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Communauté…

9 décembre 2012, 00:00

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Cela était dans l’air du temps. Cela fut explicitement proposé, mercredi dernier, par l’ancien secrétaire général Wilfrid Bertile : qu’à la place de la commission, on parle plutôt de la Communauté de l’océan Indien.

Pour une COI plus spontanément communautaire que convoquée en premier lieu autour de ses missions communes. Cette communauté indianocéanique qui vient de célébrer son trentième anniversaire bénéfi cie, de toute évidence, d’un regain de tonus, à tout le moins de visibilité. Au-delà des enjeux relevant de son mandat traditionnel lié à la coopération et à l’accroissement des échanges, la communauté de l’océan Indien sera-t-elle en mesure de proposer aux populations de nos îles un meme récit fondateur, a shared narrative?

A Madagascar, des habitants très cultivés d’Antananarivo, des personnes qui voyagent mais davantage sur l’axe Ivato-Roissy que dans la région, s’étonnent que des Mauriciens parlent couramment français. Ces voisins pensaient qu’à Maurice on ne parlait qu’anglais. C’est dire à quel point on se connaît dans la région !

Les trois membres créolophones de la Communauté de l’océan indien peuvent prétendre disposer chacun d’une réelle lisibilité des deux autres sociétés. Est-ce bien vrai ? Les Réunionnais déchiffrentils justement les parts de notre héritage
pluriel qui ne figurent pas dans leur AND migratoire ? Sommes-nous parfaitement à l’aise face aux structures parentales qui s’installent à La Réunion, face au patrimoine linguistique que l’usage redéfinit aux Seychelles ? Ne gagneraiton
pas, même entre ces espaces créolophones, à tendre des passerelles, à faire davantage oeuvre d’interprétation ? Pour faciliter la vraie connaissance de l’autre, pour échapper à la caricature.

Il existe, aujourd’hui, au sein du système éducatif français - et cela est mis en oeuvre à Maurice également - ce qui est désigné comme la « section européenne ». Il s’agit d’une formule optionnelle et ceux qui la choisissent doivent 1) étudier plus en profondeur une langue européenne et 2) étudier une matière - cela peut être aussi bien l’histoire que la biologie - dans cette langue européenne autre que le français. Cela a pour résultat qu’un lycéen peut se retrouver en Terminale avec d’avantaged’heures d’anglais ou d’allemand que de français. N’y a-t-il pas quelque chose du même ordre à imaginer dans l’océan Indien ?

Il y a certains mythes dont il ne faut pas hésiter à tordre le cou. Par exemple celui qui voudrait que les populations de la Communauté de l’océan Indien soient toutes francophones. Faux, ô combien faux ! Si l’on trouve encore de nombreux Réunionnais qui peinent à comprendre le français, cela est encore plus réel à Madagascar. Là où nous espérerons implanter les principaux centres de production alimentaire de notre région. De nombreux Mauriciens apprennent aujourd’hui le mandarin, entre autres raisons pour pouvoir mieux faire des affaires à Guangzhou. Et quid du malagasy ? Notre HSC, voire notre version du baccalauréat international ou du bac français pourrait comporter une « section communautaire » qui impliquerait, disons de la Form IV à la Form VI, un apprentissage de la langue malgache. Cela accompagné d’une étude,
disons, de l’histoire et des systèmes de valeurs de la région, en langue malgache.

Quitte à commencer très modestement et à accroître de manière progressive les espaces disponibles et les collections, on peut imaginer, dans les cinq pays de la communauté, des musées des arts et traditions régionaux. On pourrait aussi imaginer la constitution d’une troupe des arts de la scène, soit des danseurs et des acteurs, pour des spectacles régionaux, des occasions de réunir les talents et de rassembler les peuples. Il y aura aussi, peut-être, une maison d’édition pour soutenir le livre régional, une société de production pour le fi lm, des expositions tournantes, des concours de slam, voire un cursus scolaire régional, bref une communauté…

Par Gilbert Ahnee