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Afghanistan : une guerre pour rien

10 juillet 2012, 00:00

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Afghanistan : une guerre pour rien

Condition féminine, éradication des talibans, les onze années d''''intervention militaire de l''Otan n''ont rien changé à l''Afghanistan, écrit Le Point.fr dans son édition de ce mardi 10 juillet. Extraits.

Onze ans après le début de l''intervention de l''Otan en octobre 2001, l''Afghanistan a-t-elle enregistré de réels progrès ? Chercheur associé à l''Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), Karim Pakzad évoque un échec global, teinté toutefois de quelques notes positives. "Première cible de l''Otan, les talibans ont certes été rapidement chassés de Kaboul, mais ils n''ont pas disparu pour autant", note le spécialiste de l''Afghanistan. "Aujourd''hui, ils sont même plus forts qu''avant. Ils ont mis en échec l''armée la plus puissante du monde, si bien qu''ils ont poussé les Américains à négocier leur retour au pouvoir".

« Les talibans bénéficient d''une supériorité morale »

Étonnamment, les populations afghanes ne seraient pas insensibles à ce retour en grâce. "Face à un gouvernement qui n''a plus aucune légitimité, les talibans bénéficient d''une supériorité morale", estime pour sa part Mariam Abou Zahab. "Avec leurs administrations parallèles en milieu rural, ils sont considérés comme plus efficaces. Ce soutien populaire est donc plus pragmatique qu''idéologique", souligne la chercheuse. Le pays peut tout de même se targuer d''avoir enregistré certaines avancées notables.

Inscription de tout parti politique, ou liberté de la presse, l''Afghanistan de 2012 n''a plus rien à voir avec son passé. Mais que valent ces progrès dans un pays où 80 % de la population est toujours analphabète ? Chiffre étonnant, 30 % de femmes ont été admises au Parlement afghan, soit plus qu''en France. Mais dans les faits, leur liberté de ton serait des plus limitées. "Tous ces acquis demeurent extrêmement fragiles, car ils ont été imposés et ne répondent pas à une évolution de la société", analyse Karim Pakzad. La preuve, "en zone rurale, le statut de la femme n''a pratiquement pas changé, tout juste ont-elles gagné un peu en sécurité", note Mariam Abou Zahab.

Une société extrêmement rigoureuse en termes de lois islamiques

Dernier exemple en date, la diffusion d''une vidéo montrant l''exécution par balle d''une femme soupçonnée d''adultère dans un village à une centaine de kilomètres de Kaboul. Pour Mariam Abou Zahab, cette pratique qui n''a "rien à voir avec les talibans", traduit la mentalité liée aux conceptions de l''honneur de la famille en Afghanistan. "Cela existait avant les talibans, et ne disparaîtra pas avec l''Occident." "La société afghane demeure extrêmement rigoureuse en termes de lois islamiques", renchérit Karim Pakzad. "Si les talibans ont pu y faire leur nid, c''est qu''ils disposaient d''une base en ce sens."

Mais le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, estime lui que les Français « peuvent être fiers du travail réalisé pendant onze ans par notre armée"."Les objectifs que s''était fixés la coalition sont atteints. L''Afghanistan n''est plus un État terroriste. Al-Qaida a vu son pouvoir profondément affaibli, et ses chefs et ses infrastructures, comme Ben Laden, éliminés", a ajouté Jean-Yves Le Drian.

Un vaste programme

234 soldats de l''Otan ont été tués depuis janvier 2012. Ce qui n’a pas empêché la communauté internationale de promettre dimanche de verser à Kaboul quelque 16 milliards de dollars d''ici à 2015. En outre, les 80 nations et organisations réunies à Tokyo se sont engagées à continuer de financer le pays en 2016 et 2017.

En échange, elles exigent des autorités afghanes qu''elles s''engagent à organiser des élections en 2014 et 2015, améliorent l''accès à la justice pour tous, notamment les femmes, et qu''elles luttent plus efficacement contre la corruption. Un vaste programme qui risque toutefois d’échouer face aux talibans de plus en plus proches du pouvoir. Onze années de guerre pour rien.

Photo : Les soldats français au garde-à-vous le 12 avril dernier lors d''une cérémonie sur la base afghane de Surobi.

Source : Le Point.fr