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Cader Sayed-Hossen :« Il faut changer l’état d’esprit des détenteurs des avoirs économiques»

7 novembre 2010, 00:00

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Cader Sayed-Hossen :« Il faut changer l’état d’esprit des détenteurs des avoirs économiques»

Le Président de la Commission pour la démocratisation de l’économie appelle à un changement de Mindset de ceux qui détiennent les avoirs économiques. Il réclame aussi une redéfinition du produit touristique et l’intégration des PME à la chaîne de production des services. 

La commission de la démocratisation de l’économie vient d’organiser un atelier de travail sur l’intégration des PME dans le secteur touristique. Quand est-ce que les opérateurs pourront prétendre à l’accès aux contrats dans ce milieu considéré très fermé ?

Moi, j’aimerais bien vous dire demain. Mais le problème ne dépend ni des petits entrepreneurs ni de l’Etat. Nous ne nous pouvons pas forcer les choses. Il s’agit d’un secteur sensible sur le plan international et nous ne pouvons secouer la pirogue trop brutalement. J’ose encore espérer que les grands groupes comprendront qu’il y va de leur intérêt, d’ouvrir les activités aux nouveaux entrepreneurs.

Par exemple, on n’a jamais vendu les multiples facettes d’une île Maurice profonde et de l’âme mauricienne,  avec ses villes et ses villages intérieurs. Maurice, ce n’est pas seulement les plages car 35% du « Repeat Trade », c’est-à-dire, les visiteurs qui reviennent au pays, ne le font pas pour manger un curry au St Géran ou une mousse au chocolat au Royal Palm. Ils reviennent  surtout pour renouer avec la chaleur humaine qu’ils ont connue ici.

De plus, la grande diversité culturelle, qui caractérise Maurice, n’a jamais été mise en avant, ni la mer et les gens de la  mer.Ce qu’il faut, c’est revoir impérativement nos produits du tourisme et fractionner le « Supply Chain » en marketing. Et cela au moment même de la promotion du pays à l’étranger.

Mieux encore, les grands groupes doivent permettre à d’autres fournisseurs, d’avoir accès aux touristes et vice-versa. Ce qui élargirait le Business Base de l’industrie qui deviendra à ce moment là une industrie touristique bénéfique à l’enrichissement et l’épanouissement de tous. Et c’est là, le rôle de la Commission, c''''est-à-dire, faciliter l’accès aux petits entrepreneurs.

Et qu’est-ce que la Commission propose aux entrepreneurs pour faciliter leur intégration dans ce secteur ?

On leur a proposé une formation, par le biais de l’informatique, pour qu’ils puissent présenter et vendre leur produit ou service et aussi avoir accès aux marchés. Il est aussi probable que nous devons revoir notre approche à la formation, celle par exemple des chauffeurs de taxis dans les hôtels. Leur présentation est importante.

Je suis aussi d’avis que le secteur artisanal a besoin d’un gros coup de neuf. J’ai l’impression que notre population n’a pas vraiment de tradition artisanale, si l’on fait une comparaison avec la créativité artisanale à l’étranger.

Nous avons des gens aux doigts agiles, ainsi que des relations diplomatiques avec des pays où le secteur de l’artisanat impressionne, comme la France, la Malaisie, Madagascar, Zimbabwe, l’Inde, le Burkina Faso, le Ghana. Si j’étais ministre de la Culture, j’aurais négocié un séjour d’une dizaine de maîtres-artisans de ces pays pendant deux ou trois ans, pour qu’il puisse enseigner à nos artisans, les techniques de sculpture, poterie, gravure. Les artisans mauriciens auraient ainsi pu maîtriser la technique et en même temps insuffler aux produits l’esprit mauricien qui leur donnerait sa touche unique.

Après cinq ans passés à la tête de la Commission pour la démocratisation de l’économie, quelle est, selon vous, sa plus belle réalisation?

Avant tout, je tiens à dire que la mission de la démocratisation ne relève pas uniquement de la Commission,  mais est une orientation économique générale de l’Alliance Sociale pour le mandat 2000-2005 et ensuite de l’Alliance de l’Avenir. La Commission qui fonctionne sous le bureau du Premier Ministre, est une démarche générale d’ouverture des opportunités aux entrepreneurs. De loin, la plus grande réalisation, c’est d’avoir amené la démocratisation pratiquement au centre du débat économique du gouvernement.

Aujourd’hui tout le monde en parle. Le MMM a adopté le terme, le secteur privé aussi, car on a fait comprendre à toutes les parties prenantes que c’est un concept, une démarche et une initiative extrêmement importante pour  l’avenir de Maurice.

Mais au début, on nous a qualifiés de tous les noms, parce qu’on n’avait pas bien compris notre rôle, qui comprend les reformes des institutions et la réglementation afin d’offrir des opportunités au plus grand nombre possible de mauriciens. D’une part, pour un fonctionnement optimal et d’autre part, pour une considération éthique et morale.

Il reste encore beaucoup à faire. Quels sont les dossiers qui vous tiennent à cœur et qui sont restés en suspens?

Pour commencer, nous avons dit que le projet ne peut être complété sur un, deux ou trois mandats, car il faut rappeler que notre modèle économique a pris trois siècles à se mettre en place. Avec une économie de plantation historiquement, il y a eu un recyclage après l’Indépendance, d’un capital initial qui est le sucre, dans d’autres secteurs comme le textile, les services financiers, l’hôtellerie, le port franc, les technologies de communication et tout dernièrement, le développement immobilier.

A un moment, tous les avoirs économiques étaient conditionnés sous les avoirs historiques, provenant de la richesse de la terre. Et je n’ai jamais prétendu qu’en un quart de siècle on peut changer tout ça.

Ce qui reste à faire c’est changer le mindset de ceux qui détiennent en ce moment les avoirs économiques. C’est dans l’intérêt national que la Commission souhaite apporter toutes ces reformes car sinon il y aurait toujours ce fossé entre ceux qui détiennent les avoirs et ceux qui n’en ont pas. Cela risque de déboucher sur une crise difficile à gérer.

Deuxièmement, il est politiquement, moralement et culturellement impossible de venir bouleverser le mode social, culturel et économique choisi de manière consensuelle par la nation mauricienne, sans même en discuter dans le respect de la constitution.

Ce qu’il faudrait, c’est une collaboration sincère, entre l’Etat, les conglomérats et la société civile, avec les petites et moyennes entreprises. C''est-à-dire, le réservoir des nouveaux entrepreneurs, qui est la  jeunesse et les femmes.

Comment expliquez-vous que Maurice ait reculé de trois places dans le classement 2011 de la Banque mondiale, «Doing Business» ?

J’estime que ce recule  ne porte pas vraiment à conséquence. Ce qui est important, ce n’est pas de voir, une position d’une année à une autre, mais plus sur une certaine période. Je ne connais pas les critères qu’utilise la Banque mondiale, mais malgré tout, je pense que Maurice occupe une place honorable. Et si l’année prochaine, nous continuons à reculer, à ce moment là, il y aurait un problème.

N’empêche que la démocratisation de l’économie brandie par le gouvernement peut être perçue comme une barrière par les investisseurs étrangers. Comment rassurer ces derniers ?

Au contraire, le nouvel investisseur qui arrive n’occupe pas de position prédominante. Quand nous avons proposé notre programme pour assurer la démocratisation de l’économie, y figurait aussi, l’internationalisation de l’économie. Le nouvel investisseur n’a pas d’intérêt existant à protéger. Il n’a pas de dynastie, bien familial ou de lien culturel à protéger. Et le gouvernement  recherche ce type d’investisseur.

Des Mauriciens moyens se plaignent des compagnies d’assurance. Ceux qui achètent un véhicule de plus de sept ans ne peuvent prétendre à une police tous risques. N’assure-t-on finalement que les riches?

Je crois que les assurances deviennent comme les banques.  Je l’ai toujours dis- le métier le plus facile, c’est celui de banquier, où on prête de l’argent à un taux d’intérêt élevé. Et ce business reste fermé.

Les assurances commencent à prendre les mêmes tendances, pas seulement les cas d’assurance tous risques. Les primes pour pouvoir continuer à opérer, sont incroyables pour les camions de plus de 17 ans. Ces mêmes camions qui assurent les transports des petites et moyennes entreprises.

Je suis aussi d’avis que les assurances, rendent la vie de plus en plus difficile. Mon avis personnel, est que les autorités devraient revoir au plus vite le mode de fonctionnement des assurances.