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Ces tombes du fond desquelles on rigole

3 mars 2013, 00:00

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Ceux à qui il suffit d’appartenir à la communauté citoyenne, ceux qui attendent que leurs idées plutôt que leur credo et leur phénotype soient représentées à l’Assemblée nationale, ceux- là conserveront une belle reconnaissance à Rezistans ek Alternativ et au Blok 104. Il importe toutefois, pour faire justice à la mémoire, que l’on sache aussi que le rejet du système des Best Losers ne date pas des dernières élections générales, qu’il a été dénoncé dès sa présentation.

Il y a un peu moins de quarante- sept ans, le 6 juillet 1966, dans un éditorial intitulé Les petits pères de la nation , le directeur d’alors de l’express , le Dr Forget, écrit : « Pour la première fois dans l’histoire de l’île Maurice, chaque candidat à la législature va être obligé de déclarer à quelle communauté il appartient. Et la chose sera publiée à l’Officiel svp. Tous les racistes du passé doivent bien rigoler dans leurs tombes. Les vainqueurs []…] ce sont eux. » Comme s’il entrevoyait, quarante ans à l’avance, la samba de Me Yousouf Mohamed se pressant vers la Cour suprême, son M. Carrimkhan sous le bras, ce dernier priant le juge Seetulsingh de faire valoir à un candidat qu’il n’est pas autorisé à se déclarer de la population dite générale, l’éditorialiste notait : « Ce label communal allégué, quiconque n’en serait pas satisfait aura le droit de le disséquer devant monsieur le juge. Lequel décidera, on le suppose, en se référant aux cellules génitrices elles- mêmes... »

Au sujet de questions assez proches de celles qui nous sont suggérées depuis quelques mois par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, à savoir les conséquences d’un retour au recensement communal, comme s’il prévoyait déjà les sophismes de trafiquants d’idées frelatées, Philippe Forget écrivait, dès 1966 : « Ils sont malins, les leaders de la nation. Ce label communal était nécessaire, expliquent- ils, pour rationaliser l’application du correctif constant d’ordre communal. Mais ils ont oublié que la sous- représentation d’une communauté après les élections sera, elle, fondée sur le dénombrement de chaque communauté au recensement décennal. Qui donc veillera à ce que chaque citoyen de Maurice se désigne véridiquement sur la formule de recensement ? » Bien- sûr, un esprit rationnel ne pouvait prévoir que, de 1983 à 2010, nous appliquerions l’odieuse formule, à sept reprises, sur la base d’un recensement déjà vieux de plus de dix ans.

Incapable, intellectuellement, et on le comprend, d’imaginer le maintien de la formule Stonehouse et, simultanément, l’abandon de la catégorisation communale dans l’exercice de recensement, Philippe Forget écrit : « Tant que durera ce système électoral, le recensement d’ordre communal sera indispensable. Et tant qu’en accomplissant leur principal devoir civique, celui de voter, les habitants de ce pays devront désigner une étiquette officialisée, le rêve d’une nation émergeant du passé doit être abandonné. » Malgré nos décennies d’errance raciste, sectaire, le Comité des droits de l’homme des Nations unies nous a offert la chance de revenir à ce point où, rassemblant ses forces vives et le meilleur de sa citoyenneté, un ensemble humain adopte les insignes d’une nation. « As one people, as one Nation, in peace, justice and liberty », comme nous les chantons depuis quarante- cinq ans.

Nous avons appris à accepter, quitte à toujours le déplorer, qu’un élu de la nation puisse avoir une responsabilité accrue envers une communauté particulière. Aujourd’hui, Shakeel Mohamed a compris que la dernière formule de Rama Sithanen est susceptible de mieux gratifier ceux que croit défendre son père, que ne l’a fait la formule Banwell-Stonehouse. Reste à convaincre le conservatisme mauve. Soit prendre à revers une dogmatique de nouveaux convertis, espérer toucher des coeurs de zélotes. Pauvre nation.