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Compensation aux descendants d’esclaves : les obstacles qui retardent le dossier

14 octobre 2013, 21:40

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Compensation aux descendants d’esclaves : les obstacles qui retardent le dossier

Neuf jours que Sylvio Michel ne mange plus. Par sa grève de la faim, l’ancien ministre veut la réparation aux descendants d’esclaves. Sauf que l’idée d’une compensation financière individuelle demeure, aujourd’hui comme hier, rien de plus qu’une illusion.

 

Il faut appliquer les recommandations de la Commission Justice et Vérité et, surtout, le paiement d’une compensation aux descendants d’esclaves. C’est là la revendication de Sylvio Michel, qui a entamé depuis neuf jours désormais une grève de la faim en ce sens.

 

Le projet lui tenait tant à cœur qu’il  avait même démissionné du gouvernement MSM-MMM en 2004 pour protester contre l’abandon de ce projet. Malheureusement, l’idée d’une compensation financière individuelle demeure, aujourd’hui comme hier, rien de plus qu’une illusion. Si la qualification de l’esclavage comme crime contre l’humanité est incontestable, sa réparation financière se heurte à des obstacles autant pratiques que philosophiques. La Commission Justice et Vérité, instituée notamment pour se pencher sur la question, le confirme dans son rapport : «Vu la difficulté à identifier les descendants d’esclaves parmi la population générale, cet exercice peut mener à plus de frustration.»

 

Vient ensuite l’identification de ceux qui doivent payer. Une «légende non vérifiée», selon les termes de l’historien Jocelyn Chan Low, attribue la fondation de la Mauritius Commercial Bank aux propriétaires d’esclaves compensés après l’abolition par la Couronne britannique. En 2013, l’actionnaire de la MCB doit-il casquer si aucun de ses ancêtres n’a possédé d’esclaves ? Et même si c’est le cas, la question reste posée. Comme le disait le père Roger Cerveaux en 1994, «les personnes qui vivent aujourd’hui ne peuvent en aucune façon être responsables de ce qu’ont fait leurs ancêtres».

 

Malgré cela, l’idée d’une compensation a continué à séduire. En 1999, le gouvernement comptait instituer une commission sur la question avant d’être interrompu par les émeutes de février. L’alliance MSM-MMM, au pouvoir à partir de 2000, s’est mise à réfléchir à une compensation qui toucherait aussi les descendants d’engagés. Les travaux de généalogie du Centre Nelson Mandela durant les années suivantes ont vu l’enregistrement de plus de 15 000 personnes comme descendants d’esclaves, motivées par les promesses politiciennes d’une compensation avoisinant le demi million de roupies. Le ralliement de Sylvio Michel aux travaillistes en 2005 a également suscité une vague d’espoir, débouchant sur la création de la Commission Justice et Vérité en 2008.

 

Cette dernière devait trancher sur la question avec beaucoup de sagesse en novembre 2011. Expliquant privilégier la réussite à «long terme» aux gains immédiats, elle a recommandé une série de mesures tendant à une plus grande «justice sociale pour tous» : réformes de l’éducation, du logement, du système électoral, des conditions d’embauche…

 

Des mesures de discrimination positive, qui ne cibleraient pas une origine ethnique mais des couches sociales défavorisées. Une voie d’avenir qui contraste avec l’impasse de la compensation chère à Sylvio Michel.