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Conditions de travail : les ouvriers du textile sont-ils exploités ?

8 septembre 2013, 17:25

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Conditions de travail : les ouvriers du textile sont-ils exploités ?

Ce qui a surtout marqué la semaine, c’est la déportation des ouvriers bangladais qui avaient entamé un mouvement de grève à Real Garments, la Tour Koenig. La situation s’est tant envenimée que plusieurs ont été déportés tandis que d’autres ont préféré partir. Le syndicaliste Faizal Ally Beegun parle, lui, d’injustice faite à ces ouvriers bangladais, voire aux ouvriers du textile en général. Qu’en-est-il réellement ?

 

 

Les conditions de travail acceptées par ces ouvriers bangladais qui se sont mis en rogne durant la semaine : 60 heures de travail par semaine pour un salaire de Rs 8 0 00.  L’accord avait été signé, selon le ministre Shakeel Mohamed, le 2 août. Toutefois, ils n’auraient pas obtenu ce qui avait été convenu, à la fin du mois. D’où leur décision d’entamer un mouvement de protestation.

 

Mais, après inspections des dortoirs proposés par l’usine textile, Real Garments, à la Tour Koenig, les officiers de ce ministère ont affirmé n’y avoir rien trouvé à redire. Pourtant, les ouvriers bangladais de cette usine ont bien tenu à faire grève pour alerter sur leurs conditions.

 

«S’ils l’ont fait, ce n’est pas de gaité de coeur», affirmait le syndicaliste, Faizal Ally Beegum, qui défendait ces travailleurs. Lui, déplore que les autorités ont carrément déporté certains, tandis que d’autres ont simplement préféré rentrer chez eux. Hier, samedi 7 septembre, leMMM-MSM a également dénoncé la manière de faire du ministre Mohamed sur ce dossier.

 

Quelle est la réalité de ces ouvriers du textile ? Rencontre avec Chummun, 26 ans, un ressortissant du Bangladesh. «Bizin gayn kas non. Lakoz pena kas samem vini Mauritius non ?» commente cet ouvrier en route pour son dortoir à Belle-Etoile. En s’accrochant à ses rudiments de créole, Chummun nous explique que la somme de Rs 1 030 sert au repas. «Pa salary sa». Pour le salaire, «kapav gagne Rs 8 900». Mais dit le Bangladais, «mem Rs 10 000 pa ase. Mauritius all shopping boukou kas sa». Il nous dira aussi, «bizin fer boukou overtime». Une indication ?

 

Cela peut être quatre heures supplémentaires par jour. Pour un shift commencé à 8 heures et terminé à 16 h 45. «Sunday pa travay.» À 26 ans, il a déjà passé deux ans chez nous. Chummun a signé pour trois ans et compte renouveler l’expérience.

 

«Ena boukou Bangla dimoun vini isi», poussés par les impératifs économiques. Le «lager lager» qui a vu certains de ses compatriotes déportés cette semaine, Chummun en est au courant. Ce qui explique pourquoi il ne veut pas trop en dire. Sa crainte s’appelle : «office». «Office» décide de tout. «Office» décide de  son avenir.

 

Ongalalaina, 22 ans, jeune malgache rencontrée un quart d’heure devant son dortoir, explique de son côté qu’elle travaille de 8 à 18 heures avec, au besoin, une heure supplémentaire. Ongalalaina est payée à la pièce, soit Rs 12 la pièce. Toute la journée elle repasse et elle plie. Son quota : 300 pièces la journée. Après deux ans à ce rythme, c’est son sourire embarrassé qui dit le mieux son état d’esprit. À la question va-telle renouveler son contrat, elle glisse : «Cela dépend de la vie».

 

En fait, les conditions de travail dans l’industrie du textile sont régulées par des Remuneration ordersdatant de 1984. Ceux-ci prévoient un salaire mensuel de Rs 3 965 par mois pour 45 heures de travail par semaine, soit payé à  Rs 20,33 de l’heure. Ce salaire minimal est applicable tant aux travailleurs étrangers qu’aux Mauriciens. Des revenus qui ouvrent la voie à tous les abus concernant les heures de travail.

 

Ainsi l’ouvrier qui souhaite toucher un salaire décent se trouve dans l’obligation de multiplier les heures de labeur. Une des plus grandes entreprises textile du pays a mis en place un shift system qui permet aux employés étrangers de toucher jusqu’à Rs 8 300 par mois. Toutefois, pour arriver à ce salaire, l’ouvrier doit obligatoirement fournir 156 heures toutes les deux semaines, soit 72 heures la première semaine et 84 heures la seconde semaine. Ce qui équivaut à six jours de 12 heures consécutifs, suivis d’une seconde semaine de sept jours toujours au rythme de 12 heures par jour.

 

L’employé se retrouve en moyenne avec deux dimanches non ouvrables par mois. Effectuant, au final, 132 heures supplémentaires par mois, payées entre 1,5 et 2 fois le taux normal.

 

L’ouvrier étranger a droit, contrairement à son homologue mauricien, à un logement et à deux repas par jour fournis par l’employeur. Dans la plupart des cas un cuisinier est recruté et l’entreprise lui donne les ingrédients pour le repas quotidien.