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Cité La Cure : Huit ans d’obscurité

2 septembre 2013, 00:00

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Cité La Cure : Huit ans d’obscurité

Cela fait plusieurs années que quelques familles ont élu domicile sur un terrain proche de la NHDC de ce quartier de la capitale. Bien qu’elles vivent là en toute légalité, elles sont privées d’électricité.

 

Près d’une cinquantaine de familles de Cité La Cure, à Port-Louis, sont dépourvues d’électricité depuis huit ans. Leurs appels à l’aide sont restés lettre morte et lorsque nous rencontrons des mères devant leurs cases en tôle, leur désespoir est palpable.

 

Dans ce quartier de la banlieue port-louisienne, situé non loin des logements de la National Housing Development Company (NHDC), les femmes sont nombreuses à ne pas travailler : une situation qui ne les aide aucunement à élever leur ribambelle d’enfants souvent de pères différents.

 

Depuis huit ans qu’ils ont commencé à s’installer à cet endroit avec l’autorisation du gouvernement, le nombre d’habitants a augmenté considérablement et par conséquent, les problèmes auxquels ils sont confrontés. Des sentiers tracés par le temps nous mènent à des cases en tôle construites avec le soutien de la National Empowerment Foundation (NEF).

 

Sur place, les habitants nous disent ne plus savoir à quel saint se vouer pour ce qui est de leurs problèmes. En ce qu’il s’agit de l’eau, par exemple, n’étant pas connectés au réseau de la CentralWater Authority(CWA), ils doivent remplir des seaux à partir de raccords placés sans autorisation et s’en satisfaire. «Ar sa mem dilo baigne, ar sa mem kwi manze ek ena fwa delo la pe fer lamar»,lance Odila Azie, l’une de ceux qui vivent là depuis huit ans. Comme elle, d’autres ont élu domicile dans ce quartier malgré le dénuement qui le caractérise.

 

«Nou bann zanfan pa konn narnien, pena televizion. Zot pa kapav get informasion. Zot bizin fer devwar kouma zot sorti leson ar labouzi akoz fini fer nwar», poursuit Odila Azie.

 

« Nou pe sirviv »

 

Françoise Georgette, mère célibataire de 37 ans, a elle quatre enfants à charge. Et avec ses Rs 4 500 de revenus mensuels, elle avoue : «Nou pe sirviv.» Leur habitation se résume, en fait, à une pièce qui fait à la fois office de chambre – avec un lit – et de cuisine. Le tout sur un sol pierreux, où la maman a eu l’ingéniosité de placer une moquette. À la nuit tombée, la nichée de Françoise se réfugie dans leur unique lit à la faible lueur de bougies, tout apeurée qu’elle est par l’obscurité alentour. Une situation qui n’aide guère les enfants dans leurs études.

 

Dans une autre maisonnette, Rose May Augustin doit assurer la subsistance de six enfants de même que celle de sa petite-fille, âgée de deux ans. À la question de savoir où est son mari, comme elle vient d’accoucher, elle fait remarquer avec une ironie mêlée de tristesse : «Mo pena mari, monn gagn prete sa.» Rose May Augustin gagne Rs 2 000 tous les quinze jours et confie, à propos de leurs problèmes de lumière : «Kan mo ena enn ti Rs50, mo alim delko.»

À quelques mètres de là, l’histoire de Jessica Jean Louis est poignante. Lorsque nous pénétrons chez elle, une odeur de bois brûlé est omniprésente. Il y a cinq mois, elle était encore mère d’une enfant atteinte d’un handicap mental et qui avait 11 ans. Sa fille, elle l’a vue mourir dans ses bras sans rien pouvoir faire pour lui venir en aide. «Nou ti ena ‘tou’, confie-t-elle. Nou ti mank zis lelektrisite, zot pa le donn nou.Mo tifi ti pe servi enn sistem lapomp ki met dan kouran». C’est justement parce qu’ils n’ont pas d’électricité qu’un jour, la fille de Jessica Jean Louis, qui était asthmatique, a fait une crise et sa maman, impuissante, n’a pas eu le temps de l’emmener à l’hôpital. Depuis, Jessica est inconsolable. «Si tiena kouran, mo zanfan ti poula», affirme-t-elle, déchirée par l’absence de la petite.

 

La cinquantaine de familles de Cité La Cure se dit lasse est inquiète de cet état de choses. Ce qui les révolte d’autant plus, c’est que non loin de là, des maisons sont, elles, bien connectées au réseau électrique. Outre l’impact de leur situation sur les études de leurs enfants, les habitants sont exposés à des risques réels comme celui de voir leurs maigres possessions s’envoler en fumée, si jamais ils oublient une bougie allumée, par mégarde. Jessica Jean Louis ne pourra plus jamais, quant à elle, voir sourire sa fille…