Publicité

Au Liban, manifestation contre la Syrie aux funérailles du général Al-Hassan

21 octobre 2012, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Au Liban, manifestation contre la Syrie aux funérailles du général Al-Hassan

Des manifestants libanais ont marché dimanche 21 octobre sur le siège du gouvernement, forçant un premier barrage de sécurité établi par les forces de l’ordre qui ont répliqué en faisant usage de gaz lacrymogène.

Les centaines de manifestants, qui se sont extraits du rassemblement organisé pour les funérailles du général Wissam al Hassan, ont réclamé la démission du premier ministre Nadjib Mikati. « Mikati, dégage ! » ont-ils scandé. « Des jeunes gens se sont dirigés vers le bâtiment qui se trouve dans le centre-ville, mais les forces de l’ordre les ont empêchés d’entrer en tirant en l’air et en lançant des grenades lacrymogènes », a indiqué à l’AFP un policier sur place.

Saad Hariri, le chef de l’opposition libanaise, a lancé un appel au calme et a demandé à ses partisans de rentrer chez eux. « Nous voulons la paix, le gouvernement doit tomber mais nous voulons que cela se produise de manière pacifique. Je demande à tous ceux qui sont dans les rues de se retirer », a-t-il dit à la télévision.

Ces débordements interviennent alors que des milliers de personnes se sont rassemblées dimanche dans le centre de Beyrouth pour participer à une manifestation géante contre Damas et le gouvernement libanais, lors des funérailles du chef des renseignements de la police Wissam Al-Hassan, bête noire du régime syrien tué dans un attentat à la voiture piégée.

Sur la place des Martyrs, au centre de Beyrouth, sont placardées des affiches géantes du général Wissam al-Hassan, avec ces mots : « le martyr de la justice et de la vérité ». « Une seule révolution dans deux Etats », proclamait une banderole faisant allusion à la Syrie et au Liban, « Va t’en Najib » Mikati, l’actuel premier ministre libanais ou « Bachar, hors du Serail », siège du chef du gouvernement. Dans ce cabinet, le parti chiite Hezbollah, puissant allié de Damas et de Téhéran, occupe une place prépondérante.

Sur cette place emblématique de la capitale, flottaient des drapeaux libanais et ceux de la révolution syrienne, des étendards bleus du Courant du Futur du chef de l’opposition Saad Hariri, ou rouges du Parti socialiste progressiste du chef druze Walid Joumblatt, un virulent contempteur du président syrien. La majorité des manifestants sont des sunnites, communauté à laquelle appartenait le défunt, des chrétiens et des druzes.

« Nous voulons poursuivre ce que nous avons entamé en 2005. A cette époque, les Syriens sont sortis du Liban.
Aujourd’hui nous voulons les empêcher de revenir et faire sortir l’Iran », incarné par le mouvement chiite Hezbollah, a affirmé Ahmad Fatfat, député du bloc de l’ancien premier ministre Saad Hariri.

Il a accusé le gouvernement actuel et notamment le Hezbollah de vouloir « le retour au Liban du (président
syrien) Bachar Al-Assad ». Les opposants veulent réitérer la manifestation géante contre Damas, qui avait suivi l’assasinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri, père de Saad, et abouti au départ des troupes syriennes du Liban en 2005.

« C’est exactement comme le jour de la mort de Rafic Hariri. Les Syriens ne sont plus ici mais il y a des Libanais qui travaillent pour eux. Le gouvernement est responsable de ce qui s’est passé et nous voulons qu’il parte », a affirmé Manal Sharqawy, étudiante en droit, qui était déjà sur place pour participer à la manifestation.

Au cours d’une cérémonie militaire au quartier général de la police en présence notamment du premier ministre et de la famille du défunt, le chef de l’Etat Michel Sleimane a demandé à la justice d’accélerer la rédaction de l’acte d’accusation contre l’ancien député Michel Samaha.
Partisan inconditionnel du régime de Damas, il a été arrêté par le général Hassan qui l’accusait d’avoir transporté des explosifs pour commettre des attentats afin de créer le chaos à l’instigation du très puissant chef des renseignements syriens, le général Ali Mamlouk.

Ce haut gradé de la police a joué un rôle majeur dans l’enquête sur les nombreux attentats qui ont visé entre
2005 et 2008 des personnalités libanaises anti-syriennes, dont Rafic Hariri. Mais surtout, il avait défié le général Mamlouk, en étant à l’origine du mandat d’arrêt délivré en août contre lui par la justice libanaise dans le cadre de l’enquête sur Michel Samaha.

MM. Mikati et Sleimane ont fait le lien samedi entre la mort du général et l’arrestation de Michel Samaha.
L’attentat a visé « le chef d’un service de sécurité efficace qui a réussi à démanteler des réseaux terroristes
(...) et à découvrir d’autres réseaux dont le plus important est celui lié aux explosifs transportés par Samaha de Syrie », a dit le chef de l’Etat.

Les cercueils du général et de son chauffeur recouverts du drapeau libanais ont été ensuite transportés vers la mosquée Al-Amine où ont lieu des funérailles publiques. Il sera inhumé dans le mausolée de Rafic Hariri, qui fut son mentor, à la demande de Saad Hariri.

Ces deux attentats ont été attribués sans détour par l’opposition libanaise et les experts au régime du président Bachar Al-Assad, confronté depuis 19 mois à une révolte qu’il tente d’écraser à tout prix malgré les tentatives du médiateur Lakhdar Brahimi, en visite à Damas, d’obtenir une trêve. La Syrie n’a pas réagi officiellement jusqu’à présent à ces accusations.

Dimanche matin, le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, a également jugé sérieuse la piste syrienne. « C’est probable (...) Tout indique que c’est le prolongement de la tragédie syrienne », a déclaré M. Fabius sur Europe 1 et I-télé, accusant le président syrien Bachar al-Assad « d’essayer d’élargir la contagion » du conflit dans les pays voisins de la Syrie.

Une partie de la foule place des Martyrs a repris également à son compte les déclarations de certains responsables politiques libanais pointant du doigt la Syrie. « Nous accusons Bachar Al-Assad, le président syrien. Il est responsable de tout - dans le passé, aujourd’hui, et, si nous ne nous dressons pas contre lui, dans le futur », a déclaré Assmaa Diab, une jeune fille de
14 ans présente sur la place avec sa sœur et son père.

Le général Hassan, le plus haut responsable de sécurité libanais a être assassiné depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), a eu un rôle majeur dans l’enquête sur de nombreux attentats qui ont visé entre 2005 et 2008 de nombreuses personnalités libanaises antisyriennes, dont M.
Hariri.

La mort brutale du général sunnite vendredi a provoqué un séisme politique au Liban, ravivant les clivages entre partisans et opposants du régime syrien dont les troupes ont stationné pendant 30 ans dans le pays. L’opposition a appelé à la démission du gouvernement, où le Hezbollah chiite, un allié de M. Assad, joue un rôle prédominant.
Mais samedi, le premier ministre Najib Mikati a choisi de rester à son poste dans « l’intérêt national » et pour éviter « le vide politique » qui pourrait plonger le pays fragilisé dans le chaos.

Le dirigeant politique libanais allié du Hezbollah, Michel Aoun, a mis en garde ceux qui voudraient tirer bénéfice de cet assassinat. « Nous serons vigilants pour qu’il n’y ait pas de dérapage à l’instigation de certains qui voudraient utiliser ce crime qui a coûté la vie à des Libanais en une bataille politique », a-t-il dit à la presse, à l’adresse de l’opposition anti-syrienne.

De son côté, l’opposition libanaise a annoncé dimanche qu’elle rejetterait toute forme de dialogue visant à surmonter la crise politique provoquée par l’assassinat du général Wissam al Hassan tant que le gouvernement de Nadjib Mikati n’aurait pas démissionné. « Aucun discussion avant le départ du gouvernement, aucun dialogue par dessus le sang de nos martyrs », a déclaré l’ancien premier ministre Fouad Siniora aux milliers de personnes qui se sont rassemblées pour les funérailles du général Wissam Al-Hassan.

Samedi, journée de deuil national, la colère était vive dans les régions à majorité sunnite à travers le pays. A Tripoli (nord du pays), un cheikh a été tué dans des échanges de tirs alors que des routes ont été coupées par des pneus en feu dans d’autres localités.