de l’Éducation saviez que la famille Jeetah était derrière cette institution ?
Pour l’inauguration de l’EIILM, la famille Jeetah avait invité le Premier ministre (PM) et ce, avant que je n’en sois informé. J’ai trouvé que, protocolairement, ce n’était pas correct car il y avait un ministre de l’Éducation et les procédures devaient se faire à ce niveau. Quand j’ai été informé que le PM avait été invité à l’inauguration alors qu’on n’avait même pas encore réglé le problème de reconnaissance, j’ai contacté la TEC pour demander comment on pouvait inaugurer l’université sans que toutes les procédures ne soient respectées. Cela avait causé un problème et créé une situation anormale.

 

Avez-vous subi des pressions pour que la TEC donne son aval à ce projet ?
Pas moi, je n’accepte pas les pressions. Je ne peux pas répondre pour la TEC. Tout ce que j’ai dit au Parlement était basé sur les informations que la TEC m’a fournies.

 

Quelle est la relation entre le ministre de l’Éducation et la TEC ?
En 2010, quand le présent gouvernement s’est formé, j’ai été un peu surpris d’apprendre que l’on avait scindé le ministère de l’Éducation en deux. Il faut une cohérence dans la politique éducative, du préscolaire au tertiaire. En 2010, j’imagine que pour faire de la place pour Jeetah, l’on a créé ce ministère. L’EIILM existait déjà. Et là, c’est une entorse à l’éthique car un ministre qui assume les responsabilités d’un secteur ne peut pas avoir des intérêts dans un trustqui gère une université. Et maintenant, les gens ne peuvent pas s’empêcher d’interpréter cela comme si on avait créé un poste pour Jeetah pour aider sa famille.

 

Il semblerait que son père l’a mis à la porte du «trust» mais qu’il n’était pas au courant !
Oui, mais il était membre du trust depuis 2010 ! Et le papa a dit une partie de la vérité; qu’il y a un conflit d’intérêts. Et si c’est le père qui vient dire qu’il y a un conflit d’intérêts, qui on est, nous, pour venir dire le contraire ? Mais comment se fait-il que le PM n’ait pas pris cela en considération en nommant Jeetah à ce poste alors que c’est un cas flagrant de conflit d’intérêts ? Cela me chiffonne et je n’arrive pas à trouver une explication.

 

L’EIILM n’est pas le seul problème dans le secteur tertiaire. Vous aviez utilisé plus tôt les termes «excellence dans le secteur tertiaire». Or, nous sommes bien loin de l’excellence, n’est-ce pas, avec tous ces problèmes accumulés ?
Il y a un changement drastique en termes d’orientation du secteur tertiaire ; la priorité est désormais la production en masse, la quantité plutôt que la qualité. C’est un départ de la philosophie d’auparavant basée sur le refus de compromettre sur la qualité. Mais en 2010, quand on a commencé à parler de démocratisation de l’accès à l’éducation, la question de qualité est passée à l’arrière-plan.

 

Cela pour pouvoir atteindre le but d’avoir un gradué par famille, n’est-ce pas ?
Oui, mais quand ils se concentrent sur le nombre, ils baissent le niveau requis à l’admission. Cela a définitivement une incidence sur la qualité de l’enseignement supérieur. Quand on examine les résultats des étudiants à l’UoM, à l’université de Technologie et même ailleurs, nous voyons qu’il y a une baisse dans la performance. Non seulement les étudiants n’ont pas le bagage académique qu’il faut, mais il y a aussi des lacunes sur le plan social et en termes de lifeskills.

 

Or, en écoutant le PM à l’université des Mascareignes, nous avons l’impression que dans le secteur tertiaire en particulier, le pays fait du progrès !
Nous sommes à un tournant et si l’on ne fait pas attention, tout ce qu’on a accompli peut être hypothéqué. Par exemple, dans notre contexte économique actuel, nous avons besoin de techniciens qualifiés, de cadres moyens et c’est par la filière de Technical and VocationalEducational Training. Or, c’est à travers le MITD que ces formations sont dispensées. Mais le MITD est noyé dans toutes sortes de problèmes. D’autre part, on est en train de convertir des polytechniques en universités. Cette transformation va créer plus de problèmes car le pays a besoin de former plusieurs types de professionnels et de techniciens. Cela aura un impact sur le taux de chômage qui va augmenter et on ne répondra plus aux besoins du marché du travail. Avec cette formule, nous allons hypothéquer dans une grande mesure notre développement car les besoins de l’économie sont variés. Nous sommes désormais en train d’adopter une logique industrielle de production en masse.