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Crise climatique: pluie d’inondations à l’horizon

5 octobre 2022, 19:45

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Crise climatique: pluie d’inondations à l’horizon

Le constat est sans équivoque : Maurice subira un nombre croissant d’inondations face à la crise climatique, indiquent les spécialistes. SUNREF Maurice, le label de financement vert de l’Agence française de développement (AFD), a organisé une sensibilisation des professionnels à ces risques et aux solutions innovantes. C’était lors d’un atelier de travail en septembre. D’autres experts évaluent les futurs dégâts et pistes de solutions avant le… déluge. Tour d’horizon.

«L’urbanisation galopante a engendré une artificialisation des sols causant leur imperméabilisation. Selon une étude récente de la Capacity for Disaster Risk Initiative (CADRI) des Nations unies, le nombre de zones inondables à Maurice a plus que doublé entre 2002 et 2019», indique SUNREF Maurice – le label de financement vert de l’Agence française de développement (AFD). Et selon Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement, les inondations locales seront bien plus conséquentes et entrecoupées de périodes de sécheresse et de grosses pluies. «Elles risquent de doubler, voire tripler durant les prochaines années», prévoit-il. 

Ainsi, le 13 septembre, SUNREF Maurice a consacré son cinquième atelier à l’urgente question de gestion des eaux pluviales. Objectifs : encourager les projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique et sensibiliser aux risques liés à la crise climatique et aux solutions vertes innovantes. Pourquoi les inondations seront-elles plus fréquentes à Maurice ? Selon Colin Houssaye, responsable du Pôle Hydraulique, d’Artelia Réunionocéan Indien, le nombre moyen annuel de cyclones tropicaux a doublé au cours des quatre dernières décennies. Il ne s’agit pas forcément que fréquence des tempêtes tropicales et cyclones confondus ait augmenté mais en revanche, leur intensité s’est accrue, explique-t-il. 

Deux facteurs de base conduisent à cette intensification : la température de surface des océans et le taux d’humidité de l’air lié à la température de l’air et à une évaporation plus forte. «Ces deux paramètres ayant tendance à augmenter avec le changement climatique, cette intensification pourrait donc se généraliser dans les années à venir. Or, le passage d’un cyclone intense sur Maurice provoque une pluviométrie très importante sur un laps de temps très réduit. Ainsi, les débordements des cours d’eau et des aménagements hydrauliques seront plus fréquents.» 

Vassen Kauppaymuthoo, qui a travaillé sur le Land Drainage Master Plan, dossier intégrant les zones à risque, fait état d’un important phénomène résultant du changement climatique : l’augmentation des vapeurs d’eau dans l’atmosphère, ce qui induit des noyaux de condensation. «Par conséquent, on aura davantage de pluies torrentielles dans des lieux localisés. On se souvient des grosses pluies à Port-Louis alors qu’il faisait beau à Quatre-Bornes. Des pluies plus importantes sont donc localisées. Paradoxalement, depuis 1950, la pluie tombant à Maurice a baissé de 8 %. Moins d’eau qui équivaut à 1,8 mètre annuellement», déclare-t-il. Toutefois, leur ruissellement est si rapide que cela crée des inondations. 

Quelles conséquences pour notre île ? Colin Houssaye désigne l’augmentation des dommages sur les biens et les personnes avec des espaces urbanisés inondés, des risques de déstabilisation des cours d’eau (à l’exemple de glissement de terrain) et des érosions accrues sur le littoral au niveau des points de rejet en mer. 

Comment s’en prémunir avant qu’il ne soit trop tard ? Pour limiter le risque d’inondation, répond Colin Houssaye, il incombe de limiter l’artificialisation des sols dans l’aménagement, ce qui permet de conserver des zones d’infiltration, et donc de limiter les rejets d’eaux de ruissellement en aval des projets. «Il est également nécessaire de bien concevoir les aménagements pour la gestion des eaux pluviales afin de limiter au maximum l’augmentation des débits liés aux projets de construction», souligne-til. En termes d’aménagements, il cite la conservation des exutoires naturels, la mise en place de toitures végétalisées, la récupération d’eau de pluie entre autres mesures. 

Vassen Kauppaymuthoo revient sur la conception des drains. Ainsi, dit-il, le chiffre utilisé est de 80 mm par heure de pluie depuis des années. Mais, selon lui, «tous les drains à Maurice pour évacuer l’eau sont sous-dimensionnés puisque les pluies dépassent souvent les 120 mm par heure». Aussi, les drains en béton ne font que transférer le problème d’accumulation d’un point d’eau à un autre. 

Que faire ? Ce ne sont pas les ingénieurs qui vont sauver la planète, répond-il, mais la nature. Il faut protéger les drains naturels, augmenter les réserves autour des rivières, protéger les zones humides et la végétation. «Plus l’eau descend vite, plus cela fera des dégâts. Il faut maintenir un sol végétalisé. Parallèlement, le changement climatique s’accélère de façon exponentielle. Il faut donc faire une évaluation, avertir les gens des zones à risque et inondables et réhabiliter la nature en replantant les arbres par exemple», affirme-t-il. 

Revenant sur le cas des cyclones, notamment en Floride, il conclut que ceux-ci ne seront pas plus fréquents à Maurice mais plus «puissants» et rapportant plus d’eau.