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Criminalité: Sept meurtres et un homicide en moins de deux mois

17 février 2010, 00:00

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Criminalité: Sept meurtres et un homicide en moins de deux mois

Sept meurtres et un homicide en l’espace de 46 jours. Le constat est inquiétant quand il est comparé aux chiffres de 2009 pour la même période.

Du 1er janvier au 15 février 2009, on avait, en effet, enregistré deux meurtres seulement. Le sociologue Ibrahim Koodoruth et la criminologue Rima Ithier livrent leur lecture des événements. 

Sept meurtres et un homicide en moins de deux mois. Des affaires qui ont alimenté la rubrique des faits divers de plusieurs médias au cours de ces dernières semaines. Mais cette soudaine hausse du nombre de meurtres en ce début d’année n’a pas eu pour seul effet que de faire couler beaucoup d’encre ! Quand l’on compare les chiffres du 1er janvier au 15 février 2010 à ceux de  la même période en 2009, l’on constate qu’ils ont triplé.

La criminologue Rima Ithier estime que pour l’heure, il est très difficile de porter un jugement sur ces statistiques, sans une étude approfondie. Toutefois, elle est d’avis que l’augmentation des cas ne peut qu’être liée à la réalité de la société.  Elle estime que la criminalité est une indication que quelque part, quelque chose va mal ! Pour le sociologue Ibrahim Koodoruth,  l’une des causes à ce mal serait un affaiblissement de la cellule familiale. Selon lui, le contrôle social qu’exerçait cette structure sur l’individu, aurait disparu. «Avant, il y avait le «qu’en dira-t-on», mais aujourd’hui, il y a de plus en plus d’individus nombrilistes qui donnent libre cours à leurs pulsions», explique-t-il.

Ainsi, selon l’analyse du sociologue, la société mauricienne et ses structures ont évolué. Et pour ce dernier, ce n’est guère le fruit du hasard. «Sans vouloir être pessimiste, nous assistons à une situation qui risque d’empirer», explique-t-il en faisant référence à la «hausse de la criminalité.».

 «La société opère par la synergie créée par les institutions, tout comme le corps est le résultat du fonctionnement de tous les organes. Quand le cœur va mal par exemple, tout le corps va mal. De la même façon, quand une institution va mal et ne remplit pas ses fonctions, la société souffre», affirme Rima Ithier.

Outre une mutation de la société, les failles des institutions judiciaires seraient aussi l’une des causes de cette situation. «L’on s’est rendu compte de la lenteur de notre système. Et c’est pour cela que certains préfèrent se faire justice. On vit dans une société qui fonctionne tel un guichet automatique. Vouloir quelque chose et l’obtenir tout de suite», soutient pour sa part le sociologue. En effet, les récents faits divers indiquent que, de plus en plus, les gens choisissent la violence physique comme la solution la plus simple.

Pour Rima Ithier, toute cette violence physique est également, bien souvent, le résultat de frustrations accumulées, qui n’ont pas été extériorisées.  «A un moment donné, le verre déborde et la violence s’ensuit.  Parfois, une goutte d’eau fait déborder le vase. Ceci explique les cas de violence causés par des gens tout-a-fait normaux, mais tellement frustrés par la vie de tous les jours qu’a un moment donné, ils éclatent.  La frustration est causée par l’identification à certains buts ou objectifs dans la vie que la personne n’arrive pas à atteindre. Elle est donc perpétuellement frustrée», explique la criminologue.

Se faire justice soi-même», perte de repères, accumulation de frustration, banalisation de la violence… sont quelques unes des causes de cette montée de criminalité depuis le début de l’année. Et ces facteurs sont identifiables dans les faits divers ci-dessous.

Ibrahim Koodoruth estime que la situation «risque d’empirer». Pour Rima Ithier, les choses ne sont pas aussi limpides. «Cette question nécessite une étude des chiffres, qui doit aussi prendre en considération la criminalité cachée (le dark figure, comme on dit en Anglais), c’est-à-dire, la criminalité qui n’est pas rapportée à la police et n’apparait donc pas dans les chiffres officiels.  Les pays développés optent pour un National Crime Survey, qui est quand même plus réaliste que les données de la force policière, car celles-ci n’incluent que les cas rapportés à la police. Ceci dit, il est indéniable que la criminalité est beaucoup plus connue et parlée à  Maurice, surtout par les media, mais il faut être très prudent à ne pas se laisser emporter et influencer par le paraitre», déclare notre interlocutrice.

Retour sur les faits divers

En effet, les meurtres, homicide ont été très commentés dans la presse depuis le début de l’année. La série a commencé le 1er janvier 2010 l’île Maurice se réveillait en apprenant le meurtre d’un employé de Casino, Louis Bernie Evariste, poignardé à Quatre-Bornes par quatre videurs. Deux jours plus tard, soit le 3 janvier, Denis Fine, un Mauricien établi en France, est assassiné d’une balle à la tête à Pamplemousses. Le mobile du crime serait un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue, notamment de subutex.

Dans les affaires Fine et Evariste, la police n’a pas tardé à arrêter des suspects. Mais cette rapidité des enquêteurs de la police criminelle n’a guère endigué la série noire. Cinq jours après le meurtre de Denis Fine, soit le 8 janvier, Sanjeet Ramdowar, un propriétaire de restaurant, est poignardé en pleine rue. L’agresseur du restaurateur n’est autre que son voisin Dheoraj Chuckoo.

Le 15 janvier, Abou Sahma Toofany est tué à coups de sabre par l’époux de sa maîtresse à Surinam. Ce dernier l’aurait surpris en pleins ébats avec son épouse. Deux jours plus tard, Rosemay Paul est tuée toujours à coups de couteau par son époux à son domicile, à Cité Barkly, Beau-Bassin. Ce dernier suspectait son épouse de lui être infidèle. Le 26 janvier, Gilbert Chandre, un présumé voleur, est abattu par le directeur de l’usine Roma, à Riche-Terre. Le directeur a plaidé la légitime défense mais a été mis en examen.

Le 6 février, Rabindeo Jhowry, ancien chargé de cours au Mauritius Institute of Education (MIE), est à son tour tué à son domicile à Mon Choisy. Ce dernier a été attaqué par trois hommes encagoulés qui lui ont foncé un T-shirt dans la bouche. Ce qui a provoqué la mort de la victime par asphyxie. Le 14 février, Rajendrasing Seetah est tué par son frère dans le couloir de sa maison,à la rue Brunette, Beau-Bassin. La victime a succombé à de multiples blessures à la tête.

Des faits qui témoignent d’une dérive de la société vers une criminalité accrue. La situation «qui risque d’empirer.» La société mauricienne évolue, mais toutes les composantes n’avancent pas au même rythme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et le constat est inquiétant. «La criminalité est une indication que quelque part, quelque chose va mal!» Reste à trouver où se situe ce mal qui ronge la société.