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Benoît XVI au Proche-Orient, où la présence chrétienne devient précaire

14 septembre 2012, 00:00

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Benoît XVI au Proche-Orient, où la présence chrétienne devient précaire

Certains religieux voient dans le voyage que Benoît XVI s''''apprête à effectuer au Liban, du 14 au 16 septembre, le plus risqué des déplacements  du pape à l''étranger.

Le contexte pour le moins instable qui prévaut au Proche-Orient et la proximité explosive de la Syrie voisine ont été pesés. Mais Benoît XVI a répété, dimanche, depuis sa résidence de Castel Gandolfo, son credo : « Mon voyage apostolique au Liban et, par extension, dans l''ensemble du Moyen-Orient se place sous le signe de la paix. »
Son entourage a beau rappeler que ce voyage est "pastoral et ecclésial" avant que d''être politique, il n''est pas sûr que la tonalité générale échappe à l''actualité immédiate : la vie des communautés chrétiennes en Orient est largement soumise aux soubresauts que connaît la région...

Sans doute le pape rappellera-t-il la position prudente et attentive de l''Eglise face aux "difficultés" issues des "printemps arabes".

A l''origine de ce voyage, il y a effectivement le message d''encouragement d''un chef religieux à des ouailles inquiètes. Le pape viendra redire la préoccupation ancienne du Vatican face à l''"exode mortel" des chrétiens d''une région qui a vu naître le christianisme et que l''Eglise catholique se refuse à considérer comme un musée à ciel ouvert. Mais il devrait aussi les conforter dans leur maintien sur place, comme acteurs "de justice, de concorde et de paix".

Benoît XVI remettra, vendredi à Beyrouth, l''exhortation apostolique rédigée à la suite du synode sur le Moyen-Orient qui s''était tenu à Rome en octobre 2010. Un « document programmatique fondamental pour la vie et la mission de l''Eglise catholique au Moyen-Orient et son rôle de promotrice du dialogue et de la paix », a estimé le porte-parole du Vatican, avant le voyage.

Les 165 évêques réunis il y a deux ans pour amorcer ce travail de réflexion avaient tenu un discours alarmiste, et politique, sur la précarité de la situation des chrétiens dans la région. Ils s''inquiétaient du départ des jeunes générations, pour des raisons économiques, sécuritaires ou religieuses, du poids du conflit israélo-palestinien, de l''attitude des puissances occidentales dans la région, mais surtout des difficiles relations des communautés chrétiennes avec les musulmans en général et de la montée de l''islamisme.

Depuis, les bouleversements en Egypte et en Syrie ont chamboulé les équilibres, dans lesquels les communautés chrétiennes, minoritaires et parfois protégées par des pouvoirs autoritaires, avaient trouvé leur place. Ces évolutions provoquent, dans des proportions difficiles à évaluer, de nouveaux départs.

Selon les autorités religieuses locales, l''exode se poursuit, notamment en Irak, où les chrétiens ne seraient plus que 400 000 à 500 000 contre 1,5 million dans les années 1990. Des milliers de chrétiens syriens, dont la communauté est l''une des plus importantes de la région, ont trouvé refuge au Liban ces derniers mois.

Le pape devrait donc « mettre le doigt sur la plaie que constitue la disparition de la présence chrétienne dans la région », explique un responsable maronite libanais. Il devrait aussi être directement informé de la situation des chrétiens de Syrie. Des responsables religieux syriens ont indiqué au Vatican que, « dans la région de Homs, les églises et les couvents étaient systématiquement détruits, les chrétiens chassés, de manière à empêcher tout retour ».

D''autres, comme le jésuite Paolo Dall''Oglio, expulsé de Syrie au printemps, estime qu''en dépit de la proximité de certains d''entre eux avec le régime de Bachar Al-Assad, « il n''y a pas de persécutions particulières envers les chrétiens ». « Ils sont victimes, comme les autres Syriens. »

Ce nouveau contexte rend difficile l''"attachement" des chrétiens "à la terre", prôné par les évêques en 2010. Ils exhortaient les fidèles à "ne pas céder à la tentation de vendre leurs propriétés immobilières" aux musulmans, et Benoît XVI devrait les encourager de nouveau à rester et conforter le rôle des nombreuses institutions catholiques (écoles, hôpitaux), encore actives dans la plupart des pays de la région.

En revanche, le pape devrait déplorer une nouvelle fois les divisions qui minent les nombreuses Eglises chrétiennes séparées depuis des siècles, mais toujours présentes sur des territoires parfois réduits. Ces antagonismes avaient aussi été mis en exergue par les évêques qui, reprenant un leitmotiv ancien, prônaient un travail sur "l''unité" et l''œcuménisme. Il y a cinquante ans, lors du concile Vatican II, l''Eglise reconnaissait déjà que "la division des chrétiens est pour le monde un objet de scandale".

Sur le point plus épineux des relations avec l''islam, Benoît XVI pourra-t-il aller plus loin que les appels « au dialogue de vie fructueux avec les musulmans », « le refus des attitudes de renfermement et de haine », « la mise en garde contre toutes formes d''extrémisme » prônés par l''Eglise, alors que les mouvements islamistes, voire fondamentalistes musulmans, sont devenus des acteurs politiques centraux des scènes moyen-orientales, promoteurs de lois civiles adossées à la loi islamique ? Certains chrétiens le souhaitent.

« Le voyage ne peut revêtir l''aspect d''un soutien à un "camp chrétien" face à un camp musulman », explique Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de L''Œuvre d''Orient, une organisation catholique qui soutient les chrétiens d''Orient depuis cent cinquante ans. « Cette caricature ne serait que la projection de fantasmes occidentaux. »

L''Eglise plaide régulièrement pour que ces sociétés promeuvent la citoyenneté et l''égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens, quelle que soit leur religion, une forme de laïcité, de même que la liberté religieuse et de conscience.

De ce point de vue, le Liban, qualifié de "pays message" par Jean Paul II lors de sa visite de 1997, devrait une nouvelle fois être cité en exemple, en dépit des divisions au sein des communautés chrétiennes et musulmanes et des limites reconnues d''un système politique fondé sur de fragiles équilibres confessionnels.

© Le Monde