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Anwar Elahee: «La loi du pays doit incontestablement s’adapter aux statuts régissant le football»

14 septembre 2012, 00:00

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Anwar Elahee: «La loi du pays doit incontestablement s’adapter aux statuts régissant le football»

L’adoption par la Mauritius Football Association (MFA) des statuts de la Fédération internationale de Football Association (FIFA) le 28 août dernier place l’instance dirigeante du football mauricien dans une situation de hors-la-loi par rapport à la Sports Act. Anwar Elahee, manager général de l’ASPL 2000 et délégué à la MFA, analyse les implications d’un tel changement dans la gestion du football et dit sa conviction que la loi du pays doit évoluer de façon à respecter les spécificités de chaque discipline, condition sine qua non pour le progrès du sport en général.

Lors d’une assemblée générale spéciale le mardi 28 août à Trianon, la MFA a adopté les statuts de la FIFA. A votre avis, peut-on parler d’avancée majeure voire de mesure historique prise par l’instante dirigeante du football mauricien ?

– Je dirai que c’est une avancée majeure prise par l’instance dirigeante du football mauricien dans la mesure où dorénavant, les statuts sont au diapason des statuts de la FIFA qui préconisent une uniformisation des lois de ses associations membres à travers le monde.

Mais tout bien considéré, ce développement ne coule-t-il pas de source ? N’est-ce pas naturel et normal qu’une association membre d’une fédération internationale obéisse aux règlements qui la régissent au sommet de l’organisation ?


– Tout à fait. A partir du moment où l’île Maurice, à travers la MFA, a fait le choix d’être membre de la FIFA, c’est tout naturel qu’elle obéisse aux règlements qui la gouvernent.

Pourquoi est-ce qu’à Maurice un tel choix relève de l’extraordinaire ?


– A Maurice, aussi bien que dans d’autres pays, les fédérations sont gouvernées par deux lois : la loi de leur fédération internationale et celle de leur pays, la Sports Act. Le choix à Maurice relève de l’extraordinaire car à l’heure où je vous parle, en raison des nouveaux statuts qu’elle a adoptés, la MFA est devenue hors-la-loi. Même si les fondamentaux sont identiques, dans leur application, du moins, ces lois diffèrent.

Ne faut-il pas voir là la gêne que ressentent les fédérations nationales en raison de la mainmise qu’a toujours voulu exercer sur elles le ministère de la Jeunesse et des Sports même si celui-ci maintient le contraire ?

– Les fédérations nationales ressentent et ressentiront beaucoup de gêne par rapport au ministère de la Jeunesse et des Sports aussi longtemps qu’elles dépendront de lui – qu’elles seront en situation de dépendance importante même – pour fonctionner.

Le ministère de la Jeunesse et des Sports a pour mission de mettre en place les facilités nécessaires pour le bon développement de chaque discipline grâce au financement du contribuable. A partir de là, le ministère a des comptes à rendre et il impose ses conditions et cela, des fois, à la limite de ses prérogatives. De plus, les intérêts et les objectifs ne sont pas les mêmes.

Mais en même temps, la MFA se retrouve dans une situation hors-la-loi puisqu’elle est en conformité désormais avec les statuts de la FIFA et n’est plus en conformité avec la Sports Act ?


– Oui, mais si on tient compte des récentes déclarations du ministre Ritoo, des amendements seront apportés bientôt à la Sports Act et ils iront dans la même direction que les nouveaux statuts de la MFA.

Où se situent les différences entre ces deux cadres juridiques ? Comment deviennent-ils incompatibles à un moment donné ?


– Les différences entre les statuts de la FIFA et la Sports Act se situent essentiellement autour du mécanisme des élections et des différents postes qui seront occupés par les membres du comité directeur. Le président et les membres sont élus par l’assemblée exclusivement. Contrairement à la Sports Act, les nouveaux statuts ne font pas mention des postes de secrétaire et de trésorier. C’est le secrétaire général qui s’occupera de cette tâche.

Pour vous qui êtes membre de la MFA depuis de nombreuses années, qu’est-ce qui doit primer : les statuts régissant le football ou la loi du pays ?

– A partir du moment où le pays a décidé de reconnaître et de s’engager avec les fédérations internationales, ce qui lui ouvre la porte aux participations à différentes compétitions internationales, la loi du pays doit incontestablement s’adapter aux statuts régissant le football et à ses exigences.

La loi du pays ne devrait-elle pas évoluer au fil des années et tenir compte de la réalité des transformations par lesquelles passent le sport et les fédérations internationales ?


– Chaque discipline a ses propres spécificités. Les lois doivent évoluer de façon à permettre à chaque discipline de progresser tout en respectant les exigences présentes dans sa sphère d’activités.

Ne gagnerait-elle pas ainsi en qualité et pertinence ?


– Certainement, car il n’y a pas de statuts parfaits. De temps en temps, des réajustements sont nécessaires pour faire avancer les choses. L’avis des experts en la matière doit être pris en considération. Si on tient compte de la Sports Act promulguée en 2000 et qui faisait la part belle à la «décommunalisation» et surtout à la régionalisation du sport à Maurice, ne pensez-vous pas qu’il faut faire un bilan de la situation et apporter les ajustements nécessaires pour l’épanouissement de nos sportifs ? Cela passe par des lois mieux adaptées à la réalité.

Peut-on imaginer une situation où le sport s’autogérerait en respectant les règles de bonne gouvernance, de management efficace, en exerçant une scrupuleuse rigueur comptable ?

– Oui, c’est l’idéal, à condition que chaque fédération mette en place des instances internes régulatrices indépendantes pour justement veiller au bon fonctionnement en matière de bonne gouvernance, de management et de comptabilité. En matière juridique, quand cela s’avère nécessaire, les fédérations pourront faire appel à leurs fédérations internationales respectives.

Le fait que le facilitateur finance, lui octroie-t-il le droit de dicter sa loi à des fédérations dont il n’est même pas membre ?

– Pour enfoncer le clou, certains vous diront : «Beggars can’t be choosers !» A partir du moment où on reçoit une aide financière, la bonne gouvernance veut qu’il y ait de la transparence et on doit rendre des comptes au donateur. Cela doit se faire au préalable à travers un contrat d’objectifs commun pour éviter une ingérence dans les affaires des fédérations qui ont pour mission de développer au mieux leurs disciplines respectives.

Maintenir un cadre légal rigide, qui n’intègre ni les principes de la Charte Olympique, ni ceux des fédérations internationales, n’est-ce pas finalement enfermer la pratique et la gestion du sport dans un carcan et restreindre le champ d’opération de ceux qui ont la charge de développer une discipline sportive sur un territoire donné ?

– Ce mode de fonctionnement devient très complexe et nuira certainement à la progression de la pratique du sport. Chaque discipline sportive évolue, les méthodes changent et il va de soi que les lois doivent changer. Ou alors, comme c’est le cas dans les grandes nations sportives, la loi du pays a été établie dans les grandes lignes et laisse un champ d’action assez flexible aux fédérations souhaitant modifier leur mode opératoire.

Et le football mauricien dans tout ça ? Comment se porte-t-il ? Comment est-ce que ces changements contribueront-ils à améliorer sa situation ?

– Je ne surprendrai personne en disant que notre football va de mal en pis. C’est le pire comité directeur qu’a connu la MFA depuis son existence. En deux ans, on a eu quatre présidents. Guerre de clans, ambitions personnelles au détriment du football, mauvaise utilisation des ressources, mauvaise gestion, absence de vision et décisions partisanes.
Disons que les nouveaux statuts sont censés créer plus de stabilité au sein de la fédération et définissent mieux les rôles des différents intervenants. Ces changements permettront à la FIFA de mieux contrôler et d’intervenir plus librement quand le besoin se fera sentir.

Bref, les lois sont là comme un outil pour une bonne gestion fédérale. Mais le succès de notre football dépendra de ce que nos dirigeants en feront.

L’avenir réside-t-il dans la professionnalisation ? Si oui, comment et quand est-ce que ce processus sera-t-il enclenché ?

– Je suis catégorique : la professionnalisation de notre football est la seule issue pour notre sport. Les experts sont unanimes là-dessus. Avec l’évolution de notre société, les méthodes et la pratique du football ne sont plus les mêmes que ceux des années 70-80.

Le processus a déjà été enclenché en 2007 suivant un cahier des charges bien établi. La MFA aura comme partenaires le ministère de la Jeunesse et des Sports et le secteur privé représenté par Vincent Rogers. La FIFA soutient le projet à travers différents programmes d’aide, des cours de formation pour les dirigeants, les arbitres et les entraîneurs, un terrain synthétique et des dons d’équipements aux clubs et aux sélections nationales.

Le comble c’est qu’avec l’arrivée en 2010 de la nouvelle équipe dirigeante, le projet est resté sans suite. Le monitoring committee chargé d’assurer la coordination entre les différentes parties engagées dans ce processus de professionnalisation a tout simplement été dissous.

Aujourd’hui, Maurice est 200e au classement de la FIFA, avant-dernier en Afrique et dernier dans l’océan Indien. C’est le résultat d’une politique sans fil conducteur et d’une incohérence entre les parties concernées. Les intérêts sont divergents. Et c’est le football qui en fait les frais.

Propos recueillis par Robert D’Argent


Portrait : Tel père, tel fils

Anwar Elahee, 49 ans, porte un patronyme célèbre dans le monde du football mauricien. Fils de feu Mamade Elahee, il éprouve pour le ballon rond le même amour que celui de son père pour ce sport et, comme lui, s’est engagé pour son développement.

Anwar Elahee est un ancien joueur des Muslim Scouts (juniors), du Scouts Club et du Roche-Bois Boy Scouts. Avec la régionalisation du football en 2000, il devient président et dirigeant de la nouvelle équipe ASPL 2000 née de la fusion de Roche-Bois Boy Scouts-Saint-Martin et de Century FC. Durant les douze dernières années, la formation de la capitale a récolté cinq titres de championne de Maurice et différents trophées : MFA Cup, Republic Cup, championne des moins de 20 ans, des moins de 15 ans. Elle a aussi participé à la Coupe d’Afrique des clubs champions.

Notre invité du jour s’est aussi intéressé à l’entraînement. Il a été entraîneur de Century W.A, équipe de deuxième division régionale portlouisienne promue par la suite en division 2 nationale. Il a obtenu le diplôme d’entraîneur de niveau 3 et a suivi un stage au centre de formation de Bordeaux en 1997.

Premier vice-président de la MFA et président de la commission nationale technique et de développement du football de 2006 à 2010, Anwar Elahee est aujourd’hui manager général de l’ASPL 2000 et délégué à la MFA.

Marié et père de quatre enfants, Anwar Elahee exerce la profession de prothésiste dentaire.