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Analyse – Bilan des Jeux des Iles : Echec et mat

19 août 2011, 00:00

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Analyse – Bilan des Jeux des Iles : Echec et mat

Quel que soit l’angle sous lequel on analyse le parcours de la sélection de Maurice aux 8es Jeux des îles de l’océan Indien, c’est un constat d’échec cinglant qui s’impose. Et le constat est encore plus amer quand on pense que les Seychelles ont failli terminer en tête au tableau des médailles final alors que ses 87 000 habitants font d’elles tout au plus une force comparable à un district à Maurice. Sa deuxième place est un exploit historique.

Mais qu’est-il donc arrivé au sport mauricien ? Comment expliquer qu’il ne puisse produire, d’une population sportive de 400 000 licenciés – chiffres fournis par le ministère de la Jeunesse et des Sports en décembre 2008 – une équipe suffisamment forte pour faire de lui une puissance régionale ? Il faut en déduire que le système a arrêté de fonctionner depuis longtemps et que les cycles de formation et de croissance n’ont pas été respectés et optimisés. Au contraire de ce qui se passe dans les autres îles de la région.

Nous avons vécu sur ce que nous avons pris pour des acquis alors qu’en sport tout est à refaire perpétuellement de groupes d’âge en groupes d’âge. Tout est à recommencer puisqu’une génération, fût-elle dorée, est toujours synonyme d’éphémère. La réussite d’une minorité n’est pas celle de la majorité. La légende fait partie de l’imaginaire. La prétention et les complexes de supériorité ne donnent finalement qu’une fausse perception et égarent. La réalité est tout autre.

Quelle est-elle au juste ? Le modèle mauricien est erroné, dépassé, victime, lui aussi, de son multiracisme. Des Mauriciens physiquement aptes à l’effort, en pleine possession de leurs moyens, vivant dans l’abondance, choisissent de borner leur pratique sportive au cercle restreint de leur communauté. D’autres estiment que le sport ou l’effort physique ne fait pas partie de leur culture. D’autres encore s’expriment dans quelques disciplines correspondant à leur statut social et financier pendant quelques années et mettent fin rapidement à leur brève carrière dès que vient le moment de poursuivre des études.

Encore heureux que les défavorisés de notre société trouvent toujours dans le sport la promotion sociale qui les encourage à poursuivre ce qu’une grosse majorité n’a jamais osé tenter, même en pensée. Que peut cette poignée de téméraires dans ces conditions ? D’autant que le sport ne nourrit pas son homme et qu’il ne se pratique, dans la majorité des cas, qu’une fois la journée de travail terminée, dure journée pour les démunis ! Une telle équation ne peut produire que de maigres résultats. A moins que ne soit reconnue enfin la compétence sportive voire l’intelligence sportive.

Le Mauricien doit apprendre à réapprivoiser l’effort dès le jeune âge. Son statut de nouveau riche a fait de lui un allergique aux dépenses énergétiques physiques, un spectateur scotché devant le football anglais, un parieur croyant au miracle à chaque fois qu’il effectue une mise. Quelqu’un qui mange trop et mal, plus ami avec l’alcool et la cigarette qu’avec l’oxygène et la discipline de vie.

Cet effort suppose un cadre structuré et professionnel. Si nous choisissons comme orientation une voie devant produire des performances, si tel est notre souhait, il est impératif de sortir du « faire-semblant » actuel, du « par à-coups », de l’exception. Il faut envisager une approche exclusive : qu’un sportif ne fasse que du sport et par extension que ceux qui l’encadrent, administrateurs et techniciens, ne fassent que cela aussi.

Devanand Ritoo disait dimanche dernier son admiration pour l’unité du peuple seychellois. Il devrait s’interroger sur les raisons qui annihilent au départ même l’avènement d’une unité semblable à Maurice et inviter ses collègues politiciens à changer de paradigmes. Il est plus facile d’unir une majorité dans la haine de l’autre que d’unir tout un peuple autour d’un même idéal et d’oeuvrer à la création d’une nation enfin. La soif du pouvoir et les recettes racistes ont figé les rôles d’emblée. Sur ce petit territoire que de mondes parallèles face auxquels les ponts bâtis par le sport ont toujours été fragiles.

Même si demain les millions nécessaires à la préparation étaient disponibles à temps, il resterait toujours à relever un défi majeur : celui d’une pratique sportive effective à laquelle contribuent non seulement les administrateurs et les techniciens des fédérations mais aussi l’Etat, les collectivités locales et les établissements scolaires. A moins d’envisager une sélection nationale constituée uniquement d’expatriés issus de dynamiques étrangères.

Au début des années 90, Sylvette Frichot, alors ministre des Sports aux Seychelles, était venue à la rencontre de son homologue Michael Glover afin de comprendre le fonctionnement du modèle mauricien. Elle s’en est inspirée pour donner au sport seychellois l’impulsion qui a produit les résultats qu’il a enregistrés. C’est à Maurice aujourd’hui d’apprendre du peuple seychellois et pas seulement en sport.

Son échec aux 8es Jeux des îles est l’échec de tout un peuple. En espérant qu’il reste un peu d’amour-propre à tous ceux qui en sont responsables d’une façon ou d’une autre. Ce qui serait étonnant, soit dit en passant.

Robert D’Argent

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