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Boris de Chazal - Manager de la librairie Le Trèfle : «Interpeller les potentiels lecteurs»

14 décembre 2013, 11:36

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Boris de Chazal - Manager de la librairie Le Trèfle : «Interpeller les potentiels lecteurs»

 

Boris de Chazal s’était promis de ne jamais travailler pour la famille. Mais, l’univers de la librairie Le Trèfle où sa mère officiait comme directrice, lui a fait commettre un parjure. Pour son plus grand bonheur.
 
Boris de Chazal a beau être le nouveau manager de la librairie Le Trèfle et prendre ses responsabilités très à coeur, cet homme de 29 ans ne se prend pas du tout au sérieux. Et dit les choses comme il les pense. C’est ainsi qu’il avoue avoir été durant des années réfractaire à la lecture et à tout ce qui lui était imposé.
 
Et pourtant ce n’est pas faute de s’immerger dans la librairie lorsque sa mère reprend la barre il y a une quinzaine d’années. «La première action de maman a été de relooker la librairie. Pendant qu’elle travaillait à l’étage, je passais mes soirées au rez-de-chaussée à me documenter.»
 
Il commence à s’intéresser aux livres. Mais pas au point de sacrifier le sport, ni les fêtes entre copains au profit d’un bon bouquin. C’est vers la comptabilité et la gestion qu’il s’oriente pour son baccalauréat car il se dit que toute entreprise a besoin d’un comptable et d’un gestionnaire. Il se fait inscrire auprès de l’université de Toulouse pour obtenir un diplôme universitaire et technique en finances et comptabilité.
 
À Toulouse, il apprend à «avoir une vraie idée de la vie» et «à connaître la valeur de l’argent». Il se met à fréquenter régulièrement la FNAC et à s’acheter des livres en se faisant conseiller par sa mère. «Lire est devenu un plaisir», raconte-t-il. «Cela remplaçait la télé. C’était aussi une façon très agréable de s’évader lorsque l’on est cloîtré en plein hiver, lire un livre d’aventure se déroulant dans un cadre exotique, vous transporte.»
 
Rentré au pays, il trouve un emploi en tant que démarcheur pour les marchés étrangers à Floréal Knitwear. Il suit des formations visant à le familiariser aux produits à vendre. En parallèle, il suit un cours auprès de la Chambre de commerce pour décrocher une maîtrise en marketing et gestion. Son emploi l’amène aussi à voyager en Afrique du Sud et en Italie. Il réalise cependant que travailler dans le textile demande un investissement de tous les instants qu’il n’est pas prêt à donner à 23 ans. «Je voulais certes d’un emploi mais plus léger et qui me permettrait de mener une vie plus équilibrée.»
 
Boris de Chazal démissionne et décide d’aller améliorer son anglais en Australie. Il a aussi en tête d’effectuer un trip à vélo pour rallier Sydney à Cairns, et de faire par la même occasion oeuvre utile en faisant les gens parrainer la course, à raison d’un dollar australien pour un kilomètre. Cela lui permettra de trouver des fonds pour l’association mauricienne Étoile d’espérance qui réhabilite les femmes alcooliques. Fin prêt, Boris de Chazal démarre son trip de 55 jours. Pendant 33 d’entre eux, il pédale presque continuellement et roule même de nuit. Il réussit à recueillir Rs 15 000 pour Étoile d’espérance.
 
À son retour à Maurice, il trouve un emploi comme coordonnateur des projets auprès d’Incentive Partners, compagnie qui organise les Royal Raids et d’autres courses. Mais il finit par s’en lasser. Il se fait même peur. «Je voulais être mon propre chef car je savais que je serais malheureux avec un patron sur le dos. Je refusais l’idée de la routine et du boulot dodo. Je cherchais un travail où j’allais m’épanouir mais en même temps j’étais hanté par l’idée de repartir».
 
Sa mère lui évoque les difficultés de la librairie à garder la tête hors de l’eau. Autant la culture et la littérature intéressent Boris de Chazal, autant il ne se voit pas travailler dans une entreprise familiale. Il finit par se dire qu’il peut peut-être y apporter son grain de sel et aider sa mère entre deux voyages.
 
À la librairie, il assiste au changement du système informatique et s’occupe de la comptabilité. Il touche à tous les domaines et finit par comprendre le fonctionnement de la librairie. Et puis un jour, c’est la révélation. «J’ai réalisé que j’aimais cet endroit. Maman et Jean- Pierre Lenoir m’ont donné davantage de responsabilités et le plaisir est arrivé.»
 
C’est ainsi que Boris de Chazal est nommé manager. Une de ses premières décisions a été d’améliorer la communication avec les lecteurs potentiels. Pour ce faire, il créé une page Facebook pour la librairie sur laquelle il lance un jeu concours en partenariat avec Bite Me, spécialiste curepipien de sushi. Pour obtenir un coffret-livre sur l’art du sushi d’une valeur de Rs 1000 et la même somme en sushi frais, les participants doivent conjuguer une phrase comportant les mots «livre» et «sushi». Le gagnant est l’auteur Aquil Gopee. Boris de Chazal compte miser sur d’autres jeux concours réguliers pour attirer des lecteurs potentiels.
 
À la page Facebook sont venues s’ajouter une newsletter et une mise en avant qui font la part belle aux nouveautés reçues, de même que la livraison à domicile. «Cette annonce a intrigué les gens. Nous envoyons les livres par la poste à des tarifs variés. C’est Rs 10 pour un kilo, encore Rs 10 pour un kilo additionnel, Rs 14 de plus si c’est envoyé en recommandé et encore Rs 14 si c’est envoyé avec un accusé de réception. La livraison s’effectue entre un et trois jours au maximum.»
 
Il a aussi introduit de la papeterie de luxe, très différente de celle que l’on peut trouver ailleurs. Autre nouveauté : le concept de décoration brocante en vitrine. «Nous mettons des objets décoratifs en vente en vitrine et les clients peuvent les acheter aussi. C’est calqué sur le concept de restaurant brocante où même le mobilier est en vente. Cela permet de tout renouveler.» Boris de Chazal étudie actuellement la possibilité d’avoir un autre point de vente dans l’île. Son désir d’ailleurs l’a abandonné. «Reprendre la librairie a été un challenge formidable. Aujourd’hui, je suis heureux. Je n’ai plus envie de partir». À la bonne heure…